11. Qu'on lui coupe la tête !

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Le soir même, je suis dans mon lit. Je viens d'accepter la proposition du diable, au nom d'une organisation rebelle qui doit venir me libérer, ainsi que tous les autres. Stacy est également près de moi, je me tourne vers elle et pose ma main sur son épaule. Elle sursaute et me fusille du regard :

" N'espère même pas mon pti gars ! Aucun contact on a dit !

- Non mais je voulais simplement discuter.. T'es tu imagineé libre ?

- Libre ? Je le suis déjà

- Non mais je veux dire. Retrouver tes parents, tes amis, ta vie d'avant quoi.

- Ma vie ici serait parfaite si tu arrêtai de m'importuner avec tes questions débiles.

- Mais je...

- Laisse moi tranquille ! "

La peur perce sous sa voix devenue hystérique dans cette dernière phrase. Pour lier le geste à la parole, elle se retourne vivement. La discussion est close. J'ais pris le risque d'évoquer cette probabilité, mais moi je dispose maintenant d'une totale liberté concernant mes faits et gestes. Stacy ne doit pas pouvoir formuler ce que son esprit avait envie de crier, ou alors elle se fait sincèrement à cette nouvelle existence. L'un et l'autre sont tristes.

Depuis trois mois maintenant j'ai un emploi du temps spécial. Les autres habitants sentent et constatent que je ne suis plus le même, que j'étais passé de l'autre côté du camp. Mais non seulement ils ne peuvent se douter du choix qui n'en était pas un, mais que c'est plutôt une nouvelle prison plutôt qu'un regain de libération. Et dire que chaque soir - sans qu'ils ne le sachent - je fais un rapport à mes supérieurs sur leurs activités et nos maigres conversations.

Au lieu d'aller faire du sport avec tous les autres jeunes, je dois maintenant m'exercer dans une salle réservée aux blouses blanches. Je ne suis pas à l'aise d'être au plus près de toutes ces personnes qui ne cessent de m'épier sans aucune forme de discrétion. Je suis également obligé de manger dans le même réfectoire qu'eux. Eux qui continuent de m'observer comme si j'étais la curiosité du village. L'après midi par contre je peux retourner à ma bibliothèque, quel soulagement. Retrouver ce cadre familier, tourner la clef dans cette porte, et être derrière le comptoir : un vrai réconfort. Néanmoins je me sens de plus en plus seul, les lecteurs d'habitude aiment venir me demander conseils ou parler de leurs lectures : c'est une manière de rompre la monotonie de chaque journée. Toutefois, ils ont changés vis à vis de moi. L'après midi fut longue et insupportable à souhait : personne ne vient me poser la moindre question ni me parler d'une trouvaille incroyable.

Le soir, après avoir terminé de manger je reçois un message dans mon oreillette. Car oui désormais je suis comme la blonde de l'immeuble de l'autre fois - qui s'apelle l'Arche d'ailleurs je le sais maintenant. A travers cette oreillette que je ne dois quitter sous aucun prétexte - même sous la douche ou la nuit ! - j'entends la voix de Lord Adam grésiller. " Direction l'immeuble A487 maintenant, pas de temps libre pour vous nouvel agent Fint. " Je réprime un soupir, quoique j'en suis capable et me dirige vers le lieu du rendez-vous donné. La journée se termine lentement, le soleil commence à décliner. Je pénètre dans un vaste bâtiment blanc - pour changer - et me dirige vers l'ascenseur. Selon la voix qui me guide à l'oreille je suis sensé rejoindre le sous-sol numéro 3 et ne pas poser de questions une fois arrivé. L'appréhension affole mon coeur, mais je tente de garder une expression de neutralité sur mon visage. Je refuse de leur faire plaisir en révélant mes inquiétudes.

Lorsque les portes s'ouvrent je dois me contenir pour effectivement ne poser aucune interrogation. Il fait très sombre, plusieurs hommes en costumes se trouvent en cercle et Lord Adam préside cette étrange Assemblée. Ils ont tous un tatouage au niveau de la nuque, deux lunes qui s'entrecroisent à priori et sont à genoux en psalmodiant des propos en latin. J'ai la même marque sur la nuque, et je me suis toujours demandé à quoi cela correspond. C'est flippant. Je fais trois pas en avant et le Lord m'aperçoit enfin. Dans cette semblant d'obscurité ce n'est pas évident de savoir où mettre les pieds, il n'y a que cinq grands bougeoirs qui illuminent modestement cette pièce souterraine.

" Ah ! Agent Fint ! Il est temps ! Approchez "

Silencieusement je m'éxecute. Qu'était-ce donc toute cette cérémonie ? Dans quel but ? On me laisse une ouverture et me voilà au milieu du cercle. Lord Adam poursuit sur un ton solennel.

" Tu nous a bien servis, tes rapports nous ont aidés. Mais c'est terminé, tu as rempli ton rôle. Agenouille toi, qu'on te libère de ce fardeau. "

Je ne peux pas le croire ! Vais-je redevenir un " citoyen normal " de cette cité maudite ? Je ne me ferais jamais accepté des autres, même en leur affirmant que je suis des leurs intégralement et non plus à la solde des blouses blanches. Ça me semble trop beau pour être vrai comme disait l'adage. Je me met sur les genoux et on me force à observer le plafond. Un des gorilles de la bande me tient fermement, et Lord Adam parle alors d'une voix strict. " Laisse toi faire ! Nous procédons à ta libération Agent Fint "

Je me détends du mieux que possible. Les voix autour de moi enflent de volume, ça finit par totalement m'envahir de tout part. J'ai peur mais en même temps je suis content d'être libérée de cette fonction d'agent, car ça ne me ressemblait pas. Au plafond, seule surface que je peux voir, il y a une représentation d'un ciel étoilé. C'est magnifique et pas si mal à observer. On m'oblige à retirer mon tee-shirt, et je sens le froid recouvrir ma peau. Je claque des dents mais attends patiemment la fin de toute cette cérémonie stupide.

" Libérons le mes frères ! Libérons le au nom de la Cité de l'Arche !

- Joooossh ! "

J'entends la voix de mon amie Pauline ! Je n'en reviens pas ! Je tente de me débattre, je perçois du remue ménage mais on me maintient solidement. Une larme de joie coule sur mon visage et soudain une douleur. Puis rien.

Pauline venait juste de sortir de l'ascenseur et sentit un frisson glacé l'envahir. Celui qui devait être à la tête de cette mascarade lève une  faux et l'abat furieusement sur ce cou tendu. La tête de Josh roule sur le côté tandis que des jets de sangs dégoulinent un peu partout dans des gargouillis atroces. La jeune femme pousse un hurlement avant de tomber sur le sol, inanimée mais secouée par moment de convulsions. On venait de lui offrir gracieusement un coup de taseur.

Le jour où le vent a disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant