Noir [[TERMINÉE]]

2] Lucie

Il est 2 heures du matin, ça fait trois heures que je suis là, dans la cuisine, sur mon téléphone, à communiquer avec mes amis. Ma chambre est collée à celle de ma mère, alors pour je pas la déranger, je reste ici. Je fais quelques vocaux, et entends la porte s'ouvrir.

Ah oui c'est vrai ! Ma sœur était en soirée.

- C'est à cette heure là que tu rentres ? je lui lance en riant.

Elle ne me répond pas. Je la vois arriver, elle semble plus abattue que jamais. Le dos voûté, le visage sali, les vêtements froissés...

- Oula ça n'a pas l'air d'aller. Ta soirée s'est mal passée ?

Toujours pas de réponse.

- Tu sais, faut pas se mettre dans un état pareil pour un mec ! je dit avec un clin d'œil, pour détendre l'atmosphère.

Elle lève les yeux vers moi. Ses yeux sont rouges et bouffis.

Puis soudain, elle fond en larmes.

Mon sourire moqueur s'évanouit, et je m'approche d'elle à grandes enjambées.

- Talia ! Talia qu'est-ce que tu as ? Il t'es arrivé quelque chose pendant la soirée... Dis moi !

Elle entrouvre la bouche.

- Pas ... Pas pendant la soirée...

Je la serre dans mes bras.

- Que c'est t-il passé ?! Mon bébé, dit moi s'il te plaît...

- Ils... Ils m'ont détruite.

- Comment ça ? Qui ? Qu'est ce qu'ils t'ont fait ?!

- J'ai été agressée. Frappée. Violée.

Mes yeux s'équarquillent.

- Qu... Quoi ?

Elle me regarde.

-  C'est une blague ? S'il te plaît dit moi que c'est une blague... Dis-moi que pour une fois tu as réussi à garder ton sérieux... Une blague réussie... Ce n'est pas du tout drôle comme blague !

- J'ai une tête à faire une blague ??

Je retiens un cri d'horreur.

Talia se dirige vers sa chambre, le visage plus noir que jamais.

- Talia... Il faut prévenir maman. La police. As-tu reconnu tes agresseurs ??

Elle rentre dans sa chambre, et lance d'un murmure presque inaudible :

- Non. Trois bâtards en manque de sexe, c'est tout ce que j'ai reconnu.

Elle claque la porte de sa chambre.

Je reste là, abasourdie. Seule dans la cuisine. Je laisse tomber mon téléphone. Il retentit sur le sol avec un bruit sourd.

Mais je m'en fiche.

Ils ont touché à mon bébé, ils vont le regretter.

***

Maman a appelé la police. Cela fait trois jours.

Les forces de l'ordre ont abandonné. Quels salauds !

Ma petite sœur s'est fait violée, et tout ce qu'ils trouvent à dire c'est "désolé, on a trop d'affaires en cours, déposez le dossier ici, on s'en occupera plus tard."

"Plus tard". Ouais c'est ça, autant dire jamais.

Maman a pris un rendez-vous de psychologie pour ma sœur, je sais qu'elle va nous en vouloir, mais depuis cet événement, elle n'est plus la même.

Elle ne mange plus.

Elle passe toutes ses journées assises sur son lit, quelques fois elle sors marcher.

Quelques fois aussi, elle peint des tableaux glauques, de ses agresseurs sans doute, et les transperce à coups de couteaux.

Elle ne prend plus soin d'elle.

Elle ne lave plus ses dents, ne se coiffe plus...

Je la fait manger de force, je la coiffe et lave ses dents, pour qu'elle garde l'hygiène. Quand je m'occupe d'elle, elle est molle. Les yeux dans le vide, se laissant faire comme une poupée de chiffon.

La seule chose qu'elle fait seule, et d'elle-même, c'est se doucher.

Elle prend de très longues douches, sans doute pour essayer de "laver son corps", mais l'on sait tous que ce n'est pas ces douches qui vont la reconstruire.

Nous sommes le lundi de la fin des vacances, et maman a dit à Talia de retourner au lycée.

Je lui ai dit, à notre mère, que ce n'étais pas une bonne idée, mais celle-ci a maintenu que si. Retrouver ses amis lui ferais du bien.

Talia n'a rien dit. Je l'ai brossé. Je lui ai lavé les dents. Mais elle avait toujours ce regard vide. Le visage pâle.

Elle est parti il y a une minute. Ma mère ne peut même pas l'amener. Ma petite sœur doit y aller en bus.

Comme avant.

Mais ma mère semble oublier que ma sœur n'est plus comme avant...