Chapitre 1 - Burn-out

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Megan
New-York

─ J’attends pour demain matin un nouveau rapport sur Gallantter industrie. Le dernier n’est pas à la hauteur, déclare Maître Anders telle une sentence avec son ton glacial et condescendant avant de claquer la porte de son bureau.

Il s’imagine sans doute toujours au tribunal gérant une énième juridiction civile. C’est toujours le cas et cela devient lancinant d’entendre ses plaintes, jour après jour. Tout ce que nous pouvons faire, Salomé et moi, est bon à rien. Toujours. On pourrait facilement penser, qu’au bout d’un certain temps, il finirait par se lasser de tels reproches, mais non.
On dit que la méchanceté conserve, si je me fie à Anders et son paternel aussi glacial que l’est son fils, je peux sciemment dire que c’est un fait avéré au vu des paroles assassines en de âpres critiques auxquelles je fais face. 
Lorsque je me suis lancée dans des études de droit, jamais je n’aurais pu imaginer qu’elles me mèneraient à intégrer ce cabinet d’avocats prestigieux : Anders & associés. Mais le prestige a beau représenter un point que l’on vise depuis toujours, il peut également paraître attentatoire.
Ça l’est lorsque, comme moi, je dois faire face à un avocat chevronné comme patron, qui n’hésite pas à écraser la pauvre assistante que je suis pour faire valoir son pouvoir sans fin au bureau. Proche de la quarantaine, beau garçon dans le style snobinard, costumes de créateurs en vogue, montre au poignet aussi coûteuse et luxueuse que le reste qu’il porte ou a en sa possession, Wyatt Anders est un requin dans le monde juridique.
Son métier et ce qu’il représente sont d’une grande importance. Je suis consciente de tout ce qu’il a dû entreprendre afin de devenir cet homme-là. Mais est-il excusable pour autant en écrasant ses pauvres adversaires espérant que justice soit faite et en me diminuant moi, sans arrêt ?
On apprend à la boucler afin d’obtenir ce job que l’on visait tant durant nos années passées à être, en premier lieu, qu’une simple stagiaire. Ensuite, nous l’obtenons à force d’efforts et de nuits blanches. Puis au fur et à mesure des jours, des semaines, des mois, qui deviennent vite des années, nous nous apercevons que ce qui est devenu notre quotidien nous tue à petit feu. Comme quoi l’ambition a parfois un triste retour de médaille.
Je le sens en moi. Je sais ce qu’il m’arrive et ce que je couve depuis un moment déjà, mais je n’ose rien dire ni faire. Si je le faisais Maître Anders ne se cacherait pas et se ferait un malin plaisir de me lancer combien de personnes seraient prêtes à tout pour sauter sur la merveilleuse occasion d’obtenir mon poste.
J’étais si fière de l’avoir décroché à une époque. Mais ce cabinet, bien qu’illustre et réputé, est avant tout inconvenant parce que, désormais, il ne défend que des patrons véreux mais renommés en écrasant des employés qui ont eu l’audace de l’ouvrir afin de trouver justice.
Face à Maître Anders, ils se cassent tous les dents et y laissent plus d’une plume au passage, encore plus lorsqu’ils osent se pourvoir en cassation. Je ne suis plus en accord avec ce nouvel aspect qu’abrite mon boulot. Plus les jours passent, plus je culpabilise de continuer à bosser chez eux.
Mais comme tout le monde, j’ai des factures à payer. Sans compter que ce job c’était le rêve que ma mère avait toujours désiré pour moi. L’ayant perdue, viser ce boulot avait été ce qui m’avait maintenue à flot durant une phase de deuil difficile en me raccrochant à elle, à son souvenir.
L’intégrer m’avait semblé si fantastique en me rendant fière pour avoir réussi ce que maman avait tant rêvé pour moi. J’avais ressenti ce sentiment inouï de réussite d’avoir bien fait et où j’avais eu l’impression de me sentir proche d’elle. J’avais aimé à penser que de là où elle se tenait, ses yeux emplis de fierté étaient posés sur moi et qu’un sourire était né sur ses lèvres en égayant son visage que je me souvenais être magnifique et doux.
Mais peut-être me leurrais-je et qu’elle n’appréciait pas comment s’était transformé Anders & associés. Comme moi. Cela fait bien deux ans que les affaires pour les honnêtes gens ont laissé la place à celles fâcheuses que je déteste tant. Je sais qu’Anders les a menés à sa réelle motivation, tel le fervent républicain qu’il est, en exécrant le bas peuple, même victime.
Je ne compte plus les fois où je l’ai surpris radoter à ses clients fortunés combien les employés ne représentent que de la vermine qui doit absolument se soumettre à tout et n’importe quoi. Il pense sincèrement qu’ils n’ont aucun droit de se plaindre pour avoir un boulot qui leur permet de faire vivre leur famille et boucler leur fin de mois.
C’est autant navrant que scandaleux, mais c’est la pure vérité concernant beaucoup de patrons. Il tient à ce que son image présomptueuse perdure en effaçant un peu plus celle qui l’a suivi jusqu’à ses dix-sept ans où il n’était qu’un garçon tellement touchant. Peut-être se trouvait-il trop doux ? Ou se sont les moqueries de ses autres camarades qui l’ont mené jusqu’à devenir cet homme méprisable ?
Salomé le connaît depuis le début du secondaire. C’est elle qui m’a appris quel genre de personne il avait été avant de se transformer en véritable tyran. Si elle n’avait pas été témoin de cette partie de lui à cette période-là, jamais je ne l’aurais crue tant le garçon qu’elle m’a décrit est différent de l’homme affreux qui pourrit ma vie depuis des mois.
Salomé est l’assistante d’un des associés de Wyatt Anders le sardonique et est spectatrice de la tyrannie de son ancien camarade de classe avec moi. Elle y fait face quelques fois quand nos deux patrons sont amenés à travailler ensemble sur la même affaire. Brant Wattford, son boss, est une véritable perle avec elle.
Cela me mène à regretter de ne pas l’avoir choisi lui quand j’en ai eu l’occasion et où la détermination que j’avais vu briller dans le regard de Maître Anders m’avait paru plus sûre. Je ne m’étais jamais autant trompée et en même temps eu raison de cette lueur que j’avais entrevue chez lui.
Elle l’avait mené à faire décoller sa carrière, mais j’avais eu tellement tort d’avoir pensé faire une équipe du tonnerre avec lui. Je ne suis qu’un insecte sur son passage qu’il prend plaisir à piétiner autant de fois qu’il lui plaît et je ne peux rien faire d’autre qu’endurer. Voici le triste sort qu’il me réservait.
Résultat des courses, j’ai continuellement peur. Peur de commettre un seul oubli de mots, d’employer un mauvais terme tant je me mets le stress, de me tromper de dossier, de simplement bafouiller lorsqu’il me demande un renseignement, peur de me rendre au boulot, peur de lui tout simplement. Quelle fatalité...
Je me lève chaque matin avec la boule au ventre. Cette dernière semble ne jamais partir bien loin car je la sens constamment. Même quitter mon boulot le soir en rejoignant enfin mon appartement ne m’est plus réconfortant. Mon chez-moi ne m’apportant plus aucune consolation, ne me permettant plus de reprendre cette précieuse nouvelle respiration dont j’ai tant besoin. Tout comme me balader à l’extérieur. Je continue de suffoquer inlassablement.
J’ai l’impression d’étouffer perpétuellement. Tout comme je ne broie que du noir. Je n’ai plus aucune envie. Que ce soient des aliments pour mes repas ou lors d’une session shopping dans laquelle m’a tirée de force Salomé, je n’ai plus goût à rien, juste peur en nourrissant seulement cette dernière continuellement et l’angoisse.

Andy, je dis oui ! (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant