VII ↬ supernova explosion

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L'hôpital était vraiment vide de vie, j'avais l'impression que tout passait au ralentit ici. Les repas n'étaient même pas bons, mais l'infirmier qui me les apportaient était gentil. Ça allait faire une semaine que j'étais là, les journées étaient interminables malgré les visites de mes proches. De tous, ma mère était la plus affectée. Je sais que c'est normal, mais nous n'avions jamais eu une relation très fusionnelle elle et moi alors la voir si détruite me déstabilisait. Pour dire vrais je n'avais jamais été le genre de personne à penser à la mort ou à me questionner dessus, je la voyais comme une chose qui ne viendrait à moi que lorsque je serais une vielle mémé toute fripée. Faut croire que je lui plaisait bien pour qu'elle décide de venir me chercher avant ma date de péremption. Enfin, je dis ça mais j'avais l'impression d'être déjà pas mal périmée.  

Le docteur avait dit que mon cancer était déjà à un stade avancé, trop pour procédé à quoi que ce soit visant à me sauver. J'aurais préféré chopper une maladie dont les symptômes ne pointent pas le bout de leur nez à un stade souvent déjà trop avancé pour être franche. 

Alors que je me lamentais sur mon sort, trois coups à la porte de ma chambre se firent entendre et celle-ci s'ouvrit sur l'infirmier m'apportant mon repas du midi. Il me sourit, me posa de simples questions polies du style "comment allez-vous" avant de sortir en me souhaitant une bonne journée. Je mangeai avec peu d'entrain mes haricots et ma soupe au céleri trop fade avant de poser les yeux sur un livre que ma mère m'avait apportée il y a deux jours. Un téléphone était posé dessus, celui de Suna. Il l'avait oublié à l'hôpital hier lorsqu'il était venu me rendre visite. L'objet s'alluma, signe d'une notification à laquelle je ne prêtai pas attention, trop occupée à rougir devant le fond d'écran qui était une photo de moi. 

Je tendis le bras pour attraper un livre, pas celui de ma mère mais celui remplit des commentaires à l'encre bleu de Suna. Je l'avais prit avec moi comme un trésor et je ne me lassais jamais de le lire. L'esprit encré dans ma lecture, je ne vis pas les heures passées et je ne m'en rendis compte que lorsque la porte s'ouvrit sur un brun que je connaissais bien. Il s'approcha de moi avec un sourire en coin avant d'emprisonner mon menton entre ses doigts pour m'offrir un baiser chaste. Il tira la chaise en bois à coté du lit pour s'asseoir dessus en me souriant. J'attrapai son téléphone et le lui tendis en fermant mon livre. 

- T'as oublié ça la dernière fois, dis-je alors que nos doigts s'effleurèrent lorsqu'il prit le cellulaire. Revois tes techniques pour venir me voir plus souvent, ça crain, ris-je, sympa ton fond d'écran au fait.

- Je sais, je peux au moins me venter d'avoir la photo d'une jolie fille dans mon téléphone.

Je rougis doucement en soufflant face à sa remarque et à ses manières charmeuses. Suna me tendis une fleur, une petite pâquerette comme on en trouve au bord de la route. Je pris avec précaution la tige entre mon pouce et mon index. 

- Ma petite sœur l'a ramassée pour toi, tu lui manques, elle aimait bien te voir squatter l'appart'. 

Je baissai les yeux vers la petite fleur avant de l'apporter à mes cheveux. Le brun me regarda, il y avait quelque chose de changé dans ses yeux, parfois il se perdait, sûrement très loin dans ses pensées, et ses orbites que je connaissais pleines de vie à chaque fois que nos regards se croisaient étaient devenues de simples billes jaunes-grises. 

- T'es très jolie, elle te va bien, me complimenta-t-il. 

Je le remerciai et nous parlâmes pendant deux bonnes heures. Je repensai aux compliments qu'il me faisait toujours, j'avais du mal à concevoir le fait qu'ils étaient sincères. Je ne me trouvais plus belle du tout. Ma peau avait jaunie, j'avais perdu du poids, beaucoup de poids, je flottais dans mes vêtement et encore plus dans les sweats de Suna, j'avais de belles cernes causées par la fatigue et mon sommeil agité qui m'empêchait de me reposer, ainsi que des traces rouges sur la peau dues à mes démangeaisons qui ne s'arrêtaient pas. 

Les mains du brun répandirent leur chaleur rassurante sur les miennes alors que nos doigts s'entrelaçaient. Puis, il se leva, lâcha mes mains et retira une bague de son annulaire pour la passer autour du mien. 

- Elle est pour toi, à plus. Me lança-t-il avant de finalement partir, avec son téléphone cette fois, me laissant seule dans cette chambre silencieuse et triste. 

❛ ✦

Branchée à des machines m'aidant à respirer, à manger et à accomplir tout autre besoin vital, j'attendais une venue autre que celle de ma mère qui venait de partir. Cela faisait plus de deux mois que j'étais à l'hôpital et c'était la première fois que Suna allait me voir reliée à toutes ces machines aux bruits répétitifs insupportables. La porte s'ouvrit et le sourire qu'abordait le brun en passant le pas de la porte disparu pendant une seconde avant de revenir, sûrement un peu forcé. 

- J'ai honte que tu me vois comme ça, peinai-je à articuler. Parler m'étais devenu difficile, douloureux même. 

- T'épuise pas en parlant, surtout si c'est pour dire n'importe quoi, il me sourit, j'ai juste été surpris, ok ? 

J'ochai la tête et regardai par la fenêtre en écoutant Suna me parler. Le ciel était gris mais pas assez pour cacher le soleil qui brillait toujours haut entre les nuages. Maman m'a raconté qu'il faisait froid dehors mais que les oiseaux continuaient de chanter. Même si je préférais lorsque le ciel était complétement dégagé ou lorsque les nuages le couvrant faisaient tomber de la pluie sur nos têtes, ce temps ne me dérangeait pas plus que ça. J'aimais beaucoup le printemps, ce serait beau de mourir au printemps, il y aurait quelque chose de poétique là dedans. Mourir au printemps. 

Après une bonne heure de discussion, il décida qu'il était temps pour lui de partir. Suna prit mon visage entre ses deux grandes mains chaudes, il y avait quelque chose de spécial dans son regard et dans son sourire aujourd'hui. Est-ce que lui aussi avait compris ? Peut-être bien, très sûrement même. Je crois que Suna est un peu comme ma flamme jumelle, pas comme mon âme sœur, c'est plus profond que ça. Si j'avais une âme sœur ce serait Mei, j'en suis presque sûre. Tout en me regardant dans les yeux, une larme coula des siens avant qu'il ne m'embrasse. Doucement, ça avait la sensation d'un vieux film de souvenirs adolescents. La perle salée qui avait roulé le long de sa joue était venue se mêler à notre baiser. Le brun se détacha, caressa ma joue une dernière fois, essuya ses yeux mouillés d'un revers de la main et sortit de la pièce avec un " on se voit dans trois jours ".

Et cette simple phrase me détruit, parce qu'il avait pourtant compris.

Dans la soirée, alors que je regardais les nuages pleurer à travers la vitre, mon cœur accéléra la cadence sans raison particulière. Je savais, j'avais compris dès l'instant ou les bip incessant des machines doublèrent. Je ne pourrais pas la décrire, cette sensation de rien, de flou. Toute la journée je souffrais, j'avais mal partout et un simple mouvement me fatiguait, mais c'était comme si là, à l'instant, toute ma douleur avait disparue. Peut-être n'avait-elle pas disparue, peut-être que, au contraire, elle était si forte que mon cerveau avait décidé de se déconnecter d'elle.
D'elle et de tout, finalement. 

Je ne sais pas, je ne pourrais pas vous dire ce que cela fait que de mourir un soir pluvieux de printemps. Tout ce dont je me souviens c'est de ce calme absolu qui régnait en maître comme pour me dire d'enfin prendre du repos loin de la vie. 

Je me suis éteinte dans cette chambre d'hôpital comme la fin d'une étoile massive, une explosion de supernova au printemps dans ce ciel nuageux pleurant déjà mon départ.

𝐆𝐫𝐫𝐫 𝐊𝐫𝐨𝐮𝐧𝐜𝐡 𝐊𝐫𝐨𝐮𝐧𝐜𝐡, 𝗌𝗎𝗇𝖺 𝗋𝗂𝗇𝗍𝖺𝗋𝗈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant