Andy, je dis oui ! (Terminé)

Chapitre 3 - Sur la route

Je ferme à clé mon appartement dans Brooklyn en ignorant quand j'y reviendrai et l'ouvrirai à nouveau. Chaussée des fameuses Rangers shoes, dont la publicité qui avait retenu mon attention chantait leur louange et que je me suis offerte pour mon échappée, je m'élance parmi les quelques habitants du coin en direction d'un dernier lieu avant de partir définitivement.

J'appréhende un peu, mais l'excitation prend davantage le pas sur mes émotions. J'agrippe mes mains sur chaque bretelle de mon sac de randonnée que je porte sur le dos et slalome avec aisance entre les nombreuses personnes que je croise. En humant le subtil parfum qu'offre un début de matinée après une nuit qui a laissé un peu de rosée sur chaque surface, je me sens reposée et prête à m'engager dans ce début d'expédition.

Le cimetière Green-Wood est à deux pâtés de maisons de chez moi, c'est pourquoi je m'y rends toujours à pied ce qui ne déroge pas à la règle aujourd'hui vu ce que j'entreprends de faire après cette petite visite. C'est le seul endroit hormis mon bureau chez Anders que j'ai fréquenté en dehors de mon appart ces dernières années. Tu parles d'une vie.

Depuis que maman m'a quittée, je ne saurais compter le nombre de fois où je m'y suis rendue en y passant des après-midis entiers. Dis comme ça, ça fait pauvre fille qui traine dans les cimetières, mais en y regardant de plus près c'est bel et bien ce que j'ai été et fais du peu de temps libre que je pouvais m'octroyer.

Tu m'étonnes qu'à de rares occasions, Salomé me tirait de force dans les boutiques. Ma situation était grave et elle le savait incontestablement.

Plus j'y pense, plus je suis heureuse d'avoir eu l'illumination de tout quitter et le courage de le faire réellement. Enfin, je ne suis toujours pas partie de New-York, mais j'ai tout bouclé derrière moi et suis équipée pour ne pas revenir en arrière, fin prête pour un nouveau bout de chemin qui, je l'espère, me sortira de cet état dépressif qui ne me quitte plus.

Désormais ma baraque se trouve dans mon dos, roulée avec tout le reste, dans mon sac, grâce à tous les conseils que m'a généreusement donnés Steeve, le gars du blog avec lequel je suis entrée en contact pour de plus amples renseignements. Génial ce type au passage.

Ça fait tout drôle de se dire que sa baraque ne tient que dans un sac à dos, mais j'ai suivi ses recommandations à la lettre et je m'en tiens donc qu'au strict minimum. Ça rend encore plus fou cette nouvelle expérience. Expérience tout court, d'ailleurs, ce n'est pas comme si j'en avais déjà fait.

Le Green-Wood Cemetery vaut le détour car il offre, en même temps que le calme, une vue exceptionnelle sur la ville. Au sud-Ouest de Prospect Park sur la 25th Street, il a été créé à une époque où Greenwood n'était encore que des collines à la campagne loin du cœur urbain de ce qu'était New-York à cette période. Ça a bien changé aujourd'hui.

Parvenue à destination, je m'engouffre dans l'entrée magnifique, où le majestueux portail est ouvert, et serpente dans l'allée centrale jusqu'à bifurquer plusieurs fois en rejoignant l'endroit où repose ma mère.

Devant la stèle où son identité et ses dates de naissance et de décès sont gravées, je m'accroupis devant elle en effleurant la pierre froide du bout des doigts.

─ Bonjour maman. J'espère que la vie parmi les anges est toujours aussi merveilleuse. Je n'en doute pas.

Je fais une pause et bascule en arrière en atterrissant en position assise. Je croise les jambes en tailleur et appuie mes coudes dessus en maintenant mon visage encadré de mes mains.

─ Je suis venue te dire au revoir avant de me lancer dans quelque chose de totalement nouveau. Si tu me voyais tu n'en croirais pas tes yeux. Ma vie est... pff ma vie, soufflé-je dépitée, mais tu le sais déjà si là où tu te trouves tu peux avoir une vision globale sur son ensemble. Et je suis d'accord c'est une globalité bien ternie qu'elle offre. C'est pourquoi, j'ai tout plaqué. Oui, je l'ai fait, enfin !