Chapitre 6

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Les yeux fermés, la tête posée contre la portière, j'essaie de canaliser ma rage. En déposant ma mère dans cet hôtel, un soupir de libération m'a échappé et le poids que j'avais sur les épaules s'est envolé. Beaucoup penseront que mes paroles sont brutales, mais je ne pouvais pas me retenir plus longtemps devant ces propos injurieux. J'aime ma mère malgré ces défauts, mais je ne supporte pas qu'elle ait une emprise maladive sur moi. J'ai fait venir des infirmières en urgence pour qu'elles puissent lui tenir compagnie toute la nuit, car je n'aimerais pas avoir de mauvaises surprises à mon réveil.

J'ai toujours tout fait pour avoir les grâces de ma génitrice et aujourd'hui je pensais que son enlèvement et le fait qu'elle ne m'ait pas vue durant des années auraient eu un effet compréhensif sur sa personne, mais je me suis complètement trompée. Expirant un grand coup j'interpelle Caleb sans détacher mon regard de la route.

— J'aimerais que cet incident reste entre nous. Claus ne doit pas...

— Trop tard, Alex ! Depuis l'hôpital, il était en ligne, il a tout entendu, je suis désolé, mais il a insisté pour participer au trajet silencieusement.

Les yeux clos, je ne fais aucune réplique. J'espérais qu'en rentrant j'aurais eu un peu de paix pour réfléchir, mais après cette nouvelle je me dis que Claus doit m'attendre de pied ferme.

— Je suis désolé de te le dire, mais je n'aime pas le raisonnement de ta mère. J'espère qu'à la longue son emprise sur toi ne mettra pas à risque ton couple !

— Qu'est-ce qui te fait croire que ma mère à une emprise sur moi ? Lâché-je, en déposant mon regard avec nonchalance sur lui.

— Regarde tes mains, elles tremblent. Ton regard est vide et tu as l'air d'avoir perdu la notion du temps. Je comprends maintenant pourquoi tu nous parlais plus de ton père que d'elle.

Il ne me donne pas l'occasion de répliquer et descend pour venir me tenir la portière. À peine ai-je sorti la tête que j'aperçois Claus les bras croisés adosser au chambranle de la porte. La cravate dénouée, les manches de la chemise repliée jusqu'au coude et le regard neutre.

— Bonne chance, murmure Caleb quand mes pieds touchent le sol.

Le cœur battant la chamade et les mains moites, j'avance vers lui, comme une personne qui marche sur des œufs. Quand j'arrive à sa hauteur, il se décale et me laisse passer. Silencieusement, il prend la direction des escaliers, me laissant pantelante dans le hall.

Je ne sais pas pourquoi, mais son silence assourdissant me blesse. J'ai l'impression de retrouver le Claus d'autrefois. Celui qui est mélancolique et qui broie du noir.

Respirant un grand coup, je me dirige à mon tour vers notre chambre à coucher. Quand j'entre, il lève la tête, capture mon regard et fait tournoyer les glaçons qui se trouvent dans son verre. Ces yeux ne laissent aucun sentiment paraître. J'ai l'impression de me trouver devant un mur.

— Voilà pourquoi tu avais peur ?!

— Claus...

— chut... me coup-t-il en se redressant.

Il dépose son verre sur la table de chevet et s'approche de moi comme un lion vers sa proie. Une fois à ma hauteur, il rôde autour de moi en me caressant la joue du bout des doigts. Il récupère mon sac et le balance dans la pièce. Les yeux fermés, je frémis au contact de sa respiration chaude dans mon cou.

— Je ne veux pas qu'on ressasse ce qui s'est passé. J'ai qu'une envie c'est d'apaiser la colère qui émane de toi.

Joignant le geste à la parole, il dépose ses lèvres dans mon cou et y verse quelques baisers en caressant du bout des doigts le long de mon bras. Un frisson me parcourt l'échine et le mal que je ressens se volatilise peu à peu. J'en veux plus que ces attouchements furtifs, j'ai envie de brûler sous la chaleur de ces mains.

SOFT REVENGE  tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant