Le calme avant la tempête

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Cela faisait presque une heure qu'Eva était assise face à Marie, écoutant vaguement les propos enjoués de cette-dernière, alors que l'interrogatoire qui s'était déroulé plus tôt dans l'après-midi occupait toutes ses pensées. Elle ressentait un profond malaise à l'idée que Livaï creuse la piste des enlèvements d'enfants, piste qu'elle lui avait pourtant fournie de son plein gré. Si elle désirait plus que tout que l'enquête avance, elle redoutait que le lieutenant découvre ce passé qu'elle s'était évertuée à camoufler depuis si longtemps. Soudain, le contact d'une main sur la sienne la fit sursauter brusquement, et elle se recula de la table en bois de chêne pour se coller au dossier de la banquette cramoisie sur laquelle elle était assise. Eva leva les yeux vers sa collègue, et découvrit le regard interloqué de Marie. Celle-ci bredouilla :

-Heu... Désolée ?

Eva se mordit la lèvre, gênée, avant de se justifier,

-Non, non... Je... Euh, excuse-moi, Marie, j'étais ailleurs.

-J'avais remarqué, appuya-t-elle d'un ton désapprobateur.

Elle fixa Eva d'un air inquiet et poursuivit,

-Qu'est-ce qu'il t'arrive, Eva ? On est ensemble depuis...

Elle consulta sa montre d'un rapide coup d'œil et reprit,

-Depuis trois quarts d'heure et tu ne m'as presque rien dit. Tu n'as même pas touché à ton café et... Et tu m'as l'air malade. Dis-moi, tout va bien ?

L'expression pleine de sollicitude de Marie toucha Eva. A cet instant précis, elle brûlait de lui délivrer ce qu'elle avait sur le cœur, ce qu'elle cachait depuis trop longtemps. Mais alors que les mots allaient franchir ses lèvres, la douleur des souvenirs qu'elle s'apprêtait à évoquer s'imposa à elle, brûlante et lancinante, et ses paroles, avortées, s'échouèrent sur ses lèvres comme les vagues meurent sur le rivage. Eva décida de se taire, comme elle le faisait depuis si longtemps. Quelques minutes ou quelques années, qu'est-ce que cela pouvait changer ? Finalement, elle esquiva,

-Tout va bien.

Eva eut même le courage d'ajouter un sourire à ce mensonge, sourire de façade, car ne servant qu'à voiler combien elle était détruite, à masquer combien elle s'effaçait, un peu plus chaque jour, à couvrir les hurlements de la tempête qui faisait rage au fond d'elle, écrasant tout sur son passage. Marie hésitait. Fallait-il insister ? Sa collègue détourna le regard et contempla la pluie qui dehors, s'écrasait en un ballet de gouttelettes sur la vitre du café. Elle soupira. Le silence plana quelques minutes, puis Marie reprit d'une voix douce,

-Tu veux rentrer chez toi ?

Eva se tourna vers elle, surprise, avant d'ajouter, le visage tendu par la culpabilité,

-Je... ça ne te dérange pas ?

Marie secoua la tête en souriant.

-Je comprends, tu sais. Je ne sais pas ce par quoi tu es passée, mais je peux te dire que tu es extrêmement forte.

Eva eut un rire amer,

-Non, je ne suis pas forte...

Son amie l'interrompit,

-Si, la preuve, tu as survécu.

La jeune femme ne sut quoi répondre et se contenta de sourire, réellement émue par les paroles de Marie. Les deux femmes se levèrent ensuite, se saluèrent et partirent chacune de leur côté. A l'abri dans sa voiture, Eva contempla longuement la silhouette sautillante de Marie s'éloigner sous l'averse, jusqu'à ce qu'elle s'efface à sa vue, masquée par le rideau de pluie qui recouvrait, maussade, les couleurs de la ville.

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⏰ Dernière mise à jour : May 23, 2021 ⏰

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Livaï x Reader: La Fureur Du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant