Le Nom qu'Elle m'a Donné 2 [Tokyo Ghoul Re:]

Chapitre 2

« Tiens ? Il y a un piano ici maintenant ? »

L'instrument trônait fièrement sous une douce lumière dans un coin semblant lui avoir été spécialement dédié. Un piano droit au noir étincelant et aux touches luisantes qui ne se trouvait pas ici, quelques jours plus tôt, lorsqu'une âme peureuse était venue quémander une accompagnatrice. Silencieux, il paraissait n'attendre qu'une chose ; qu'une âme généreuse daigne lui donner l'autorisation de chanter. Malheureusement, dans le café où il avait été envoyé, personne n'était digne de s'asseoir sur son tabouret, pas même celle qui paraissait si surprise de le trouver ici.

« Oui, c'est à la mode, expliqua Toka en posant sa main sur sa caisse de résonance. C'est une belle décoration et puis, les clients peuvent jouer. Ça met l'ambiance. »

La jeune femme était satisfaite de son achat, ses yeux pétillants ne faisaient que le crier. Sans doute l'idée de faire participer sa clientèle à la vie de l'établissement l'enthousiasmait-elle.  Mais elle n'était pas la seule à se réjouir. Sana, de son côté, attirée comme une enfant par le clavier, n'arrivait à décrocher le regard. Cet instrument l'appelait et paraissait éveiller en elle une âme endormie. Une vague de nostalgie embaumait son cœur. Une vague dont elle ne trouvait pas la provenance. 

« On pourra même engager des professionnels pour des événements. Enfin, quand on pourra se le permettre, reprit la propriétaire d'un engouement particulier.
- En attendant tu pourrais jouer toi, proposa Yomo à la brune aux yeux bleus. »

Cette dernière accorda un regard stupéfait au quadragénaire. Non pas qu'elle fut surprise de l'entendre prononcer quelques mots, silencieux qu'il était d'ordinaire, mais plutôt que ces dires n'avaient, au prime abord, aucun sens à ses oreilles.

« Mais enfin Yomo ! Je ne sais pas jouer, moi. »

Ce fut au tour de la troupe d'ouvrir de grands yeux. Un silence s'installa sans que personne n'ose prendre la parole pour la contredire. Leur faisait-elle une blague ?

« Mais bien sûr que si, râla finalement Nishiki, apparemment réveillé de sa sieste quotidienne. Joue pas les modestes en nous faisant croire que 6 ans de piano c'est "pas savoir jouer". »

C'est alors que la jeune fille cru comprendre quelque chose. Aussitôt son regard quitta la stupeur pour trouver les réponses à ses questions. Évidemment, comment avait-elle pu oublier ? Ses leçons de piano avec Sachi s'effaçaient peu à peu et son amour pour cet instrument se ternissait davantage à chaque semaine passée sans le pratiquer. Cette époque remontait à si loin que cette vie ne lui paraissait plus être la sienne. Elle ne s'identifiait plus à cette musicienne qu'elle avait pu être. Elle ne savait pas jouer. Cette nouvelle version d'elle ne savait pas jouer, ou tout du moins, c'était tout comme. Ne devait-elle pas avoir honte de cela ? La musique avait été un lien si précieux avec sa mère adoptive. Ne devait-elle pas être attristée par cette perte ? Par cette dernière partie d'elle qui lui avait été arraché par le temps ?

« Remarque, tu n'as jamais voulu nous faire écouter aucun morceau. Si ça se trouve tu es vraiment nulle !
- Non ! Non, ce n'est pas ce que je voulais dire en fait, rectifia la maladroite en faisant passer quelques mèches de cheveux entre ses doigts. C'est que je ne sais plus jouer. Voilà ! Ça fait si longtemps que je n'ai pas touché un clavier. Si ça se trouve, je ne saurais même pas reconnaître les touches. »

Embarrassée de n'avoir pu se souvenir instinctivement d'une chose censée être si importante,  elle ne trouva d'autre solution que le mensonge. Bien sûr qu'elle ne pouvait assumer ouvertement une telle erreur. Elle ne pouvait imaginer les regards de merlans frits de ses amis si elle leur expliquait cela. L'inquiétude de Toka, l'indifférence de Yomo, les moqueries de Nishiki, elle n'avait aucune envie de les subir sur ce sujet-là. Cette drôle de dépersonnalisation qu'elle avait accroché à son passé en tant que Suzuki ne la mettait vraiment pas à l'aise.