SOLITUDE ( recueil )

DEMENTIA

Dementia :

(quelques allusions aux meurtres) 

*Hel déesse de la mort dans le mythologie nordique *

L'eau gelée coule sur mes mains, essayant de retirer le sang qui n'existe que dans ma tête. Je deviens folle. Je frotte mes mains l'une contre l'autre mais le sang reste le même, imprimé dans ma tête, indélébile. Cette odeur. Cette texture. Tout est si net. Un rire sans joie, un rire amer, un rire dément franchi la barrière de mes lèvres.

Je revois ces chemins tortueux lors de ma course. Je revois cette ville que je tentais de fuir. Je ressent cette odeur d'essence.

Je tombe par terre, mes jambes se dérobant sous mon poids, le lavabo et l'eau qui coule en face de moi. Je regarde le reflet que je renvoie dans le miroir fixé au-dessus du lave-mains : une jeune fille pâle, le visage décharné, et une lueur démente dans les yeux. Une personne rongée de l'intérieur, une coquille vide sans but ni aspiration.

Hel. Un surnom qui me va si bien, un surnom qui ne laisse pas place à la discussion. Les faits sont là. Je suis Hel. La vie peut parfois nous jouer des tours pourtant je ne pensais pas que j'en arriverais là.

J'entends encore leurs cris. Ces longs cris desquels je me suis délecté. Je suis folle, démente. Je hurle. Mon hurlement n'es ni frayeur, ni remords, mon hurlement est vide. Vide de vie.

Je revois leurs pâle visage, un visage auquel je ressemble aujourd'hui. Je revois le sourire digne d'un film d'horreur des plus atroce que j'arborais au moment de passer le fer rouge sur leur visage. Cette lueur d'accomplissement dans mes pupilles.

Aujourd'hui tout accomplissement a disparu laissant place à des côtes saillante et des yeux incapables de pleurer ce massacre. Le ciel est bleu mais pour moi il est rouge, le sol l'est aussi, un rouge ardent, un rouge sanguin, ce même rouge qui me consume un peu plus au fur et à mesure que le temps passe. Mon cœur est celui qui est parti le premier. A vrai dire je pense qu'il est parti à ce moment-là, le moment où j'ai enfin décidé de mettre fin aux souffrances de mes victimes et le moment où moi, tortionnaire, j'ai enfin planté ce couteau dans leur cœur, cette action qu'ils attendent depuis le début.

En y repensant j'en suis arrivée là, pour un acte puéril. Une haine. Une vengeance dévorante. C'est ridicule maintenant.

J'agrippe le lavabo avec le peu de force qu'il me reste, et me remet debout tant bien que mal. Je réitère mon action, et repasse mes mains sous ce jet glacé. Une boucle qui se ferme ? Ou bien qui s'ouvre pour de nouvelle souffrance ? Je continue de fixer mes mains. Est-ce bien mes mains ? C'est mains blanches, usée et fripées, fripées de tant de lavage main. Peut-être est-ce encore mon imagination qui me joue un tour ? Mes mains sont-elles ensanglantées ou bien usées ? Je ne sais pas. Ou du moins je ne le sais plus. Ma mémoire s'embrouille, se perd. Les souvenirs s'effacent. Plongent au tréfonds de mon esprit, traversant des abîmes de noirceur. La lumière disparaît. On m'enterre vivante. Je ne peux plus respirer.

Revenant à la réalité je me rend compte que mes mains ne tiennent plus le rebord de ce lavabo mais encerclent mon cou, l'étranglant de toutes leurs forces. Je n'arrive plus à respirer. Ma trachée est bloquée. Mes mains continuent de serrer mon cou, broyant peu à peu les nerfs au creux de ma nuque. Mes mains ne me répondent plus. Je replonge.

Tout est noir. Un flash. Des mains ensanglantées. Un rire. Ce fameux rire. Leurs corps. Le corps de mes violeurs. Est-ce durant ce viol que tout a dérapé ? Ces hommes s'y étaient mis à deux. Je n'avais jamais autant souffert de ma vie. Jamais. Même lorsque ma mère, célibataire, sortait la ceinture. Même lorsque que je me suis rendu compte que mon ex me trompait avec ma meilleure amie, et que mon cœur avait se déchirement, l'horreur de cette scène. Jamais je n'avais ressenti de pire douleur que ce viol.