Chapitre 7 :

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Ils m'ont pris mon sac et mon couteau. Je n'ai plus rien. Après avoir mis une bonne distance entre les Carrières et moi, je m'accorde enfin le droit de faire une petite pause. Ma cheville ne m'a jamais fait aussi mal. Je serre les dents de douleur. Je boitille pour ramasser trois branches. J'en pose deux sur le côté et sépare la troisième dans le sens de la longueur pour avoir des lamelles un peu souples. Ce n'est pas l'idéal, mais je ne peux pas faire mieux. Avec les deux autres branches, je me fais une attelle, comme j'ai appris à leur faire quand ma cheville se dérobait quand je m'occupais des animaux, loin de la maison. Cela n'enlève pas la douleur, mais je devrais pouvoir marcher plus vite désormais. Je ne cherche pas à retrouver Lilou, je suis sûr que les Carrières sont sur mes traces. Ils ne m'ont pas laissé partir sans raison, comme l'a dit le garçon du Quatre, ils veulent m'utiliser pour trouver ma sœur et nous tuer tous les deux. Je ne leur ferais pas cette joie. Ça me coûte de devoir rester seul, sans savoir ce qui lui arrive. Mais c'est pour elle.

Je ne peux m'empêcher de l'imaginer, terrorisée, dans un coin d'un rocher, fouillant la forêt des yeux, inquiète de l'arrivée d'un potentiel adolescent transformé en tueur.

J'ai soif. Je dois trouver de l'eau. Ma course folle m'a déshydraté. J'ai faim, mais ça, ce n'est pas une priorité. Je me remet debout. Je casse une branche solide et je m'en serre pour m'appuyer dessus. J'avance moins vite, mais ma cheville me fait mal. Je marche longtemps avant de tomber, par chance, sur une rivière. Elle n'est pas très large, ni profonde, mais elle a l'air propre. Je sais qu'il ne faut pas se fier aux apparences, surtout dans les Jeux, je sais que je devrais m'assurer qu'elle est potable, mais j'ai trop soif, j'ai la tête qui tourne et mes idées ne sont pas claires. Je m'effondre plus que je m'assois. J'enlève douloureusement mes bottes et plonge mes pieds dans le courant. Je sais très bien que ce n'est pas une bonne chose, Gaëtan doit être en train de me haïr. Mais je m'en fout. Tout ce que je veux, c'est dégonflé ma cheville qui a doublé de volume. L'eau fraîche lui fait du bien. Me fait du bien. Je me penche, et avec mes mains, je bois de longues gorgées. L'eau est claire, n'est pas stagnante, si elle n'est pas bonne, c'est la faute des Juges et j'espère qu'ils ne sont pas cruels à ce point. Ils ont déjà décalés les horaires habituels du jour et de la nuit. Je suis persuadé que la nuit devrait déjà être tombée, pourtant, le soleil est au zénith. Je pousse un soupir. C'est peut-être moi qui allonge le temps, ça ne m'étonnerai même pas.

Mon ventre gargouille. Maintenant que j'ai bu, je devrais penser à manger. Mais je n'ai pas d'armes, je ne peux pas chasser. De tout façon, je ne sais pas le faire. Je me relève. Ma cheville me fait moins mal et même si je dois pousser un cri de douleur, je peux m'appuyer sur elle de manière presque normal. Je refais mon attelle. Puis je me lève, à la recherche d'une quelconque nourriture. Je pense à Gaëtan, qui m'avait dit de faire des entraînements de survie. Il avait peut-être raison au fond. Je vais peut-être mourir, sans avoir pu aider Lilou. Elle s'en sortirai peut-être mieux sans moi... J'ai envie de m'arrêter et de me cacher dans un coin, pleurer et me laisser mourir. Mais quand je ferme les yeux, je vois le visage de Lilou, ses yeux pleins d'espoir. Je prends une grande inspiration pour me redonner du courage. Je erre plusieurs minutes dans la forêt, toujours prudent à l'arrivée d'un quelconque ennemi. Mais je ne trouve rien, de toute façon, vu les chances de tomber sur quelque chose au hasard sont trop faibles. Sans surprise, il n'y a aucun animal qui me tombe dessus. Je retourne près de la rivière. J'attrape un bâton et je le frotte contre un rocher pour en faire une pointe. Au bout d'un long moment, j'abandonne mon idée d'obtenir une véritable arme et garde un bâton plus ou moins dangereux. Puis je m'immerge jusqu'aux genoux. Mes yeux balaient le cours d'eau à la recherche d'un poisson quelconque. Après un très long moment et de nombreux échecs, j'ai réussi à bloquer la queue d'un poisson. Avec beaucoup de mal, je sors enfin l'animal hors de l'eau. Sentir ses muscles sous sa peau glissante m'horrifie, alors je jette le poisson loin de la berge pour qu'il ne retourne pas dans le cours d'eau. Je n'ai pas le courage de continuer à en tuer un deuxième alors je me hisse sur l'herbe. Je met un moment à reprendre ma respiration. Ne pas avoir mangé m'a affaibli, j'ai le souffle court. Maintenant, j'ai un poisson mort, mais rien pour le découper, rien pour le faire cuire. Je pousse un soupir de découragement. Je sors mes jambes de l'eau. Le poisson ne se débat plus. J'attrape le premier caillou un peu aiguisé à ma portée. Je l'ai ouvert. Ça doit être comme une vache. Je sors les organes, sans vraiment savoir lesquels sont des organes. J'aimerai faire un feu, mais je ne peux pas. Si j'ai réussi, avec de la chance, à semer les Carrières, je ne veux pas les faire revenir à l'aide de la fumée. Je me résout donc à le manger cru. Je retire je ne sais combien d'arêtes, mais ça me fait tellement de bien de manger quelque chose que cela ne me dérange pas vraiment. Pendant que je profite de ma nourriture, l'hymne du Capitole retentit. Je lève les yeux. Il fait encore jour, je ne me suis pas trompé en pensant que les Juges avaient changés les horaires de la nuit. Neuf morts. Un Carrière, le reste, Sept, Huit, Douze, bref, les autres districts. Il y a donc encore quinze autres personnes dans l'Arène. Encore treize personnes qui se dressent entre la victoire et Lilou.

Hunger Games : Une histoire fraternelle [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant