Vive la biochimie

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Il se réveilla en sursaut suite à un cauchemar. Il tenta de reprendre sa respiration avec un peu de difficulté tout en épongeant son front luisant de sueur avec la paume de sa main. Quand il fut calmé, il se redressa et s'assit en tailleur sur son lit qui grinça de douleur au moindre de ses gestes.

- C'est rien ce n'est qu'un rêve, se rassura-t-il. Ce n'est pas moi.

Tout en consultant son téléphone portable, il jeta un coup d'œil à la fenêtre et constata qu'il avait neigé. Malgré la déprime qu'un lundi matin était capable de lui apporter, il esquissa un vague sourire qui illumina son visage aux teintes pâles. Depuis combien de temps n'avait-il pas dormi plus de cinq heures ? Cela lui semblait être des semaines. Il avait toujours ce fichu trou de mémoire depuis qu'elle était partie.

Il se mit debout et bien que la tête lui tournait quelque peu, il avança en direction de sa minuscule cuisine où la cafetière, pourvue d'un minuteur, faisait couler un bon café bien chaud. Pendant qu'il s'adonnait à admirer les flocons tombant dans la rue, sa sœur jumelle Sa-Hana ronflait bruyamment. Ils cohabitaient ensemble et c'était sans doute les seules années où ils ne s'étaient pas tapés dessus en moins de deux minutes de conversation. Il ne prêta pas attention à elle et se concentra sur son café, que la machine crachait à grosses gouttes. Le jeune homme se servit une grande tasse et après y avoir plongé deux carrés de sucre, le dégusta immédiatement sans attendre que celui-ci se soit refroidi. Le liquide bouillant le brûla mais il n'aimait pas perdre de temps à prendre un petit déjeuner. Une fois, le café finit, il rinça rapidement le récipient et le laissa traîner dans l'évier, décidant qu'il s'en occuperait plus tard. Il était temps pour lui d'aller en cours, une grosse journée bien longue et bien fatigante comme il les détestait. Il réussi à se convaincre suffisamment de ne pas sécher, pendant qu'il préparait sa sacoche et rangeait ses notes gribouillées dans un classeur beaucoup trop volumineux. Il ne payait pas quatre cents balles de frais de scolarité pour rien. Il fallait bien gagner de l'argent un jour s'il voulait éviter de se nourrir de pâtes chaque soir comme un pur étudiant. Il était temps de partir désormais. Au moment de refermer la porte, il regarda une photo posée sur le meuble à côté de la porte et murmura :

- A ce soir, Eulalie.

Dans l'amphithéâtre, c'était le bordel. Il y avait les squatteurs des derniers rangs qui ne fumaient pas que du tabac, les sixièmes années aux premiers pour valider leur concours et les mecs paumés comme lui qui essayait de se trouver une place entre les cadavres de la soirée de la veille. Lui, il n'était jamais invité aux soirées d'intégration. Il s'en fichait royalement parce qu'il ne voyait pas l'amusement comme une priorité. Plongé dans ses études, il pensait rarement à sortir la tête de ses bouquins.

Il se fraya un passage entre les étudiants et trouva une place parfaitement en face du projecteur qui affichait à intervalles régulières, des diapositives remplies de schémas colorés. Il soupira bruyamment et remit ses lunettes qui glissaient sur son nez fin et pointu. Le cours de biochimie était vraiment celui qui lui plaisait le moins. Et il devait y assister dès le lundi matin. Pourtant, pour avoir la chance d'être médecin un jour, il fallait bien s'y coller et s'il fallait faire des heures et des heures de biochimie, eh bien, il supporterait. Il ne pouvait pas se permettre de rater sa vie maintenant qu'il était parti de chez ses parents. Ils comptaient sur lui pour réussir ici. C'est avec une motivation proche du néant et un entrain à peu près équivalent à un mollusque attendant la marée sur son rocher qu'il vit passer sa matinée. L'heure de la fin du cours avait à peine sonné qu'il se précipita à la cafétéria de la fac pour calmer la faim qui lui tapait dans l'estomac. Il sortit un billet de la poche arrière de son jean pour le remettre à la caissière et emporta son plateau composé d'un repas assez léger . Il détestait se bourrer le ventre de trucs gras et remplis d'additifs ainsi l'assiette de porc noyé dans de la sauce caramel avec une louche de riz gluant et une compote à la poire lui convenait parfaitement. Il se trouva une table éloignée de toute population et entama son déjeuner quand un autre plateau claqua devant lui. Il tomba nez à nez avec un garçon vêtu d'un uniforme élégant et bien repassé tout droit sorti d'une école prestigieuse comme Oxford.

Petit creuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant