5. Une Victime de plus..

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" Merci docteur... "

Cette phrase résonnait encore dans la chambre aseptisée tandis que le médecin trottinait déjà dans la chambre suivante, bloc note en main et combinaison intégrale. La femme qui avait prononcé ces mots sentait son menton trembler, mais ravala ses larmes lorsque les paupières de la malade occupant le lit s'ouvrirent.

" Mam..

- Chut chérie garde tes forces "

La jeune fille geignit mais obéit. Sa mère s'approcha, le plastique de sa propre enveloppe hermétique couinait sur le carrelage propre. Pas un grain de poussière ne traînait dans l'air, un ronronnement de ventilateur se faisait entendre en guise de bruit de fond, et aucune décoration n'était présente dans la pièce. Pas même des fleurs pour égayer l'endroit. C'était formellement interdit.

" Pauline chérie.. Bats toi de toutes tes forces je t'en conjure "

C'est avec un sanglot que la mère prit finalement la main de sa fille entre les siennes. Mais elle ne pouvait ni sentir le contact de sa peau ni sa chaleur corporelle. C'était froid, peu réconfortant. Il s'agissait pourtant du seul échange possible et autorisé en ces temps risqués. La société était en état de crise : un virus mortel et surtout contagieux était apparu depuis bientôt deux semaines. On ne pouvait déjà plus compter précisément le nombre de morts.. Même le gouvernement n'en connaissait pas encore la source !

Il était quatre heures du matin mais l'hôpital et son personnel étaient débordés. Tous avaient revêtu la tenue indiquée dans ce genre de situation, et se pressait d'un côté et d'un autre. Pas une seule minute de répit. Les malades affluaient tour à tour, ils étaient aussitôt pris en charge et les membres du restant de la famille mis en quarantaine. Les médecins, infirmiers et autres aides soignants s'activaient dans tous les sens pour ne surtout pas enrayer cette mécanique bien huilée. Chaque geste comptait, chaque pronostic était vital.

La mère de Pauline savait qu'elle n'était pas atteinte de ce qu'ils appelaient le virus J-7. Un nom qui indiquait le nombre de jours restants... Un décompte terrifiant. Pauline était malade depuis trois jours et les premiers symptômes étaient déjà bel et bien présents. Son teint cireux, les yeux injectés de sang et surtout cette étrange marque noir sur le cou. Tous ceux qui étaient atteint de cette étrange maladie la possédait. Certains disaient que ça ressemblait à deux lunes se croisant, d'autres à un X majuscule. Les imaginations allaient bon train car les professionnels de santé affirmaient que ce symbole n'était ni plus ni moins qu'une trace épiderme du virus. Le processus était indéniablement en marche..

" Maman...

- Tais toi je t'en prie. Bats toi.. Bats toi... "

Elle ne pu se contenir plus longtemps. Son chagrin éclata brusquement, sous son masque elle sentait la tiédeur de son souffle rauque qui désormais était irrégulier. Les larmes coulaient et se joignaient rapidement au plastique, lentement.

Quant à Pauline, son corps était certes abîmé mais son esprit restait en parfait éveil pour le moment. D'après le médecin il lui restait un jour de lucidité et voilà que sa mère l'empêchait de parler ! C'est non sans grommeler dans ses dents que l'étudiante gardait le silence malgré tout. Ses pensées pouvaient heureusement voyager librement. En cet instant elle songeait à son ami, Josh. Il y a deux semaines il avait subitement disparu, sans donner d'explications.

Pauline s'en souvenait très bien car après son week end à la campagne ils avaient prévu de se voir. Mais lors de son retour il était aux abonnés absents. Pas un SMS, pas un appel ni même un petit mot dans son appart ! Et pourtant elle l'avait retourné car oui poussée par son inquiétude la jeune femme avait osé entré par effraction chez lui. Effraction était un grand mot en réalité puisque la porte s'avérait être non verrouillée lors de son arrivée. Une fois à l'intérieur elle avait râlé face à un bordel pareil, mais bien vite quelque chose clochait. Rien ne semblait avoir bougé depuis sa visite il y à deux jours. La boîte à pizza traînait toujours et des lumières n'étaient pas éteintes. Son téléphone, son ordinateur ainsi que sa tablette étaient introuvables.

