VI ↬ one life

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Ce samedi j'avais rendez-vous chez le médecin, enfin à l'hôpital, mais dire que j'allais seulement chez le médecin me confortait dans l'idée que je n'avais rien de grave. Pourtant mes tremblements, vomissements, nausées et mal de dos me prouvaient le contraire. J'avais eu du mal à me lever pour m'habiller et me préparer en sachant que je n'allais voir personne à part des docteurs en blouses blanches dans un bâtiment qui n'annonçait rien de bon.

À midi, je montais dans la voiture avec ma mère et, silencieusement, nous prîmes le chemin de l'hôpital. Sur la route je tentai de concentrer mes pensées sur ma discussion avec Suna afin d'éviter le plus possible le moment de l'arrivée.

moi
j'suis en route pour l'hosto
j'ai peur
viens me chercher :(
je vais pleurer

Grrr 😴✨
t'inquiète
ils vont te prescrire de vieux antibiotiques mdrr
avec quoi ? une trottinette ?

moi
arrêtes de te foutre de ma gueule t'es horrible
donnes moi plutôt des idées de trucs à manger ce soir, ma mère est pas là 🤸‍♀️🚆
j'te jure que si tu me réponds "ma bite" j'te fracasse

Grrr 😴✨
moi ? 😀

moi
j'vais venir t'étrangler avec tes écouteurs le junkie 🥰

Grrr 😴✨
j'ai hâte 🤗

moi
🖕🏻

Arrivée sur un parking au bout duquel se trouvait un immense bâtiment grisâtre, je compris qu'il était temps pour moi de descendre de la voiture. J'entrai dans l'hôpital aux côtés de ma mère, le cœur battant la chamade, et le corps tremblant. L'odeur me prit au nez et me donna la nausée. Un jeune homme d'une trentaine d'années vint nous chercher, m'expliquant les différents examens auxquels il allait me soumettre.
Je passais de machines en machines, échographie abdominale, scanner...
Après ce dernier le médecin semblait plus inquiet, l'expression de son visage avait changé.

Dix minutes après, le jeune homme revint vers ma mère et moi avec une expression de visage que je n'aimais vraiment pas. Je voyais déjà le sol se dérober sous mes pieds, mon monde s'effondrer, mon corps lâcher prise et tomber dans le néant.

- J'aurais aimé ne pas avoir à vous annoncer ça, mais les résultats de l'échographie abdominale et du scanner laissent fortement suspecter un cancer du pancréas. Les symptômes n'apparaissant souvent que lorsque le tumeur est à un stade avancé, il y a de fortes chances que nous ne puissions effectuer d'opération. M'annonça le médecin.

Je ne prêtai plus attention aux paroles amères cognant mes oreilles, je compris seulement que je devrais revenir dans deux jours pour de nouveaux examens.
Les larmes roulaient sur mes joues à flots, je sentis ma mère m'attraper la main et me guider jusqu'à la sortie.
Dans la voiture, le trajet fut bruyant. Nos pleurs saccadés me faisaient mal aux oreilles.

À peine arriver chez nous, ma génitrice dû partir travailler. Elle me prit dans ses bras, m'embrassa en pleurant. Ses joues mouillées et son sourire fendu me donnaient envie de crier au monde entier que j'aimais ma mère plus que n'importe qui, mais avant même que je le remarque la porte se ferma derrière elle et notre modeste auto démarra.

À cet instant, être seule avec mes doutes et mes pensées était la dernière chose dont j'avais envie. La première personne que je voulais voir n'était même pas Mei, qui était ma meilleure amie, mais Suna. Je ne sais pas si je l'avais appelé en premier parce que j'étais amoureuse de lui ou parce qu'il avait ce pouvoir étrange de me changer les idées, mais le fait été que l'écran de mon téléphone affichait son contact.

moi
suna, viens
viens me voir je t'en pris
j'ai besoin de toi plus que n'importe quoi
fait pas ton débile et viens m'aider à arrêter de penser
c'est horrible de penser
viens m'embrasser
16:48
Vu

❛ ✦

Vingt minutes plus tard, c'est sur un Suna essoufflé que ma porte s'ouvrit. Il s'avança en fermant la porte et posa sa main sur ma joue encore mouillées de larmes. Nos visages se rapprochèrent lentement, et ses yeux jaunes-gris s'imprimèrent sur ma rétine comme une photo prise à l'argentique.

- Je veux juste partir sans rien regretter, soufflai-je.

Son regard brûla mes lèvres. L'impatience me gagna et je posai doucement ma bouche sèche contre la sienne. Lorsque nous nous décollâmes j'apperçu un sourire en coin sur son visage, ce qui me fit pouffer.

- Notre rencard d'après Saint-Valentin est fini depuis une semaine, dis-je.

- Et si je décide que non ?

- Je ne t'en empêcherai même pas, souris-je avant que le brun ne reprennent mes lèvres en otage.

Jusqu'à tard dans la soirée, ses doigts décorés de bagues coururent sur ma peau devenue jaunâtre, dans mes cheveux. Ses mains retracèrent les courbes de mon corps aux côtes saillantes avec lenteur. Son regard aussi brulant que la flamme d'une bougie avait une approche différente de tous les autres hommes sur mon enveloppe corporelle.

La pièce fût remplie d'une chaleur tentatrice que je n'avais jamais expérimentée avant, le son de son souffle contre l'armature cachant ma poitrine résonna contre les murs sur lesquels étaient accrochés différents posters, drapeaux et vinyles.

On avait cette façon innocente et douce de veiller sur l'autre. Certains disent que le romantisme est mort, mais à cet instant précis, la bienveillance de ses lèvres souriantes contre mon cou et de mes mains dans ses cheveux bruns était à mes yeux la chose la plus romantique que les étoiles aient pu voir depuis leurs naissances il y a des millions d'années.

Après nos ébats nocturne, nous nous effondrâmes sur le matelas de mon lit simultanément. Tout autant fatigué que moi, Suna entoura doucement ma taille de ses bras. Le dos contre son torse, je m'osai enfin à lui annoncer la raison de mon malheur.

- Ils ont dit que j'avais un cancer. Du pancréas... Je vais mourir, Rin', chuchotai-je la voix tremblante.

Un long silence s'en suivit, trop long. J'aurais aimé qu'il ne dure pas si longtemps pour dire vrai. Et j'aurais d'autant plus aimé ne pas sentir la seule et unique larme qui échappa au brun rouler contre ma nuque.

- Je peux pas te donner le mien ? Souffla-t-il.

- Je crois pas que ça marche comme ça, lui dis-je avant que le silence de reprenne.

Il me semble qu'aucun de nous deux ne dormit de la nuit, et pourtant je ne lui avais toujours pas dis je t'aime.
Mais avec sa chaleur rassurante tout autour de moi, j'avais l'impression de me foutre de la gueule du monde et de ce qui allait fatalement m'arriver.
Je me foutais de la gueule de la maladie, de l'hôpital et du médecin, parce que si je devais mourir maintenant ce serait dans ses bras que mon cœur cesserait de battre.

𝐆𝐫𝐫𝐫 𝐊𝐫𝐨𝐮𝐧𝐜𝐡 𝐊𝐫𝐨𝐮𝐧𝐜𝐡, 𝗌𝗎𝗇𝖺 𝗋𝗂𝗇𝗍𝖺𝗋𝗈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant