Chapitre 1

9 0 0
                                    

La noirceur est omniprésente. Les ampoules orange des lampadaires ne suffisent pas à éclairer la rue. Le chauffeur du taxi me lance un regard plein d'empathie, puis il part en direction Sud. Les gens marchent rapidement dans des directions quelconques. Une jeune femme se distingue des autres. Elle porte un manteau rembourré. Elle retient son chapeau sur sa tête, dans son autre main se trouve une valise bleue. Un taxi se gare près d'elle, elle y entre et la voiture part en direction Nord. Un couple s'embrasse et se dit au revoir. L'un des deux s'engouffre dans l'aéroport. Une voix se fait entendre dans les haut-parleurs. Je peux entendre le manque d'émotions et d'enthousiasme dans la voix de l'annonciatrice.

-Last call for flight 145-87 for Sydney. I repeat last call for flight 145-87 for Sydney. All passengers must now be on board.

Quelques personnes se mettent à marcher plus vite vers le terminal. Je me fais bousculer par deux voyageurs pressés. Les passagers déposent leurs bagages sur les tapis. Encore une fois, l'un d'entre eux se distingue. Il arbore une expression grave. Il s'arrête au terminal 56 pour le vol en direction de San Francisco. La ville est en ce moment recouverte de rouge et de fumée. Elle est sous le siège des conservateurs. Les portes automatiques de l'aéroport s'ouvrent continuellement. Les agentes de bord arborent un sourire professionnel. Les passagers attendent en file afin de faire imprimer leurs billets. Les tableaux d'affichages montrent les destinations auxquelles chaque comptoir est attribué. Honolulu, Kyoto, Vancouver, Los Angeles...

Les gens grouillent autour de moi, comme dans une fourmilière. Certains s'impatientent, d'autres disent des adieux silencieux, devant le terminal pour San Francisco, en voyant leurs êtres chers partir. J'aurais pu faire partie de ces êtres chers, mais il n'en était pas question. Je me suis déjà assez battue pour mon pays comme ça. La télévision accrochée en hauteur diffuse le premier bulletin de nouvelles de la journée. Une présentatrice énonce les nouvelles d'un ton monotone et constant. Des soldats du Canada sont appelés en renforts pour se battre en Californie, contre les conservateurs extrémistes.

Le siège sur lequel je suis assise depuis maintenant près de 45 minutes est isolé, je me lève pour aller à la fenêtre. Un avion décolle, en quelques minutes seulement, celui-ci disparaît, happé par le ciel sombre. Mon vol est appelé. Les passagers se mettent en file. Pour Honolulu, là où il n'y a pas de combats. Aucune chance de se faire appeler pour aller se battre au front. De toute façon, emmener des soldats de l'archipel jusqu'au continent coûterait bien trop cher. L'arrière de l'avion revêtit des fleurs roses et vertes. Le salut de tous ceux qui ont trop peur ou qui ont beaucoup de choses à perdre. C'est ce que j'ai entendu aux nouvelles, hier. Les gens s'achètent des sandwichs œuf/bacon et des muffins aux bleuets pour l'avion. Je fais de même, manger pour engourdir la fatigue. Il est 4h du matin. Le soleil ne se lèvera pas avant deux heures.

Je suis calme, jusqu'au décollage. L'avion vole au-dessus des États-Unis. J'agrippe les repose-bras, on peut entendre les explosions en-dessous. Plusieurs avions se sont fait descendre.

L'agente de bord m'effleure l'épaule, ce qui me fait sursauter. Elle me propose de boire quelque chose. Je lui demande si elle a de quoi calmer les nerfs. Elle regarde à droite, puis à gauche et me donne une boîte complète de sachets de camomille. De sa poche arrière, elle sort une tablette. Du Xanax. Je vais la garder.

-Pour vous calmer. À prendre en cas de crise.

-Merci.

Elle prend un autre sachet de camomille sur son chariot, le met dans une tasse et verse l'eau bouillante dessus.

Elle se dirige vers les passagers dispersés dans l'avion. Je ferme les yeux, prends quelques respirations et j'enfouis mon visage dans mes mains.

Les États-Unis disparaissent derrière nous, pour être remplacé par le bleu rassurant de l'océan.

Les volcans apparaissent après quelques heures.      

Portrait d'une Guerre CiviliséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant