Campfire

18

Pourquoi ? 18 ans que je me pose cette question, et toujours pas de réponse. Pourquoi les Champerton sont les seuls touchés par cette malédiction ? Pourquoi à 18 ans et pas après ? Et pourquoi cette famille ? Vu d'ici on dirait que je me plains. En réalité ce sont de vrai questions.

Moi, Joyce Champerton fait partie de la grande et célèbre famille des Champerton. Nous ne sommes pas célèbres parce que nous sommes très beaux ou très intelligents ! Non non ! Nous sommes connus grâce à une malediction.

Mon ancêtre a défié les dieux en déclarant son amour pour celle qu'il aimait (jusque là tout va bien) affirmant qu'elle était son âme soeur. Les dieux lui ont prouvé le contraire et on maudits toute sa descendance (et moi au passage). Notre malédiction n'est pas horrible à proprement parler mais plutôt ennuyeuse:
Le jour de notre 18 ème anniversaire, les premiers mots que l'on va adresser à notre âme soeur apparaissent sur notre poignet et ne disparaissent que lorsqu'on les a énoncés à la personne concernée.

-Joyce ! La voix sévère de ma mère me tire de ma rêverie. Veux-tu bien descendre de cet arbre et venir essayer ta robe !?

-Il est hors de question que je mette une de ces robes ridicules pour cette occasion ridicule ! Je lui tirais la langue depuis mon perchoir et elle enrageait de plus belle en passant sa colère sur une domestique.

C'était une journée douce et tranquille (ou presque) comme on en voyait beaucoup mi mai. Une petite brise passait entre les feuilles des arbres pour les agiter et les domestiques de la maison se pressaient pour les préparatifs d'une fête à laquelle je n'allais probablement pas assister. Je grignotais des groseilles en attendant que le temps passe, une jambe se balançant dans le vide au rythme d'une musique imaginaire.

La cérémonie allait avoir lieu demain mais j'aurais voulu qu'elle n'ai pas lieu du tout. Je trouvais que les manières et l'engouement autour de ces quelques petits mot sur un poignet étaient mal placés. Si je ne rencontrais jamais mon âme-soeur ? Et si elle parlait une autre langue ? Je ne pouvais pas tout simplement aimer la personne que je voulais ?

-Une part de gâteau au yaourt ? Cette voix que je reconnaîtrais entre mille venait de mon balcon.
Ses cheveux blonds hérités de mon père et ses yeux verts émeraudes brillaient plus que jamais. Sa peau rosé rappelait les couleurs d'été et son sourire laissait apparaître ses petites dents qui brillaient d'éclat.
-Maud ?! Depuis quand es-tu en ville ?
J'atterrissais sur le balcon et prenais une tranche de mon gâteau préféré tout en éloignant le chat prêt à sauter dessus.
-À l'instant, Julio est parti faire visiter la maison aux petites. Mais dit-moi ! Comment tu te sens ?

Julio était l'âme sœur de Maud et cela faisait maintenant 4 ans qu'ils étaient mariés. Ils avaient eu des jumelles et vivaient le stéréotype même de cette famille: un couple heureux, marié, avec des enfants, vivant dans l'abondance.

Je devais faire une tête vraiment affreuse car elle m'assit sur la balancelle en mettant ses mains autour de mes épaules d'un air grave.
-Tu sais, j'étais tétanisée à l'idée de connaître mon âme-soeur. Les trois heures qui ont suivi la marque je ne l'ai pas regardé une seule fois. Et pourtant regarde moi ! Je suis maman et heureuse ! Ce que je veux dire par là c'est que tu ne sais pas ce qui t'attends avec cet homme ! Ou cette femme d'ailleurs ! Regarde Leïla ! Cette marque nous donne l'entière garantie d'être heureuse pour le reste de notre vie Joyce ! Tu ne peux pas gâcher par simple envie, ce que des gens tueraient pour avoir.

-Est-ce que Leïla sera là ? C'était la seule phrase qui réussissait à sortir de ma bouche. Mes pensées se brouillaient et les larmes commençaient à me monter aux yeux. J'avais peur, j'étais complètement terrifiée, et ça, Maud avait toujours été la seule à le voir.
Elle se levait et partait, emportant avec elle le chat mais laissant le gâteau au yaourt.