" Mam.. "

Pauline émit un geignement, sa mère savait quoi faire. A travers ses larmes elle tourna une petite molette, et aussitôt l'anti douleur fit son chemin jusque le sang de sa fille. Celle ci poussa un râle de soulagement, tout en lui envoyant un regard de remerciement.

La malade retourna dans ses pensées, se sentant bien plus légère qu'auparavant. Une impression de flotter dans une douce  quiétude. Lorsqu'elle avait réalisé que son ami avait totalement disparu, elle s'était dirigé vers le commissariat le plus proche pour le signaler. Mais au lieu de l'écouter on l'envoya à l'hôpital expressément. Un médecin l'emmena dans son bureau, lui offrit un verre d'eau et la prit au sérieux. Il l'écouta pendant presque une heure puis la remercia de sa sollicitude avant de la renvoyer. Quatre jours plus tard une liste de personnes mortes à cause du nouveau virus apparut dans les couloirs de la faculté, Josh Fint figurait parmi les premiers. Une semaine plus tard elle fut convoquée pour une visite de contrôle et maintenant ça faisait trois jours que cette chambre était la sienne.

Pauline s'endormit. Sa mère prit soin de s'assurer de la régularité de sa respiration avant de s'asseoir sur un siège à côté. Elle attrapa une brochure et se plongea dans ces quelques pages d'informations.

Le virus J-7 se déroule en plusieurs étapes. La première consiste en l'apparition d'un teint pâle maladif, suivit d'afflux sanguins autour des yeux et de la fameuse tâche noir au cou. La deuxième se décompose par un dérèglement respiratoire et d'une montée de fièvre soudaine. Le sujet délire et n'est plus en mesure de reconnaître quoique ce soit ni quique ce soit. Lors de la troisième et dernière étape,  la langue se retourne dans la bouche, et le malade est prit de toux. Une toux de plus en plus violente, à cet instant veuillez alerter le médecin.

La mère de Pauline sentit un frisson glacial lui parcourir l'échine. Cette brochure devait les aider à se sentir prêts, mais le savoir et le vivre était deux choses différentes. On les distribuait un peu partout, pour tenir la population au courant. Mais c'était bien plus effrayant que rassurant finalement.

La jeune malade se réveilla tout à coup, à bout de souffle. Pauline avait du mal à respirer et se sentait perdue. Elle n'était plus dans sa chambre mais allongée dans une forêt. Des liannes solides l'empêchaient de faire le moindre mouvement, et un bourdonnement d'essaim d'abeilles résonnait désagréablement à ses oreilles. Il faisait horriblement chaud, ses vêtements lui collaient à la peau. Qu'est ce que c'était inconfortable ! Soudain un espèce de cobra se pencha au dessus de sa tête. Son sang ne fait qu'un tour et sa bouche s'ouvrit pour hurler.. Aucun son n'en sortit. Sa langue refusait de bouger, et restait aglutiner contre son palais. Tout son corps tremblait, le cobra la fixait intensément.

La mère de Pauline pleurait de plus belle et tentait de rassurer sa fille, celle ci revulsait et s'étouffait à moitié avec sa salive. Tout se déroulait comme dans la brochure. Quatre jours..

Pauline n'arrivait ni à s'enfuir ni à crier. La peur lui nouait l'estomac et son pouls s'accélèrent. Le cobra se tenait toujours si près, sifflant avec férocité. Son coeur pulsait à une vitesse folle, presque inhumaine. Sa respiration s'affolait.

Le médecin arriva après qu'une infirmière eut été témoin de la scène. Il écarta la mère, la laissa dans les bras de sa collègue et tira les rideaux autour du lit. L'homme restait avec la malade, quant à sa collègue elle tentait de consoler l'inconsolable. Dans ce genre de situation les mots étaient presque vains...

Le jour où le vent a disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant