Chapitre 3 : Le sourire

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Trois heures s'était écoulées. Et RZ-4OO continuait inlassablement ses allers-retours dans la maison et le minuscule jardin. De temps à autre, il s'arrêtait près du canapé pour observer Asha. Depuis trois heures, elle n'avait écrit qu'un seul mot.

"Je"

L'androïde observa les yeux de l'humaine, ils étaient humides, comme si elle se retenait d'y laisser couler des larmes. Après une courte réflexion, l'androïde brisa enfin le silence.

- Avez-vous besoin d'aide pour l'écriture de votre roman ?

- Non, je n'ai certainement pas besoin de l'aide d'un tas de ferraille. Répondit Asha sans lâcher son écran d'ordinateur des yeux.

La machine s'installa à ses côtés avec des mouvements très lents, comme pour ne pas l'effrayer. Quand il fut entièrement installé, il fixa le mur devant lui et prit la parole.

- Les événements traumatiques sont souvent source de blocage, cela ne sert à rien de se forcer en vain, il faut d'abord travailler sur soi-même afin de pouvoir enfin travailler sur autre chose. Vous comprenez ?

Asha tourna la tête vers l'androïde, intriguée.

- Qu'est-ce qui te dit que j'ai vécu un événement... Traumatique ?

- Cet appartement a clairement été construit pour deux personnes, et pourtant, vous y vivez seule. Je doute qu'avec vos revenus d'écrivaine vous puissiez vous acheter un appartement aussi grand pour vous toute seule. Mais je peux deviner que vous étiez encore deux ici, il n'y a pas si longtemps. Voyez-vous, il y a des endroits de la maison qui sont... Vides. Comme s'il y avait bien quelques choses avant, mais qu'ils avaient été retirés sans être remplacés. Par exemple, la moitié de la penderie est vide, pendant que l'autre moitié est occupé par vos vêtements. Pareil pour le meuble à chaussures devant l'entrée, ou bien le meuble à bijoux et le porte-serviettes dans la salle de bain.

- Pardon ? Tu es un robot fouilleur en faite ?

- Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous offenser, vous m'aviez demandé de trouver quelque chose à faire. J'ai jugé juste d'analyser la maison afin de vous être le plus utiles possible, par exemple, si vous me demandiez d'aller chercher un objet spécifique dans une pièce en particulier, je ne voulais absolument pas vous offenser. Et ne vous inquiétez pas, les humains ont souvent de l'appréhension quand il s'agit de laisser quelqu'un se balader dans leur propre maison, car ils ont peur d'être volé ou bien jugé. Mais je suis une machine, je n'ai aucun intérêt à voler et mes jugements sont neutres, ils ne sont là que pour analyser une situation, non pour en tirer des conclusions morales.

- Mmmh, je vois... Et c'est tout ce que tu conclus de l'analyse de mon appart' ?

- Je peux ajouter, avec une certitude de 99%, que la personne avec qui vous viviez, était la femme sur la photo posée sur la table de nuit près de votre lit.

- Et as-tu deviné pourquoi elle n'est plus ici, dans cet appartement ?

L'androïde fut surpris de la question de la jeune femme. D'après ses données, un humain serait resté silencieux après qu'il ait parlé de la photo, ou bien se serait mit à pleurer, ou encore se serait mit en colère et l'androïde aurait dû s'excuser pour avoir été aussi intrusif. Mais Asha était différente, ses yeux avaient soudainement perdu leur humidité et elle le fixait avec les sourcils légèrement froncés. Non pour lui demander des excuses, mais comme si elle s'attendait à une réponse honnête.

- Non, répondit la machine, je ne sais pas, il y a tellement de raisons différentes qui peuvent justifier son absence, et il n'y a aucun indice pour m'aider. Seul le fait que vous n'ayez pas remplis les espaces qu'elle a laissé vides, m'indiquent deux choses... Soit vous attendez son retour, soit vous n'avez pas tourné la page sur son départ, quel qu'en soit la raison.

Asha lâcha enfin RZ-400 du regard pour se caler au fond du canapé et regarder le mur que l'androïde fixait un peu plus tôt.

- Elle est morte, d'un cancer du sein, elle ne reviendra pas.

- Je suis dés...

- Non, la coupa Asha. Tu n'as rien fait de mal, alors s'il te plaît ne me dit pas que tu es désolé pour quelque chose qui ne te concerne pas.

L'androïde hocha de la tête et la jeune femme se leva en direction de la cuisine.

- Tu as raison, je devrais d'abord faire mon deuil avant de commencer à écrire ce livre... RZ-400 se leva et se tourna vers la jeune femme. Je vais me faire un thé, j'imagine que tu n'en bois pas ? Reprit elle.

- Non, je suis une machine.

Asha pouffa.

- Tu as raison haha, question idiote !

L'androïde émit un sourire, ce qui surprit Asha.

- Pardon... Tu souris ?

- Oui, répondu la machine, même si je ne ressens pas d'émotions, je suis capable d'analyser une situation et de reproduire des émotions humaines. Quand je vous ai vu rire, j'ai jugé qu'il était agréable de vous voir sourire ainsi, et donc, j'ai voulu l'exprimer en souriant moi-même.

La jeune femme resta figée de surprise pendant un instant, elle trouvait ça idiot qu'un androïde s'entêtait à reproduire des émotions humaines... Mais elle du s'avouer que c'était bien plus agréable que ça soit ainsi. En souriant, il paraissait plus humain, plus chaleureux, et cela n'était pas déplaisant du tout. Après ce court moment de surprise, elle continua son thé, et quand elle eut fini, elle se dirigea vers le jardin pour s'installer confortablement sur un des transats. Mais avant qu'elle mette un pied dehors, elle s'arrêta et se retourna vers l'androïde.

- Tu sais, si tu veux te rendre plus chaleureux, tu devrais me tutoyer. Annonça t'elle avec un doux sourire.

L'androïde répondit lui aussi par un sourire, et acquiesça.

- Pas de problèmes, Asha !

L'androïde Qui Avait Embrassé Une Morte.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant