6. Un bond dans le temps

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Nous sommes en l'an 3014, soit mille ans après ce que j'ai sous les yeux. Il s'agit d'une reproduction exacte, au grain de poussière près, holographique d'un document  très ancien : un vieil arbre généalogique. Celui de ma famille. Je suis le dernier d'une belle tribu de sept enfants, pourtant je ne m'étais jamais senti aussi seul qu'en cet instant face à tous ces visages m'observant avec un regard terne. Le schéma était limpide, et d'une clarté infaillible. Je pouvais observer chaque embranchement sans me perdre, ni même confondre quique ce soit. Les archives étaient un endroit formidable, et son personnel ne comettait aucune erreur.

" Les androids X2000 ne font jamais d'erreurs "

Cette voix métallique m'agace. Et pourtant, il avait raison. L'être de fils et de métal s'éloigna pour passer à une autre tâche, ayant compris que je n'avais pas besoin de son aide. Il est vrai qu'à notre époque rudement avancée, en terme de techniques et de sciences, ces robots avaient la capacité non seulement de lire dans nos pensées pour assouvir nos moindres besoins mais aussi de réfléchir à l'aide d'une véritable conscience. Similaire à l'humain, plus on évoluait et plus nous distinguer d'eux s'avérait compliqués.

" Bon... Alors... "

Je me replonge dans la contemplation de cet arbre, persuadé que les mots viendraient d'eux-mêmes. Mon enseignant d'histoire - encore un de ces foutus droids à la noix - nous avait donné comme exercice de faire un exposé sur nos ancêtres. Les plus éloignés étaient les bienvenues. Je lance alors un regard  à ce visage hagard, pâle, émincié qui m'observait indifférement. Josh Fint est le père de notre lignée, je devais commencer par son histoire.

Né le 03 juillet 2014, Josh Fint suit un cursus psychologie sûrement dans le but d'occuper un poste dans ce domaine. Un domaine visant à expliquer tout type de comportements humains, lui apportant des causes pour en définir des conséquences.

C'est un début. Je me demande comment ils faisaient à l'époque, ce devait être si éprouvant d'étudier toute une partie de sa vie pour au final ne pas être sûr de travailler dans la branche désirée. Aujourd'hui il suffisait d'acheter la carte mémoire adéquate, l'insérait dans notre processeur est le tour est joué ! Rien de plus facile. Je reprends ma rédaction, faite grâce aux mouvements de mes iris en direction de ma tablette flottante suspendu juste à côté de mon visage. Il faut de la concentration pour rester parfaitement connecté énergiquement.

 Il se fait enlevé au cours de sa dernière année, et se retrouve dans la Nouvelle Cité. Il fait partit des élus, des choisis. Certains diront que c'est grâce à sa mentalité atypique, d'autres à un simple hasard. Moi je préfère croire que déjà la noblesse de famille se dégageait de ce personnage qui a marqué les esprits aux cours des années suivantes.

Je préfère m'arrêter là pour aujourd'hui, j'ai une folle envie d'aller lire sur un arbre. Dehors, les deux soleils rouge et orange diffusent une chaleur bienveillante sur notre paysage. Je ferme le document, l'hologramme disparait aussitôt, et je quitte ma sphère. Je pousse un regard au dehors avant de m'engager. Chaque étudiant possède sa propre sphère pour travailler sans être dérangé par les bruits ou manifestations extérieurs, toutes alignées les unes aux autres jes les longe pour rejoindre un deuxième couloir. Dans ce hall tout est épuré, propre et rien n'est là par hasard.

Chaque élément est calculé, l'utilité est le mot d'ordre de notre gouvernement actuel. Ce qui n'est pas plus mal, bye bye la futilité. Désormais la mode n'a plus de souffle, car la " tendance " est de porter ces combinaisons pratiques : les réchauffantes, les rafraîchissantes et mêmes nourrissantes pour les dernières sorties. La nourriture s'avale par intraveineuse, nous ne ressemblons plus à des animaux, finit la mastication bruyante et peu grâcieuse. D'ailleurs il existe encore quelques réserves, où l'on refuse la moindre modification sur l'animal. Pure bêtise, car depuis qu'on incorpore des améliorations techniques à ces êtres vivants, ils sont bien mieux. Les oiseaux ne chantent que les morceaux de nos choix, les poissons se multiplient rapidement en période de pêche et les chats ne viennent plus réclamer quoique ce soit.

" Au revoir Stanley Fint "

Je fais un signe de tête au droid qui vient de me saluer - sinon ils sont capables de se contrarier ! - puis me dirige vers le trottoir en ralentissant prudemment le pas. Sous mes pieds, l'énergie circulant en sous sol me fait léviter de quelques centimètres. Ce qui est suffisant pour que je puisse enfin me mettre en route, et voleter dans la direction de mon logement. Il s'agissait d'un immeuble identique à tout ceux de la rue, cependant le simple panneau DB247 le différenciait. Une fois devant on me scanna, m'identifia et j'entre sans encombres. Tout est mille fois sécurisé, de la haute sûreté.

De nouveau un décor aseptisé, un mélange harmonieux de gris, de blanc et de petites touches de noir. Je me dirige vers le centre de mon hall d'entrée, et m'arrête un instant. Un immense et démesurément grand arbre de cristal se trouve au coeur de la vaste pièce vide. Aucun mobilier n'envahit l'espace/ C'est démodé d'accumuler les meubles de toutes sortes. De nos jours, tout le monde possède des sols à énergie, des arbres à lectures, des matelas intelligents et des cuisines android. Rien d'inutile, rien de décoratif. Le Grand philosophe - premier conseiller de notre gouvernement - nous affirme chaque jour via les brèves informatives cérébrales que " L'inutilité ruine l'intelectuel ". C'est la phrase d'ordre, que chacun adore et suit avec précision sans une seule once d'hésitation. Il n'y a rien de plus important que notre élévation spirituelle.

" Bonjour Arbre-Tyh "

C'est ainsi que je le nomme, mon arbre lecteur. A ma voix, une branche se détache du tronc et se baisse jusqu'à ma hauteur. D'un bond expert et assuré j'y grimpe, je me positionne correctement puis tape trois fois sur ma souche flottante. En l'espace de quelques secondes elle s'élargit et épouse parfaitement la forme de mon corps, je m'allonge avec un soupir de béatitude. Cette technologie de  pointe est une vraie merveille. Je n'eus pas le temps de formuler à haute voix ma pensée, que l'hologramme de mon livre favoris se matérialise devant mes yeux. Un frisson agréable me parcoure de parts et d'autres : le bonheur.

Le jour où le vent a disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant