Nathan et Soan partie 2

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1993 / 13 ans et 11 mois et 13 ans et 6 mois


Nous avions deux jours de retard. Mon père n'avait pas eu ses vacances à temps. Ma mère et moi avions dû l'attendre, les valises déjà bouclées. Nous étions partis sur une dispute entre lui et moi, comme tous les jours depuis des mois. Il me reprochait chacune de mes respirations, chacun de mes actes. Je me murai dans le silence quand j'étais à la maison, ma mère, en muraille entre nous deux pour éviter que les choses n'aillent trop loin.

Mon année avait été catastrophique. J'étais retourné au collège la tête encore pleine de lui. Bien décidé pourtant à suivre ses conseils, je m'étais mis en tête de trouver une copine. Cela n'avait pas été difficile. Camille était gentille, j'étais le premier qu'elle embrassait. Je lui dis qu'elle était la première fille que j'embrassais. C'était vrai. Je me promis aussi que ce serait la dernière. L'expérience ne fut pas longue.


Je ne cessai de grandir, tous mes vêtements neufs de septembre ne m'allaient plus en décembre. Ma voix se mit aussi à changer et d'ici le mois de mars, je parlai d'un timbre grave. Ma mère m'appelait « mon grand » et mon père m'appelait « petit con ».

Je me sentais mal, je me sentais seul. Je me sentais anormal. Alors que nous roulions sur la même route que depuis des années pour rejoindre notre lieu de vacances, je me sentais malade. Parce que je ne voulais que lui et que lui ne voudrait plus. Il me l'avait bien dit, ç'avait assez duré. On ne pouvait pas. Je le savais, je me rendais bien compte qu'il n'y avait là rien de normal. Nathan était mon cousin. On n'embrasse pas les garçons, et encore moins ses cousins.

Nous arrivâmes alors que le soleil se couchait. Les pneus crissèrent sur le gravier, je ne les entendis pas. Je voulais fuir tout le monde. Sans un mot pour personne, je sortis du coffre ma valise et montai dans ma chambre. Nathan et sa famille avait déjà visiblement envahit l'espace. Une boule au ventre, je leur adressai un signe de tête, pas surpris de ne pas voir leur fils avec eux.


Je ne voulais pas venir. Je ne voulais pas l'affronter. Avoir à faire comme si de rien n'était. Passer à la leçon suivante.

Je m'enfermai dans ma chambre en clamant à qui voulait l'entendre que je ne voulais pas manger, je voulais qu'on me laisse tranquille. Mon père m'ordonna de venir à table, je le laissais tambouriner sur ma porte.

Ce fut la clameur de mes nos parents sur la terrasse qui me fit prêter l'oreille par la fenêtre ouverte. Les miens se désolaient de mon changement d'attitude. Ceux de Nathan se désolaient du temps qu'il passait avec sa copine. Son père se rassura qu'au moins, il passait moins de temps avec ses copains, ce n'était pas sain autant de temps entre garçons. Mon père confirma.

Je pleurai jusqu'à la nuit noire et ne plus avoir de larmes. Ma peau me brûlait, comme si j'avais de la fièvre. Je retirai mes écouteurs quand j'eu épuisé ma playlist de chansons tristes. Je m'endormis la tête lourde, les yeux noyés, le cœur en deuil.


La lumière pâle du soleil par la fenêtre ouverte me réveilla. Le réveil indiquait 06h02. Dehors, c'était un calme plat. Je me trainai jusqu'au garde-fou de la double-fenêtre et le minuscule balcon. Ici rien ne changeait et pourtant plus rien n'était pareil maintenant. L'été passé, je m'étais éveillé chaque matin avec lui. La tête basse entre les épaules, je soupirai.

« Je t'ai entendu pleurer hier. »

Je me tournai, à peine. Besoin de rien pour savoir que c'était lui. Je soupirai à nouveau, incapable de le regarder, de redécouvrir son visage. Le courage en berne.

Premières fois [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant