PROLOGUE

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L'été, c'est la saison que je préfère le plus. La musique qui s'en dégage, pour tout ce qui y vit, ça me laissera toujours contemplatif. Les oiseaux gazouillent joyeux tout en se frôlant de leur ailes légères les brins hauts des herbes, on entend en sourdine le bourdonnement des insectes butineurs dans les prairies. Les grillons qui stridulent au soleil et le frottement mélodieux des pattes de sauterelles pour attirer les femelles.

Ce son a le pouvoir de me laisser béat face à cette nature sauvage et merveilleuse. Y a ce parfum de fleurs entêtant, celui des fruits gorgés de sucre dans l'air, qui attendent d'être cueillis et toujours la même fragrance, celle de l'amour. Dans la belle saison, tout prend vie et devient possible.

Je commence à sentir le poids de l'âge quand arrivent les premières pluies et je ne parle même pas de la neige. J'en ai une sainte horreur mais je n'ai aucune envie de quitter le territoire, plutôt m'arracher un bras que de m'enlever à ces montagnes qui m'ont vu naître. Donc il vaut mieux profiter de la chaleur douce du Colorado tant qu'on peut.

Et puis, fait intéressant, mes enfants m'ont offert un rocking chair qui est installé sur la terrasse à l'arrière de ma maison.  Au départ, je l'ai mal pris, je suis pas un vieux croulant tout de même. Je monte encore sur ma bécane et poser mon derche sur ce fauteuil me semblait synonyme de fin de vie. J'ai regardé cet objet de malheur d'un mauvais œil trop souvent jusqu'à me laisser tenter.

Depuis, je pose mon cul tous les jours dans l'après midi, à l'abri du auvent. J'en profite pour tirer sur ma pipe en me balançant comme un nouveau-né babillant, ou avec un morceau de bois que je taille dans des formes d'animaux. Mes petits enfants me réclament une collection de jouets faite de mes vieilles mains, j'ai une liste longue comme le bras qui m'occupe un peu trop. Je suis victime de mon succès à vrai dire. 

Ça c'était avant d'entendre le craquement du plancher, des bruits de pas peu discrets. Revoilà les voyeurs.

—Dis donc, gamine ! Ça va devenir une habitude, de te trouver sur mon chemin. T'es devenu accro là ! Tu sais que d'en vouloir toujours plus ça peut être mauvais. Tu vas devenir junkie de la page à force.

—Rho t'offusque pas, va. Je ne suis pas dingue. Ne dit rien ! T'es venu encore m'arracher une histoire. A cause de toi, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir connaître mes secrets de vieux bonhomme. Ma Anita devient jalouse.

—Ça te fait peut-être rire derrière ton écran mais pas moi. J'ai passé l'âge des disputes. Je n'ai pas la patience et encore moins l'énergie pour ça. Anita, c'est une italienne, alors permet moi de te dire qu'ils font la guerre comme ils font l'amour. Les bras s'agitent pour parler plus fort que la voix. Les assiettes et les casseroles s'envolent dans toute la maison quand elle est en colère et je me retrouve sur le canapé pour pioncer. Je suis un vieux bonhomme, j'ai besoin de confort. Elle a le sang chaud. Rougis pas gamine, je te rate pas derrière ton écran.

—Bon! Tu sais que je ne te résiste jamais et puis j'aime t'avoir à mes côtés. Jusque là, j'ai plutôt fait dans la douceur pour t'épargner. Quoi ? Rhooo oui bon y a un peu de sang qui a coulé en même temps que les larmes certes mais la vie c'est pas un long fleuve tranquille, tu vas pas me contredire? Non ? Bon ça va alors.  T'as vu que mes comparses ont connu l'amour et le vrai avec un grand A et tout c'est fini en liesse.

—Il faut croire qu'ils ont besoin que la douleur creuse sa place dans leurs cœurs pour que l'amour y viennent se loger pour les réchauffer. Je deviens poète. Qu'est ce qu'on peut dire comme connerie à mon âge encore !

—Quand je te vois gamine, ça me plaît dans le fond. Te fais pas d'idée va, j'en ai pas après ton petit cul, je t'ai dis, j'ai passé l'âge. Non, c'est ton innocence qui me plaît, cette manière dont tu vois les Reckless, leurs vies différentes du commun des mortels qui arpentent cette terre sans vraiment vivre. Tu ne juges pas, tu les vis avec passion. Tu deviens un membre à part entière. Je pourrais demander à Molly, de te faire un cut un peu spécial, ça te dirait ?

—Mais t'es pas possible toi ! Soit pas impatiente! Je vais t'en raconter une autre d'histoire mais celle là est un peu particulière. Je te sens prête en revanche, avant ça c'était du petit lait. Tu me crois pas ?

—Pose ton cul sur un siège confortable parce que tu vas vite flancher sur tes guibolles.

—Pour beaucoup d'entre nous, trouver l'amour a été salutaire dans leur vie dévoyée. Ils ont rencontré leurs âmes sœurs qui les complètent. Pour d'autres, c'est la damnation éternelle. On est pas prêt de les y revoir dans ce fourbi. C'est le cas de l'un d'entre nous car un être un peu à part. Pour beaucoup de gens, d'un premier coup d'œil, il le juge fou. Moi, je suis persuadé que non. C'est peut-être même le plus lucide d'entre nous. Te bidonne pas comme ça et pose ton cul à côté de moi. Voilà, t'es bien installé ma jolie. Tu vois de qui je parle ?

—Ouais, Priest. Bien sûr qu'un prêtre peut connaître l'amour. C'est ce qui l'a conduit à nous d'ailleurs. Crois pas que je sois devenu un illuminé de la sainte église de Patin Couffin où je ne sais quoi. Je respecte les croyances de chacun en revanche. Ça a dû en sauver plus d'un de son propre enfer mais moi, je crois qu'à une moto bien rodée et je voue un culte au chrome. Héhé, je me fais marrer tout seul.

—Ça doit bien faire quinze piges qu'il est parmi nous mais je me souviens de son arrivée comme si c'était hier et il n'avait pas l'assurance qu'il dégage maintenant. Dans un sens comme dans l'autre, Priest laisse une empreinte saillante dans les esprits. C'est pas toi qui me dira le contraire hein? Vous vous bousculez au portillon comme des abeilles autour d'un pot de miel pour approcher l'inapprivoisable animal. Une sacrée perte de temps si tu veux mon avis. C'est comme essayer de choper du vent, y a pas de prise sur son esprit volubile mais ça me fait rire.

—Tu sais gamine, on arrive souvent chez nous par le hasard, à moins que le créateur ait des plans bien établi. J'sais pas trop quoi en penser à vrai dire. Il est arrivé dans un état proche de la mort, qui aurait paru douce à côté de la souffrance quasi mystique que se dégageait de cette homme rompu. Perdu dans ses songes torturés et sans l'ombre de l'esquisse d'un avenir, c'est le seul constat que j'ai pu en faire. Je dois t'avouer gamine que pendant un temps, je n'étais pas certain de le voir vivant longtemps mais faut croire que l'humain est plein de surprise. Je t'intéresse toujours ? Ouais bien sûr.

—Allez chut maintenant et écoute moi ...

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C'est ainsi que commence :

The Reckless Hounds
La Tentation de Priest

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The Reckless Hounds III la tentation de Priest (SOUS CONTRAT D'EDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant