Chapitre 3.2 🌗 « Je suis désolé. »

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La scène d'il y a quelques jours se répète, je m'élance dehors à la recherche de la seule chose me raccrochant à la sanité. Cette fois, je passe la porte d'entrée et m'engage dans l'allée couverte de neige. De gros flocons virevoltent devant mon visage, ils s'incrustent à mes cheveux autant qu'à mes cils.

- Yhan ! Je t'en prie, réponds-moi. Rentre à la maison s'il te plaît, je t'en supplie !

Comme un fou, je cours sans savoir où donner de la tête. Sans savoir si mes suppliques sont utiles. Peut-être est-il déjà loin. Aurait-il tout bonnement décidé de me quitter ? Cette possibilité me ravage.

Mes traces de pas se croisent et se recroisent sur le sol neigeux. Ma voix craquelle. Les joues engourdies par mes larmes d'impuissance, j'écarte la couche de poudreuse qui me brouille la vue. Presque aussitôt, je distingue une forme jaillir du sous-bois.

- Ronin !

Il est suivi de près par son maître.

Tout comme moi, ce dernier n'est vêtu que d'un t-shirt et d'un pantalon de survêtement en coton. La seule différence est qu'il est décemment chaussé. Mon soulagement liquéfie mes muscles, je m'effondre au sol.

- Raise ! s'alarme mon mari en se précipitant dans ma direction.

Les remous que je viens de subir provoquent des tremblements incontrôlés. Yhan se penche vers moi, son collier danse devant mes yeux vitreux, ses cheveux humides caressent mon visage et m'imprègnent de la senteur boisée le représentant délicieusement. Je frissonne quand ses bras passent sous mes aisselles. Il me remet sur mes pieds comme si j'étais une brindille et glisse une main contre ma joue gelée. Son toucher me fait encore frémir.

Comme je peine un peu à rester debout, il finit par se servir de son corps pour garder le mien à la verticale. J'appuie la joue contre sa paume chaude par mécanisme.

Depuis le jour où je l'ai pris dans mes bras à l'hôpital, nous n'avons plus eu ce genre de contact. Nous ne nous touchons pas du tout, à vrai dire. Cette triste réalité suffit à raviver mes pleurs silencieux. Mais dans son étreinte, j'en oublie presque l'humidité, le froid de cette nuit neigeuse, mon désarroi... Sa chaleur me redonne contenance. Je voudrais tellement que mon amour pour lui suffise aussi à tout arranger.

- Que fais-tu dehors ?

Sa voix concernée me sort à moitié de ma transe. Se fiche-t-il de moi ?

Je suis pour autant trop épuisé pour être en colère. Lui fixe mes lèvres dans la pénombre, attendant vraisemblablement une réponse.

- J'ai cru... que... ça recommençait.

C'est tout ce que je parviens à baragouiner. J'entends Ronin japper au loin, Yhan le rappelle d'un sifflement.

- On rentre, mon grand.

Nul doute qu'il s'adresse au quadrupède. Il a bien compris que j'étais hors d'état de fonctionnement. Je suis néanmoins stupéfait lorsque je sens sa poigne se raffermir sur mon corps et mes pieds se décoller du sol. Mes bras s'enroulent autour de ses épaules, sans que je mon esprit malmené ne se pose d'autres questions, et j'enfouis le visage dans son cou. Yu-Han me porte sans difficultés, si ce ne sont les portes à ouvrir et refermer. Je perçois les foulées folles de Ronin sur le parquet, il virevolte autour de nous. Mon brun lui souhaite bonne nuit ; l'ordre utilisé pour l'envoyer au panier le soir. Vu ses ''tipitap'' au sol, j'imagine que la boule de poils obéit.

Au terme d'une courte marche, nous arrivons jusqu'à notre chambre. Je ne le remarque que lorsque mon homme me pose délicatement sur le lit. Ses yeux éclatants se posent sur moi et je frissonne à nouveau.

Souvenirs Refoulés [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant