Chapitre 6

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"Demain, nous assisterons au seizième anniversaire de la jeune fille qui aurait, d'après la célèbre rumeur, survécu à l'attaque d'un requin du nord, à l'âge de seulement six ans. Voilà quatre années passées, et celle-ci n'est toujours pas apparu en public ! Eh bien, mes très chers lectrices et lecteurs, j'ai l'honneur de vous annoncer qu'au lendemain de ce jour, Miss Anthéa Berthold de Rollinfell viendra nous conter son témoignage sur votre Golden Register !
Article inédit, Golden Register, 21 mars 1832 "

Ce que je redoutais le plus arriva finalement. Je tenais cette article de journal froissé, que je venais de reprendre de la poubelle du bureau de Dame Paola. Je m'installai sur son siège mouleux couleur de pêche, puis déposai le bout de papier sur la table.

Les yeux scotchés à la phrase qui me citait, je n'avais pas remarqué la présence de Dame Paola à l'entrée, qui m'observait m'indigner dans un brouhaha silencieux.

- Tu sais que tu n'as pas le droit d'être ici, commença-t-elle d'une voix qu'elle se forçait à aggraver mais dont l'intonation ne suivait pas la crédibilité.

Je me levai par respect pour elle, à l'aide de ma canne de bois, puis attrapai la page de journal pour la brandir.

- Est-ce que c'est vous qui leur avez dit que je viendrai ? demandais-je le point fermement aggripé au torchon d'écriture.

- J'ai fais ce qui était le mieux pour toi. Après cela, tu pourras peut-être bénéficier de l'aide financière du public pour payer tes études. Je n'avais pas le choix, Anny.

- Je vous ai déjà demander de ne plus m'appeler comme ça. Et c'était la pire chose à faire, je peux me débrouiller seule pour mes études.

"Anny" , la dernière personne à m'avoir appelé par ce surnom n'est sûrement plus de ce monde. J'espère de tout mon cœur que je me trompe.

- Je ne pouvais pas refuser une opportunité de la sorte, ajouta-t-elle, comprends moi.

- Vous n'aviez qu'à leur dire la même chose que l'an dernier, ou simplement me prévenir.

J'ai toujours essayé d'éviter ce genre de situation. Les gens me prennaient pour un spécimen rare, ils pensaient que j'avais des capacités hors-normes ou une sorte de don. Je n'allais pas leur offrir ce qu'ils voulaient, mais quand je voyais la détermination de Dame Paola pour m'aider à m'intégrer, je ne pouvais que suivre ses conseils.

*****
Je n'avais jamais ressenti la sensation de devoir prendre sur moi pour plaire aux regards des autres. Toute ma vie, j'ai toujours été enfermé quelque part à l'abri de la critique. D'abord dans ma petite maison d'enfance à Rollinfell, puis dans ma tête et enfin dans les appartements de l'académie Lawturn.

Ce jour là, symboliquement le jour de mon anniversaire, cette barrière qui me séparait du monde réel allait se briser. J'espérais que ces simples paires d'yeux posées sur moi n'atteindraient pas ma manière de me voire.

Dans la chambre principale du deuxième étage de la zone A, Paola me dressaient les cheveux de manière à ce qu'ils ne touchent pas le sol. Installée sur le tabouret de la coiffeuse, j'observais mon reflet.

Mon corset me maintenait les entrailles en place, m'empêchait de déployer ma cage thoracique à plus de trois millimètres de sorte à ce que je puisse mourir en douceur.

Je ne me reconnaissais pas du tout dans cette magnifique robe bleu ciel à manche transparentes, et dont le décoté tentait tant bien que mal d'extraire une pointe de visibilité à mon début de seins.

Je me sentais comme un caniche qu'on toiletterai parfaitement pour amuser l'œil des bourgeois de ville.

Sous ce tat de tissu, mes jambes avait repris un état "normal". La peau de poisson y avaient disparu depuis quelques semaines et je pouvais plier mes genoux à ma guise. Techniquement, je ne suis pas sirène car je n'ai pas de queue de poisson qui pousse au contact de l'eau ( malheureusement). Mes jambes artificielle débute à peu près au milieu de mes cuisses et pour l'instant, ma différence est quasi invisible, mise à part les cicatrises.

À travers la glace, je distinguais derrière nous, Rawan, ma meilleure amie, qui terminait de tricoter un pantalon pour le projet de Théâtre. Assise en tailleur sur son lit, la tête penchée sur son activité, on ne pouvait pas voir son visage, caché par ses cheveux d'argent mi-long qui tombaient vers l'avant.

J'ai connue Rawan quelques heures après mon réveil, elle accompagnait simplement sa mère, Dame Paola. Nous partageions la même chambre, les mêmes activités, les mêmes horaires de corvée. La seule chose que l'on ne partageait pas, les biscuits au beurre goût pomme rouge de Paola. Elle n'était vraiment pas du genre à plaisanter avec ça... j'en ai fait les frais.

Le silence c'était fait une place dans la pièce, le soleil était au plus haut dans le ciel bleu, nous entendions le chant des centaines de moineaux regroupés au sommet du seul arbre du jardin, quand la porte s'ouvrit.

- Joyeux Anniversaire ! chantait-il un gâteau dans les bras, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Anthéa !

- Joyeux Anniversaire ! le rejoignit Rawan.

Il ne manquait plus que lui, Zack, mon "copain". Je déteste les anniversaires depuis ma naissance, mais le jour où j'ai fêté mon premier avec lui, j'ai ajouté une raison de plus à ma liste.

Anthéa : À Moitié Réciproque Où les histoires vivent. Découvrez maintenant