Le doux murmure de son prénom s'échappe de mes lèvres. Yhan pivote très légèrement la tête sur le côté, comme s'il l'avait entendu. Je suis pourtant trop loin pour que ce soit le cas et il ne se tourne pas complètement.
Mon cœur bat la chamade. J'ai attendu ce moment pendant trois ans... et je ne m'y sens pas prêt. Je dois pourtant me lancer. Après une grande inspiration, je lève la main et toque sur la porte pour éviter de le surprendre. D'un mouvement tout de même trop lent à mon goût, son corps se retourne en totalité. J'ai enfin le bonheur d'épouser son visage du regard. Encadré par ses mèches brunes très claires aux reflets miel tombant librement sur ses épaules, il est couvert d'une barbe assez épaisse.
Cela me surprend encore. Yhan n'a jamais aimé avoir les cheveux longs, encore moins garder une pilosité faciale excessive. Et puis, de façon encore inexplicable à mon niveau, sa poitrine est plus large. Je devine aussi une musculature plus développée. Il a toujours été bien fait, mais de corpulence moyenne. Son apparence actuelle est donc déconcertante – je n'en reviens d'ailleurs pas qu'il se soit fait tatouer ! Pourtant, je reconnais les traits m'ayant conquis. Ses lèvres légèrement charnues, ce petit nez retroussé que j'adore, ses yeux étirés en amande et sa peau d'un mate subtil soulignant sa biracialité.
Retourné par l'émotion, je suis saisi aux tripes par les iris qui s'accrochent aux miens. Ils sont durs. Non... Sauvages, je dirais. Un peu comme ceux de nos patients à pattes lorsqu'ils arrivent à la clinique, stressés et paniqués. Ils se demandent sans doute à quelle sauce ils vont être mangés, jusqu'à ce qu'on les rassure. Alors que je suis incapable de trouver quoi dire en ce sens à mon Yhan, sa voix aux notes inhabituellement graves s'élève. Une incroyable vague de frissons se propage le long de mon échine.
— Je te connais.
Ses mots lents sont accompagnés de brefs mouvements. Il se désigne de la main droite, puis me pointe du doigt avant de remonter la remonter vers son front. J'incline légèrement la tête, étonné qu'il ait recommencé à utiliser la langue des signes. De plus, son affirmation est incertaine. Je distingue de tout petits plis au milieu de ses sourcils, signe qu'il les fronce imperceptiblement. Le Docteur Tilsley disait qu'il ne se rappelait pas de moi. Je suis confus. Mon empressement à répondre me dessert.
— Oui, mon... Je suis ton...
Interrompant ma phrase, je ferme les yeux en vue d'échapper aux siens. Puis, je souffle un bon coup pour me reprendre et enfin formuler une foutue phrase ayant du sens.
Son regard direct, brut et profond, est si différent de celui auquel je suis habitué qu'il ne m'aide pas à garder les idées claires.
— Nous sommes mariés, dis-je finalement d'une traite, tout en signant, moi aussi.
A-t-il perdu son appareil auditif ? Sa touffe de cheveux couvre ses oreilles, donc impossible pour l'instant de le savoir.
À quel point sa mémoire est-elle affectée ? Je l'ignore aussi. Nos regards se tiennent encore, il incline la tête sur le côté. Rien de méchant, mais peut-être n'a-t-il pas saisi le sens de mon annonce.
— Toi et moi. Mariés ensemble, tous les deux, souligné-je, maladroit.
Je suis peut-être un peu rouillé, je n'ai plus trop l'occasion de m'exprimer en LSQ¹. Son expression ne change pas d'un iota. Il finit par acquiescer avec nonchalance, certainement pour me laisser savoir que mes balbutiements idiots ont bien un sens. Puis, il se détourne et avance à nouveau lentement vers la fenêtre.
Un léger soupir de frustration quitte mes lèvres. Je crois avoir perdu son attention, jusqu'à ce que sa voix forte parvienne à mes oreilles.
— On m'a prévenu que tu viendrais, m'informe-t-il sans se retourner.
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Souvenirs Refoulés [MxM]
ParanormalLa nuit où son mari est enlevé par d'effroyables créatures, le bonheur de Raise vole en éclats. Depuis, il redoute le coup de fil fatidique. Celui annonçant qu'il n'y a plus de raison d'attendre. La lueur fébrile dans son cœur flamboie toutefois lor...