Le premier à tomber : la mort de David Rossi (2009)

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1

Sept cauchemars survinrent cette nuit-là. Six esprits s'effilochèrent face aux choses étranges qui rôdaient, même si Ça ne les avait pas encore vraiment accueillis à la maison ; six esprits adultes tentant de comprendre l'étrangeté qui commençait à sortir son impossible tête des vagues silencieuses de leurs souvenirs perdus. Ils n'étaient plus des enfants. A cette époque, quand l'impossible était arrivé, ils y avaient fait face. Un ours attaquait au petit-déjeuner et, à midi, le calme était revenu. Un homme aux yeux argentés, qui ne pouvait pas être là mais se glissait pourtant dans leur chambre la nuit, n'avait pas empêché deux jeunes garçons de s'entraîner à réaliser des tours avec leurs yo-yo une fois le soleil réapparut. Et JJ avait survécu à la nuit de la mort de sa sœur. L'impossible ne les avait pas brisés car les enfants sont les porte-paroles de l'impossible. Adultes, leur esprit se rebellaient. Leur perception s'avérait raidie depuis ces lointaines années.

Une petite part de chacun d'entre eux savait que, ce qui approchait, aucun adulte ne pouvait justifier ou comprendre. Et que cela les détruirait.

2

Jennifer Jareau somnolait dans un fauteuil à coté de la cheminée éteinte, au domicile de ses grands-parents, au-dessus de Dark Score Lake. D'une oreille, elle écoutait sa grand-mère se déplacer, à l'étage. Elle portait son arme à sa hanche et un pendentif autour de sa gorge ; dans la poche de son pantalon se trouvait un portefeuille qu'elle prenait lors des affaires pendant lesquelles elle ne pouvait posséder de sac à main. A l'intérieur de ce portefeuille, une photographie de sa famille.

Elle rêva de quelque chose festoyant dans le lac, mordant, rongeant et suçant la moelle des corps qui y flottaient. Tellement de corps. Un garçon avec un seul bras, dont le corps ne parvenait à s'arrêter de s'agiter et rouler dans les vagues apathiques. Hannah, dévorée par l'ours et recouverte de morsures lorsque JJ avait regardé dans l'eau pour l'y apercevoir. Emily, dévisagée et les mains brûlées, noires et calcinées. Alors que JJ les observait, ils se mirent à s'émietter, l'eau se teintant de noir avec les cendres laissées derrières eux. Sous les corps, tous ces corps —Spencer, Ethan, Henry et Rafe, tous morts, tous dévorés, tous partis— le quelque chose bougea. Ça avait faim. Ça jubilait, murmurant 'bon retour !' dans une mélopée s'élevant de tous ces visages morts.

Quand elle se réveilla en sursaut, le cauchemar déjà oublié, son portefeuille avait glissé de sa poche. Depuis le sol où il reposait désormais, grand ouvert, le visage de son fils lui souriait.

3

Aaron Hotchner dormait sans bouger, son corps étendu dans le lit de l'hôtel de manière aussi soigneusement qu'il voudrait finir pour son enterrement : sur le dos, un bras à coté de lui, l'autre replié sur son ventre et ses pieds collés. Si les autres s'étaient endurcis, lui restait figé dans le temps depuis ses dix-sept ans ; même à cette époque, il avait à peine survécu à ce qu'il avait vu. Malgré l'absence de tout mouvement, ses rêves se révélaient avides et vicieux. Il voyait le corps de Sean jeté au sol de sa chambre, et son père qui le surplombait, une ceinture ensanglantée à la main.

« Je devais le faire, fils, » dit calmement leur père. La ceinture gouttait sur les yeux ouverts de Sean. « Je devais lui donner une bonne leçon. C'était un mauvais garçon, tu sais.

— Nous ne sommes pas mauvais, » hoqueta Aaron. Il recula en chancelant en réalisant que son frère était mort et qu'il ne pouvait rien y faire. Rien du tout. « On ne méritait pas ça.

— Vous êtes tous de mauvais garnements, déclara son père. Pourris jusqu'à la moelle. Tourne-toi. »

Aaron obéit. Il vit alors son équipe. Morts, chacun d'eux, et recouverts de marques faites par cette ceinture... la ceinture qui pendait maintenant dans sa propre main, lourde et humide, avec de la salive, des cheveux et des morceaux de peau.

Nous (Esprits Criminels & Ça)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant