Campfire

Chouquette

Sortir de la maison des Browns n'était pas la chose la plus aisée. Lorsqu'à l'intérieur de la maison vous aviez évité la tornade qu'était Madame Browns, les fourberies d'Achimède le chat de la maison et les jouets du petit Emric éparpillés un peut partout sur le sol, il vous fallait encore traverser l'épopée qu'était le jardin.

C'est pour cela qu'Ivy attachait toujours son vélo devant le portail, à l'extérieur de la maison. Elle était très agile de nature et très mince, ce qui lui permettait de passer entre les épines du rosier extrêmement facilement.

Il était six heure moins vingt et la ville endormie, somnolait sous un brouillard particulièrement épais. Si épais qu'Ivy avait presque cru s'être fait voler son vélo, ne voyant pas plus loin que ses grandes lunettes rondes embuées. Elle appréciait se lever extrêmement tôt le matin pour écouter le silence de la ville qui contrastait fortement avec l'ambiance de sa maison. Elle n'arrivait pas à croire que sa famille puisse être aussi énergique aussi tôt quand ils pouvaient tout simplement dormir.

Elle enjambait son bolide et donnait un coup de pédale tout en regrettant amèrement de ne pas avoir pris d'écharpe. La rue en perpendiculaire à sa maison était en pente. Ivy avait mis un temps fou à réussir à arriver en haut de ce qui lui semblait être une montagne mais elle le faisait aujourd'hui si facilement que ça ne lui demandait plus aucun effort.

Elle n'avait pas pris le temps de manger car elle connaissais sa destination: La Baguette de Val' autrement dit, son endroit préféré.
Nous étions jeudi et la boulangerie ouvrait une heure plus tôt que les autres jours.
Elle tournait aux angles des rues comme si elle avait pris ce chemin toute sa vie, et c'était le cas.

Le seul bruit résonnant aux alentours était sa chaîne qui roulait à vitesse grand V sur son vélo. En position de danseuse sur ce dernier, elle balançait son bassin de droite à gauche tout en accélérant. Elle montait sur le trottoir, cadenassait son vélo à la rambarde en face du magasin et entrait, faisant sonner deux petites cloches.

Derrière le comptoir se tenait une petite dame, pas plus haute que la vitrine derrière laquelle s'étendait une ribambelle de dessert plus appétissants les uns que les autres. La femme levait son petit nez fin et souriait jusqu'aux oreilles quand elle vit Ivy.

-Ma petite Vivi ! Elle sortait de sa cachette et lui tendait les bras pour qu'elle s'abaisse à son niveau avant de déposer un bisou de grand mère sur sa joue.
Elle la faisait assoir sur une des quelques petites chaises à l'intérieur de la boulangerie et retournait derrière son comptoir.

-Qu'est ce que je te sers ce matin ?

Ivy avait posé son sac de cours au pied de sa chaise avant de se tourner vers l'étalage à sa question. Elle jetait un bref regard vers les pâtisseries qui semblaient sortir tout droit d'une pub.

-Hmm... des chouquettes s'il te plaît ! Et je veux bien de l'eau avec ! Criait-elle tandis que la petite dame ronde disparaissait dans l'arrière boutique.

Ivy poussait un long bâillement en empoignant le journal de la ville posé devant elle. Elle le feuilleta très rapidement mais se lassa des nouvelles sur les potagers détruits par un sanglier ou encore les problèmes d'isolation de l'hôtel de ville qui lui firent pousser un deuxième bâillement. Elle reposait le journal tout en appelant la gérante qui mettait du temps.

-Val ! Tu veux un coups de main ?
La petite joyeuse arrivait avec un plateau, le sourire jusqu'aux oreilles et sa tête toute ronde sortant de derrière les vitrines. Elle déposait le tout sur la table d'Ivy avant de ramasser la vaisselle usagée d'une autre table.

-M. Michot est venu faire l'ouverture ? Demandait Ivy tout en mordant dans une chouquette.
Val ne leva pas la tête mais sourit de toutes ses petites dents alignées en passant l'éponge.