Le Nom qu'Elle m'a Donné 2 [Tokyo Ghoul Re:]

Chapitre 9

« Qu'est-ce qu'une chamelle à trois bosses ? peina à articuler Nishiki, un verre à la main.
- Attends... Me dis pas que c'est l'début d'une blague, rétorqua son interlocutrice, pas moins éméchée.
- Allez ! Dis que tu sais pas !
- Qu'est-ce que c'est une chamelle déjà ?
- La femelle du chameau.
- C'est pas l'dromadaire qui a deux bosses ? »

Tous deux parurent plonger un instant dans une profonde réflexion avant que le premier ne daigne reprendre la parole :

« On s'en fiche ! s'exclama-t-il, postillonnant sans trop de gêne. C'est pas la question !
- C'est important ! C'est pas l'même animal ! répondit Sana tout en portant son propre gobelet à ses lèvres. Y'avait un moyen mnémotechnique pour savoir lequel était lequel... Mais c'était quoi déjà ?
- Me dis pas que tu sais pas faire la différence, railla le châtain d'un air de provocation.
- Qui sait faire la différence, sérieux ?
-  Pas toi, ça c'est sûr !
- Comme si toi, t'en étais capable ! »

Grommelant à son tour, le moqueur enfonça son visage dans son verre, noyant son ignorance dans la boisson.

« Bien sûr que j'en suis capable ! dit-il d'un ton débordant de mauvaise foi, une fois sa gorgée avalée. J'ai juste pas envie de te l'expliquer.
- C'est ça ! C'est pas parce que t'as des lunettes que t'es un "M'sieur je sais tout" ! s'emporta la brunette. Ça veut juste dire que t'es aveugle !
- Ça a rien à voir !
- Bigleux !
- Inculte !
- Prétentieux !
- Couillonne !
- Couillon !
- Taisez-vous ! »

Une voix externe à leur dispute interrompit les deux énergumènes. Yomo, qui avait été pris bien malgré lui dans leur prise de bec, avait, semblait-il, atteint sa limite. Lui qui d'ordinaire n'affichait qu'un visage d'une neutralité absolue, avait dégelé ses sourcils, les fronçant pour la première fois. Devant ce coup de colère imprévu, ses cadets restèrent muets, les lèvres sûrement cousues par la surprise. Le silence, c'était ce que le grand homme avait cherché à obtenir en haussant le ton ainsi. Cependant, il n'était pas dupe. Il savait pertinemment qu'il suffirait d'un grain de sable pour relancer les hostilités entre ces deux-là. Aussi, son agacement ne s'évapora guère. Si bien que la veine qui se dessinait peu à peu sur son front, paru sur le point d'exploser.

C'était un instant heureux. Ils vivaient un moment de réjouissance au sein même d'une période sombre de leur histoire. Après l'incendie du café provoqué par les colombes, sans refuges et traqués, ils avaient tous été contraints à quitter la surface pour élire domicile dans les souterrains de la ville. Peut-être n'auraient-ils plus jamais l'occasion de revoir la lumière du jour. Ce futur qui s'offraient à eux était sombre et déprimant. Et pourtant, lorsqu'on laissait son regard balayer l'assemblée qui festoyait ici-bas, on ne pouvait pas trouver de visages plus réjouis. Il avait suffit d'une preuve d'amour pour que tous retrouvent la joie. Des noces improvisées pour ranimer les braises de l'espoir. Puisque l'annonce d'une union ne pouvait que rendre le sourire, ce mariage s'était offert à la communauté comme un cadeau.

À la décision de Toka et Ken de se lier l'un à l'autre, Yomo, oncle de la mariée, avait été le premier à sentir l'exaltation l'envahir. Voir sa nièce grandir lui avait même arraché une larme, selon certains. Sana ne savait si elle pouvait croire à cela, mais une chose était certaine, son aîné était le plus heureux des hommes. Et il était encore plus sûr qu'il ne laisserait pas des enfantillages comme les leurs gâcher ce jour béni.

« Ça suffit maintenant ! s'exaspéra-t-il, abandonnant définitivement son masque d'impassibilité. Vous commencez vraiment à me courir sur le haricot ! Je ne veux plus vous entendre ! »

Ses cadets obéirent étonnamment bien. Tous deux pincèrent même leurs lèvres afin de s'assurer que plus aucun son ne sortirait de leur bouche. Seulement, il ne fallut pas longtemps au duo de guignols pour commencer à se battre en silence. Des regards provocateurs, un coup de coude, et un coup de hanche plus tard, Yomo perdit totalement patience et s'éloigna en grommelant, les poings crispés, comme prêts à frapper le premier venu.