Elle en parlait toujours comme si cette maison l'avait forgée et avait décidé de son caractère. Comme si ce bout de nature était exclu de l'espace temps et qu'il s'agissait d'une autre planète. C'était son endroit préféré au monde que même les plus belles vu de Nouvelle Zélande ou du Grand Canyon n'aurait jamais pu détrôner.
Elle me l'avait décrit encore et encore jusqu'à ce que j'ai bien visualisé chaque partie de ce bout de paradis.
Le portail était en bois sec et vieillit, qui donnait un air chaleureux à l'extérieur. Il était entouré de lierre qui au fur et à mesure des années avait caché tout le bois. Elle me disait souvent que son grand jeu était de ramasser des scarabées sur cette même rambarde durant les semaines chaudes d'été.
Lorsque vous rentriez, parmi tous les parterres de fleurs (il n'y en avait jamais deux pareil) s'immisçait des plaques d'ardoise pour rejoindre le perron. A gauche des fleurs et de la pelouse fraîche s'étendait un petit étang, à peine plus grand qu'un hippopotame, qui élevait en son centre une fontaine. Étant petite, elle l'avait beaucoup comparé aux fontaine des jardins de Versailles à cause de ses détails minutieusement effectués. La fontaine abritait quelques grosses carpes colorés à qui elle donnait des surnoms en fonctions de leurs écailles.Elle se rappelait passer tout son temps dehors, à étudier la faune et la flore du petit jardin garni qu'elle appelait Babylone. La terre était toujours très humide et la pelouse était donc très souvent mêlées à de la mousse qui rendait celle-ci moelleuse à souhait. Toujours pieds nus, elle gambadait à la recherche d'un papillon à attraper ou d'un lézard à qui tirer la queue. Bien qu'il ne lui fallu aucun effort pour se souvenir des petits insectes et animaux, elle avait eu un mal fou à retenir le nom des plantes. Sa grand mère avait pourtant un livre très intéressant qui en parlait mais elle venait juste d'apprendre à lire et ces mots lui semblaient bien compliqués étant tirés du latin ou de leurs noms scientifiques.
Une grande haie encadrait le portail en bois qui n'était jamais taillée. Elle ne comprenait toujours pas comment, avec si peu d'entretien, la nature avait pris tant de place. Le lierre avait grimpé tout seul le long des murs jusqu'à s'arrêter sous la fenêtre du premier étage, toujours ouverte, et les arbres fruitiers comme les Prunier ou l'abricotier avaient été plantés avant sa naissance. Le saule pleureur était le plus fidèle. Sa grand mère l'avait planté en arrivant sur la demeure et il avait grandis en même temps que sa petite fille, tant et si bien que certaines de ses racines plongeaient dans le petit lac.
Sa grand mère tenait un herbier plus gros qu'un dictionnaire et la petite s'en servait comme d'une encyclopédie, cherchant dans le jardin telle ou telle plante.C'était comme ça, la nature aimait cet endroit mais par dessus tout sa grand mère.
Son grand père était plus détaché comme personnage mais aimait tout et tout le monde profondément, tant et si bien qu'il lui avait dit un jour:
« J'ai essayé pendant des années de conquérir le cœur de ta grand mère, et, à vrai dire, j'essaye encore, car son seul vrai amour jusqu'à présent a toujours été la nature »
Elle m'avait dit qu'à ces mots elle avait compris que la nature était là grâce à sa grand mère et sa grand mère grâce à la nature.
Mais ce qui la surprenait le plus et qui donnait son effet magique au jardin était le fait que même avec des arbres aussi grands et un feuillage aussi épais, la lumière passait au travers comme dans du beurre.Une fois qu'on s'était extasié sur l'extérieur il nous restait toujours l'intérieur.
Le perron était abrité par une toiture en verre au dessus d'un lampadaire ancien et poussiéreux qui rappelait le style Haussmannien. La porte était faite du même bois que le portail mais avait moins subie l'humidité.
À l'intérieur les meubles n'était pas raccords mais donnait à la maison une ambiance chaleureuse. La grand mère avait mis des plantes partout où elle pouvait, comme si elle trouvait que l'extérieur ne suffisait pas. Sa pièce préférée était la cuisine. Devant l'évier et les comptoir s'étendait une large baie vitrée au travers de laquelle on voyait la petit fontaine et le reste du jardin. Elle était agrémentée d'une petite table ronde et de quatre chaises en Formica. Le carrelage ternis était fêlé à certains endroits, taché à d'autres et il régnait dans la pièce une forte odeur de café et d'encens.Un petit escalier qui grinçait fortement menait à l'étage qui contenait deux chambres et une salle de bain. Cette dernière envahie de fougères et autres plantes ayant grand besoin d'humidité, laissait apparaître des carreaux blancs au sol et sur les murs. La baignoire, évidement mal positionnée, faisait face à la seule fenêtre de la pièce, qui donnait directement sur le saule pleureur.
Cette terre recluse au milieux d'immeubles plus grands les uns que les autres, elle l'avait chérie toute son enfance et raviver ces souvenirs l'avait émue aux larmes.
Sa grand mère lui manquait. Sa connexion avec les plantes et son union avec la forêt lui manquait. Son pain d'épice trop mielleux lui manquait. Son sourire lui manquait. Sa chaleur lui manquait. Enfin, elle voulait, pour honorer sa mémoire, emménager dedans.
Et ayant eu vent des jardins de la villa Babylone, je ne pouvait pas refuser sa demande.
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Campfire
Teen FictionPlusieurs histoires courtes, d'un chapitre, relatants souvent de la vie amoureuse d'adolescents ou d'un moment de vie quelconque. Très léger et facile à lire. Si un chapitre vous déplaît vous êtes libre de passer au suivant, les histoires sont toute...