Alessio et Valentin

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                L'ambiance était lourde. La lumière trop agressive. La musique trop forte, mal choisie. Le repas était infâme, à peine meilleur qu'un plat sorti du congélo à la hâte.

Il n'aurait pas dû venir, il ne voulait pas venir. Des semaines durant, il avait décliné, d'abord poliment. Il aurait quelque chose d'autre à faire, et puis, les soirées d'entreprise, très peu pour lui. Puis plus fermement quand on le lui avait demandé pour la dixième fois. Non, il n'aimait pas cela. Oui, même après autant de temps dans la boîte.

Mais il y avait eu la onzième fois où on le lui avait demandé. Devant la machine à café où il ne s'arrêtait que rarement, presque jamais même. Une chemise cartonnée sous le bras, un mal de crâne à se lancer contre le mur.

Guillaume, son éternel double expresso à la main, dans son gobelet en plastoc beige, la mèche grasse et la gueule de travers lui avait lancé de sa voix mal dégrossie :

« Bah alors, Antoine, tu ne viens pas à la soirée de fin d'année ?! »

Un silence. Alessio se vit lui jeter son café, lui écraser son gobelet contre ses dents jaunies de tabac. Il serra plus étroitement sa pochette pour se retenir de lui broyer une côte et haussa un sourcil, mimant sa surprise :

_ Bien sûr que si. »

Désormais, il regrettait de ne pas s'être juste tu. Son égo avait été plus vite que sa réflexion. Il s'en mordait les doigts. A peine vingt-deux heures, il reposait la cuillère de son dessert avalé sans en chercher le goût. Certains de ses collègues n'avaient pas encore vu l'arrivée des petits fours, trop occupés à des discussions de la plus haute importance sur un tel, une telle qui... Non ?! C'est pas vrai ! Qui t'a dit ?!

Soupirant, Alessio se fraya un passage vers la sortie, pensant être discret. Invisible même. Mais une main lui attrapa le poignet alors qu'il saisissait la poignée de la porte de l'autre.

« Tu t'en vas déjà ? »

Un pincement au cœur, un léger tressaillement au fond de son estomac mal rempli. Il étudia le visage, y chercha une trace de ce qu'il pourrait répondre, contré.

« Oui.

_ Tu me ramènes chez moi ? J'ai trop bu. »

Derechef, le visage, étudié de haut en bas. Les sourcils blonds, fins. Les accroche-cœurs autour du front haut, le nez rond et la bouche mutine, la barbe mal taillée. La minuscule cicatrice au coin de l'œil droit. La sécheresse des lèvres sèches, qu'il avait sans aucun doute trop léché.

Il chercha quoi répondre, contré. Comment décliner. Juste Refuser. Faisant tinter ses clés entre ses doigts, il murmura :

« Oui. »

Affalé sur le siège passager, il avait le manteau sur les genoux. Il avait maladroitement déboutonné sa chemise trop loin, laissant apercevoir le haut de son ventre. Il respirait fort, faisait danser sa main par la fenêtre entrouverte. Alessio pouvait voir la trace que lui faisait la vitre sur l'avant-bras. Arrêtés à un feu, la lumière rouge le nimbait d'une étrange aura. Il avait l'impression de le voir sous une face nouvelle et ça lui faisait grincer le cœur de se rendre compte à quel point ça lui plaisait. A quel point ce corps longiligne sur le siège d'à côté, il en avait envie.

« Je te dépose où ? demanda-t-il en reprenant la route.

_ Chez toi ? »

Il aurait pu arrêter la voiture sur un parking sombre, près des quais, sur les bords de Seine. Ils auraient pu avoir vu sur les paquebots commerciaux alors qu'ils se seraient contentés de la banquette arrière. Parce qu'Alessio ne ramenait jamais quelqu'un chez lui, au grand jamais.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 19, 2023 ⏰

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