Le Nom qu'Elle m'a Donné 2 [Tokyo Ghoul Re:]

Chapitre 11

S'il devait y avoir un jour de deuil national, celui-ci serait un bon candidat. Le ciel gris crachait sa peine en bruine glacée venant accompagner la brume matinale. L'univers paraissait avoir perdu ses couleurs. Les immeubles étendaient leur grisaille sur le monde et le vert des arbres noircissait sous l'absence de soleil. Enroulé autour d'un gratte-ciel, une créature gigantesque menaçait de s'effondrer à tout moment. Le silence régnait dans les rues, tout le monde avait fui le centre-ville de la mégalopole. Enfin, au beau milieu de ce terne tableau, se mouvait une silhouette.

Avançant d'un pas las sous la pluie, elle rejoignait un cimetière vidé de ses âmes. Longeant les allées parfois inondées, elle s'arrêta devant deux stèles aux inscriptions familières. Sachi et Fujio Sazuki, partis trop tôt, l'un comme l'autre. Ils avaient laissé derrière eux leur fille adoptive, vulnérable face à ce monde si cruel. Elle n'avait plus personne. Et aujourd'hui, en ce jour de terrible chagrin, le sentiment d'isolement était bien trop puissant. Il fallait qu'elle trouve un lieu où extérioriser son mal-être :

« Je... je suis s-seule... »

Démunie, elle ne savait comment soulager sa peine. La voilà qui se retrouvait définitivement orpheline. Sa famille n'était plus. Elle en était la seule survivante. Ses doigts se crispaient sur les manches de son manteau, en rythme avec ses sanglots.

Elle se sentait fragile. La force de caractère qui l'avait habité s'était envolée et elle n'était plus capable de rien. Il n'y avait plus de colère ou de rancœur, seulement le silence. La pudeur et la peur se lisaient de nouveau dans son regard. Elle n'avait pratiquement parlé à personne depuis l'éboulement. Elle n'en avait pas la force. Elle avait le sentiment d'être de retour après un long voyage. Engourdie, embrumée. Elle était désorientée. La vie qu'elle avait menée ces dernières années était devenue un  véritable mystère. Au mieux, quelques bribes d'événement lui apparaissaient épisodiquement, au pire, il ne lui restait que le néant. Ces derniers souvenirs clairs remontaient à bien loin dans le passé. Le dernier visage distinct qu'elle apercevait lorsqu'elle fermait les yeux était  celui de Juzo la menaçant de son arme. Comme si elle s'était endormie pour échapper à ce chagrin qui la submergeait dès lors qu'elle songeait à son regard. Mais aujourd'hui, alors qu'elle ouvrait les yeux, la peine l'accueillait de nouveau à bras ouverts.

Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qu'il s'était passé avant qu'elle ne s'éveille. La situation paraissait plutôt claire. Bien qu'elle ne sache trop comment tout ceci était arrivée, elle avait aisément pu constater les dégâts. C'était Kaneki qui était à l'origine de la catastrophe. Ils ne savaient pas exactement comment, mais le fait était qu'il s'était transformé en un monstre titanesque et avait tout détruit sur son passage. Au-delà des dégâts matériels, la jeune fille avait également remarqué quelque chose d'étrange. Nishiki et Toka ne lui adressaient plus la parole. Plus de remarques cinglantes du châtain à lunettes, ni de remontrances maternalistes de la part de la jeune femme aux cheveux bleutés. Tous deux évitaient de croiser son chemin quand ils ne l'ignoraient tout simplement pas. Isolée dans le groupe de survivants, Sana était perdue. Les seuls mots qu'ils avaient accepté de lui accorder avaient fini d'achever la novice de cette vie nouvellement retrouvée.

Muchi était mort.

Cette nouvelle avait été un coup de massue fatal. Une épée lui avait transpercé le cœur. Son monde avait fini de s'écrouler. Comment était-ce arrivé ? Avait-il souffert ? Aurait-elle pu faire quelque chose pour lui ? Et surtout, comment avait-elle pu oublier ? La brune était effondrée et croulait sous la culpabilité. Il n'y avait aucun moyen de se sentir plus seule désormais. Elle avait touché le fond, elle ne pouvait même plus creuser. C'est ainsi que ses pas l'avaient guidé au cimetière. Se recueillir auprès de ses chers parents lui avait paru réconfortant. Si elle avait pu, elle aurait souhaité que Muchi puisse reposer à leurs côtés, afin que lui, au moins, ne goûte pas à cette amère solitude.