VIII.

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Lors de mon retour à l'appartement, les bras chargés de mes commissions, je retrouve Kiara et Elio qui discutent avec bonhomie dans le salon.

À ma vue, les deux compères s'empressent de venir à ma rescousse en me délestant de mes achats pour les emmener dans la cuisine.

Mon amie finit par me suggérer, pendant qu'elle m'aide à ranger mes emplettes, que nous devrions choisir un jour commun dédié pour les courses. Nous partagerions ainsi le taxi qu'elle prend généralement pour l'occasion.

Je n'ai pas le temps de lui signifier que ce n'est pas nécessaire que le brun intervient. Il proclame à son tour qu'en tant que propriétaire d'un véhicule, il serait ravi d'être notre chauffeur pour la circonstance.

Je me demande face à cette initiative si la serviabilité du latino est habituelle ou s'il force le trait pour le bon déroulement de la colocation.

Mon amie, qui ne se pose pas autant de questions que moi, conclut l'accord pour nous deux, sans même me consulter.

Elle nous offre ensuite de nous préparer à manger.

Reconnaissant d'économiser un repas et littéralement affamé, je m'attelle à la tâche avec elle.

Elio quant à lui, supervise plus qu'il ne participe, en justifiant son non-investissement par le fait d'être un piètre cuisinier.

Nous finissons de mettre le couvert quand Millie fait son apparition dans l'appartement. Un sourire étire les lèvres de la jeune femme lorsque son ami d'enfance s'adresse à elle :

— Tu tombes bien, nous allions dîner.

Le latino qui tire ensuite une chaise d'en dessous de la table, ravit la blondinette qui avance pour s'installer sur le siège en question.

Elle s'interrompt stupéfaite lorsque le brun lance à mon intention, en prenant la place voisine de ladite chaise :

— Viens à côté de moi, p'tit gars.

Surpris de cet acte de galanterie qu'un homme réserve plutôt à une femme, je regarde Millie qui fronce les sourcils.

D'un geste, je lui fais signe de s'installer à l'emplacement qui m'était apparemment destiné et m'assieds ailleurs. Elio me voit faire, mais ne pipe pas mot.

Le repas, bien que simple, est savoureux.

Millie, qui reste silencieuse durant les quelques discussions qui s'engagent pendant le dîner, s'évertue à me jauger rudement. Mal à l'aise, je trépigne sur ma chaise en tentant de ne pas me laisser impressionner.

La blonde qui rompt finalement son mutisme au bout d'interminables minutes à me fixer, m'interroge :

— Tu as une copine Noa ?

Soulagé que ce soit une question futile comme celle-ci qui sorte de la bouche de ma colocataire, je souffle un simple :

— Non.

— Tu en as déjà eu une ? insiste-t-elle.

— Non, lancé-je honnêtement.

À ma grande surprise, la jeune femme accueille ma révélation d'un éclat de rire narquois.

Le regard inquisiteur qu'elle me lance désormais me montre bien qu'elle est soupçonneuse. Les mots qui suivent m'informent des raisons de sa défiance :

— Serait-il possible que tu sois homosexuel ?

— Ça suffit, l'interrompent sévèrement Kiara et Elio en chœur.

J'aimerais me reposer sur mes deux colocataires qui me donnent l'occasion de stopper la discussion que je trouve fort désagréable. Pour autant, j'ai conscience que si je ne lui réponds pas, j'attiserais plus encore la colère qu'emmagasine déjà Millie à mon égard. Je lance donc en prenant mon courage à deux mains :

— Que ce soit le cas ou pas, je ne vois pas en quoi cela est un problème.

— