Chapitre 4 La rencontre

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J'allai à la cave pour la troisième fois de la journée et posai un verre d'eau à côté du captif.

S'il pouvait me comprendre, j'aurais tenté de négocier avec lui, le supplier de ne rien dire en échange de sa liberté. Mais j'aurais été naïve de croire qu'il m'aurait sagement obéi. Il s'agissait tout de même d'un nazi, ces hommes-là n'avaient pas d'âme.

Mon visage se crispa et les larmes me montèrent aux yeux. Je triturai mes doigts avec nervosité en mordillant ma lèvre inférieure. On est dans la merde !

Comment faisaient Patrick, Grégoire et Charles pour ne pas se rendre compte de la galère dans laquelle ils nous avaient tous mis ?!

— Je sais que vous ne me comprenez pas, murmurai-je. Mais j'ai besoin de parler je crois. Mon mari n'en a jamais rien faire de mon avis, il ne m'écoute pas. Je suis navrée de le dire mais c'est un gros con qui ne pense qu'à lui.

J'émis un rire nerveux en séchant une larme du revers de ma main. Le nazi restait toujours immobile, la tête tournée de l'autre côté.

— Il ne m'a même pas demandé mon avis quand il vous a embarqué jusqu'ici. Il ne se rend pas compte des conséquences ou peut être que si, mais il n'en a rien à faire de me mettre en danger, enchainai-je. Et maintenant j'ai peur. Terriblement peur qui nous arrive quoique ce soit.

Ma voix se brisa et une nouvelle larme roula le long de ma joue.

— Vos copains vous recherchent maintenant et ils vont passer la ville au crible. Ils vont tuer des innocents par notre faute...j'en ai marre de tout ça, de cette guerre, ces bombes, ces tueries...Si seulement vous pouviez passer l'éponge sur ce qu'on vous a fait subir, ne rien dire, je vous aurais libérer volontiers.

Son corps se mit à bouger. Mon cœur fit un bond. Je me redressai d'un coup sur mes talons en distinguant le visage de l'homme se tourner vers moi. Merde, malgré mes chuchotements, je l'avais réveillé.

Ses prunelles m'observèrent et il se redressa à son tour en grimaçant.

— Passer l'éponge risque d'être compliqué, intervint-il alors avec un accent allemand.

Je tressaillis. Mes lèvres s'ouvrirent de stupéfaction. Il parlait Français ?! Merde il parlait français ! Je me levai et fis demi-tour, prise de court. Je remontai dans ma chambre et m'adossai contre la porte. Des sueurs froides perlaient sur mon front. Et moi qui m'étais mise à lui parler ! J'étais devenue folle ! Je posai une main sur ma bouche en tentant de reprendre le rythme de mon souffle. Allez ça va, je n'ai rien dit de compromettant. De toute façon, ce n'était pas comme si je savais quelque chose de leurs opérations de résistance.

Le lendemain midi, je me fis violence pour retourner en bas. Je me tins à plusieurs mètres de lui muni de mon plateau. Il était réveillé et adossé contre le mur. Je baissai les yeux à l'instant où ils croisèrent les siens. Je n'osais même plus m'approcher. D'habitude, il était endormi, inoffensif. Maintenant qu'il était réveillé, alerte, je me sentais en danger. Ma réaction était ridicule, je lui avais déjà donné un verre d'eau sans qu'il m'attaque, alors pourquoi avais-je soudainement peur qu'il le fasse maintenant ? Parce qu'il pouvait me comprendre. Il avait la possibilité de me parler, d'entrer dans mon esprit pour mieux m'attaquer.

— N'ayez pas peur, lâcha-t-il.

Je retins mon souffle.

— Je ne peux pas vraiment vous faire du mal, reprit-il en montrant ses liens.

— Euh...non, je n'ai pas peur de vous, mentis-je en baissant les yeux.

— Alors approchez.

Je lui avais parlé de mon mari, il était au courant maintenant de mon ressentiment à son égard. J'avais été bien trop bavarde, quelle idiote !

La rose ne fleurit qu'en hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant