Chapitre 8 :

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Deux jours ont passé sans qu'il ne se passe rien de spécial. Je reste dans mon coin, près de la rivière. En ce moment, c'est plutôt calme, il n'y a eu que deux nouveaux morts, le garçon du Cinq et la fille du Onze. J'aimerai tellement retrouver Lilou, je souffre de ne pas savoir où elle est, ni avec qui. Elle doit être terrorisée. Je lui avais promis de la retrouver, et elle est seule. J'aurais aimé la rejoindre, mais régulièrement, j'entendais des bruissements de feuilles, des craquements de branches qui me faisaient croire à des personnes qui étaient dans les parages. Les Juges avaient bien tout décalé, et désormais, il faisait nuit depuis seulement quelques heures. J'ai sommeillé un petit peu, mais en ayant toujours l'esprit alerte, je ne me repose pas. J'ai eu la chance (ou le malheur?) de tomber sur le cadavre du garçon du Cinq avant que les hovercrafts ne viennent chercher le corps. Près de lui, il y avait un couteau. Je l'ai récupéré sans le regarder avant de m'enfuir pour éviter de croiser le meurtrier du garçon.

Ce jour là, j'avais décidé de bouger. Les bruits tournaient autour de moi, de plus en plus près, je n'étais pas confiant. Je n'ai plus eu besoin de mon attelle, ma cheville va beaucoup mieux. J'ai relevé les jambes de mon pantalon pour éviter de le mouiller et je m'enfonce dans le courant d'eau jusqu'aux mollets. Je me met à marcher vers le nord, du moins, ce qui me semble être le nord. La forêt, sous la lumière froide de la lune, paraît différente. Moi, je suis plus à l'aise, j'ai l'impression d'être mieux protégé. Mais je sais que Lilou a une peur panique du noir, elle avait toujours besoin d'une bougie allumée dans sa chambre, car si une des nombreuses coupures d'électricité arrivait en pleine nuit, elle aurait été dans le noir. Et puis, dans le district Dix, il est plus rare d'avoir de l'électricité que de ne pas en avoir.

J'essaye de ne pas faire de bruit, ce qui est plutôt difficile quand on se déplace dans une rivière, en faisant rouler les cailloux à à peu près chaque pas. Mais c'est la meilleure solution si je veux me déplacer sans laisser de traces de mon passage. Les seuls signes de mon ancienne présence sont tous les restes de poisson et les morceaux d'attelle.

Je me maudis à chaque fois que l'eau fait un bruit, autrement dit, à chaque mouvement. Soudain, il se met à pleuvoir. Une pluie forte, les grosses gouttes faisant énormément de bruit en tombant sur les feuilles. C'est sûrement ça qui m'a sauvé. J'ai pu continué mon chemin en m'inquiétant un peu moins du boucan que je faisait. En quelques secondes, je me suis retrouvé trempé, mes cheveux gouttaient sur mon front, floutant ma vision. Les nuages masquaient la lumière de la lune, je ne voyait plus grand-chose. Incapable de voir où je m'étais les pieds, je sors de la rivière. Je préfère laisser des traces de pas dans la boue plutôt que de marcher sur un rocher instable et me tordre une nouvelle fois la cheville. Après une longue marche, je suis enfin tombé sur des arbres qui étaient tombés les uns sur les autres, fabriquant une sorte de cabane improvisée. Je me suis glissé sous les branches, leurs feuilles sèches me giflant le visage. Mais une fois en dessous, je suis un peu protégé de la pluie, et je suis masqué à la vue d'une personne qui viendrait dans les parages. Pas très loin, sur ma droite, j'entends un grondement. Je devine sans mal qu'il s'agit d'une cascade. Très bien, si je fais du bruit, il sera masqué par celui de l'eau. Je ne sais pas combien de temps je suis resté planqué là, mais l'hymne a retentit. J'ai levé la tête pour voir les tributs morts. Je n'aurai pas pu distinguer leurs visages à cause de l'eau qui me coule sans cesse dans les yeux, mais de toute façon, aucun n'est mort. On est toujours treize dans l'Arène. Ce n'est pas bon. Il ne s'est rien passé d'impressionnant depuis le Bain de Sang, les Juges ne doivent pas apprécié. Je dois rester sur mes gardes, ils vont certainement nous pousser à nous rapprocher pour créer des massacres. Qui sait ce qui pourrait me tomber dessus ? Je frémis en repensant aux morts des années précédentes, causées par les Juges. Ravins soudains, éboulements, pluies acides, foudres, incendies ou inondations, créatures mutantes... C'est sûr que les Juges ne manquent pas d'imagination quand il s'agit de créer des choses atroces. Je revois encore l'image de l'année dernière, une sorte de monstre visqueux, les yeux rouges, la gueule pleine de sang et de dents noires. Il se déplaçait à quatre pattes, mais à une vitesse qui ne laissait aucune chance, même aux plus rapides. Il a fait trois morts avant que les Juges décident que c'était suffisant pour le moment et le fasse disparaître sans raison.

Sans m'en rendre vraiment compte, je recule, effrayé, pour me cacher d'une potentielle créature. Je sais pertinemment que ça ne sert à rien, les Juges lui donnerait une vision thermique, mais je me colle au tronc quand même. Si ils ont décidé que tu mourrais, tu mourrai. La seule chose qui nous permettait de survivre un peu, était le but même des Jeux. Prouvé que les enfants des districts ne sont pas ceux du Capitole, ils sont plus proches des animaux, prenant plaisir à tuer. J'aimerai bien les voir, les enfants du Capitole dans l'Arène, on verrait qui sont les animaux. Et puis, je ne suis pas sûr que forcer des adolescents, certains comme Lilou, à s'entre-tuer fasse parti des choses « humaines ». Du coup, si les Juges, donc le Capitole, tuent trop, c'est le Capitole le monstre. Alors ils nous poussent à nous tuer entre nous, et là, c'est nous les monstres. Je me demande ce qui se passerai si tous les tributs décidaient de ne pas jouer selon les règles du Capitole, mais selon celles des districts. Si tout le monde s'alliait pour ne pas tuer.

J'ai réfléchi un long moment, si bien que la pluie s'est arrêtée. Je suis sûr que c'est une manipulation des Juges, car si elle avait continué, je n'aurais pas pu entendre les cris d'une personne que je reconnaîtrai entre mille, Lilou.

Hunger Games : Une histoire fraternelle [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant