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- Bienvenue très chère.

La voix de sa parente la sortit de sa rêverie. Elle baissa les yeux vers cette dernière. 

- Je pense que pour réussir dans la vie, et notamment la haute société, il faut être crémeux et onctueux à son entourage. Faire croire que vous êtes à leur merci, les laisser se fondre d'orgueil mais agir toujours dans l'ombre et maîtriser l'art de la parole. Quand la ganache prend il ne faut jamais la laisser retomber. 

Mince... Quel jeu du sort ! Pourquoi agit elle comme ça ?

Elle sentit ses pommettes se relèver et ses plis près de la bouche s'étirer.  

Merde! Merde! 

Elle espérait un coup du hasard qui viendrait l'aider.

Mais sa tante continua. 

- Mais vous faites tout le contraire ! Vous êtes insolente et méprisante ... Et jusque là je ne voulais pas amener mon grain de sel et ne voulant casser du sucre sur le dos de personne, je t'ai fait venir. Je n'en ferai pas tout un fromage mais avec le bouche à oreille j'ai entendu dire que tu envoyais les gens se faire cuire un oeuf ! Certain disent même que tu as la trichine dans le jambonneau. Toutes ces jérémiades me donne la tête farcie comme une citrouille.

Aie aïe aïe, mais faites la taire, bon sang !

Son oncle interrompit la morale :

- C'est bon, elle t'a comprise, tu vois bien qu'elle boit tes paroles comme du petit lait.

Elle se leva d'un coup, se cachant la bouche du regard de sa famille.

- Excusez moi, je vais au toilette...

Et elle quitta la pièce, empruntant un sombre couloir.

La voix de son oncle résonna dans l'habitacle.

- Elles sont au fond à droite, comme d'habitude !

Et ne t'inquiètes pas pour ta tante, elle a tendance à mettre les pieds dans le plat...

Elle lâcha un gloussement et ouvrit la première porte qui apparut sur sa droite. Et elle se lâcha, laissant éclater son hilarité.

Quand elle fut en état pour se relever, elle jeta un regard circulaire à la pièce. C'était un vieux bureau, rempli d'étagères et de commodes, elles aussi 

 de livres et de bibelots.

Des fauteuils couverts de satin, avait été soigneusement installés au travers de la pièce. Intéressée, elle s'approcha des meubles et se balada de long en large. Elle ne cherchait pas quelque chose en particulier mais n'étant jamais rentrée dans cette pièce, elle s'intéressait a tous ce qui pouvait lui indiquer à qui elle appartenait. Un livre attira son attention sur une étagère en acajou, il était si abîmé qu'il  semblait avoir traversé les siècles pour parvenir jusqu'à elle. Sa côte, écharpée, lui indiquait son titre. "Disparue"  Un polar. 

Elle le saisit avec soin et l'ouvra avec délicatesse, les traces du temps ayant forgé son respect. 

La page qui apparut dès l'ouverture contenait un marque- page olive sur lequel, accrochée soigneusement, une boucle d'oreille. Qui appartenait à Manda. Et d'après la signature sur le marque page, dans le bureau de son oncle.

Que diable faisait donc une boucle d'oreille appartenant à Manda dans le bureau de son oncle ? Elle était sûre de ne lui jamais avoir parlé de ce manoir, voulant la tenir éloigné de sa tante. 

Mando se refusait à considérer son oncle comme un voleur, il n'aurait tout de même pas dérober une boucle d'oreille, ça n'avait pas de sens ! 

               ***

Elle entendit la lame avant de la sentir. Un léger mouvement dans l'air, peut être. La milli-seconde suivante, la pointe d'un couteau appuyait doucement sur sa nuque. La voix menaçante de son oncle résonna à son oreille :

- Et si tu redescendais bien gentillement nous rejoindre au salon, ta tante et moi ? 

Mando déglutit difficilement et acquiesça en silence. Son oncle replia la lame de l'oppinel d'un coup sec et tourna les talons. Mando le suivit, abasourdie. Elle savait qu'elle n'avait pas le droit de se tenir dans ce bureau, mais sa réaction était elle justifiée ? Nécessitait-elle un couteau ? 

Perplexe, elle s'assit face à sa tante et fronça les sourcils. Et si son oncle avait quelque chose à voir avec la disparition de sa meilleure amie ? Et si il l'avait...? Non ! Elle se refusait cette idée. Mais l'épisode avec le couteau ne vérifiait-il pas cette hypothèse ?

Tant de questions et si peu de réponses...

De toute façon, aujourd'hui n'était pas vraiment un jour propice à la discussion, surtout compte tenu du comportement bizarre de sa tante et de son oncle.

Pour conserver les apparences, Mando se pencha sur la petite table basse où refroidissait la théière dans l'intention de se réservir.  Un peu de sucre éparpillé autour de la  théière l'interpella. Tout était d'habitude si propre. Elle en ramassa un peu entre son pouce et son index.

Elle renifla avec précaution. C'était bien ce qu'elle pensait : ce n'était pas du sucre. C'était de la cocaïne. 

Son oncle et sa tante venaient tout juste de se droguer, voilà le pourquoi du comment. 

                    ***

Éberluée, elle les fixa du regard, ne sachant trop comment prendre la nouvelle. Même dans ses rêves les plus fous, jamais elle n'aurait pu imaginer son oncle et sa tante, qui étaient l'archétype de personnes réservées, prudentes et très loin de tout ce qui touche à la drogue et l'alcool, se droguer. La scène qui se déroulait sous ses yeux remettait en question tout ce qu'elle avait appris d'eux toutes ces années.

Son oncle jouait avec la lame de son l'opinel, et sa tante lui suppliait de lui passer l'arme pour couper des morceaux de sa robe, prétextant "qu'ils empêchaient son agilité de s'exprimer".

Elle soupira. Elle hésitait à abandonner ces fous furieux, après tout ils étaient adultes et devaient assumer leur acte jusqu'au bout. Mais la présence d'une arme dans leur petit jeu la dérangeait. Qui sait ce qu'ils pouvaient faire avec ?

Finalement, prétextant un rendez vous urgent, elle prit ses affaires et fila jusqu'à la porte d'entrée pour s'enfuir. 
Enfin du moins, elle essaya, car sa tante, pleurant tout son saoul, s'accrochait à ses jambes comme si sa vie en dépendait.

- Ne me laisse paaass !!

Excédée, elle essaya de lui faire lâcher sa prise mais sa tante l'attrapa par les épaules et la força à l'écouter.

- C'est parce que je ne veux pas te donner de l'argent ? 

La vielle femme, se tordant les doigts, lui donna une carte bancaire.

- Si ce n'est que ça, prends en autant que tu veux ! Je veux bien aider ton amie... 

Mando faillit lâcher son manteau tellement sa tante la surprenait, qui aurait cru qu'elle puisse lui faire une telle proposition ?
Voulant la remercier, la jeune fille s'approcha de cette dernière en essayant par la même occasion de vérifier si la carte bancaire était vraie, jusqu'à que les paroles de Glenda la fige sur place.

- Si j'avais su, je lui aurais donné l'argent la semaine dernière, quand elle est passée ...

MandaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant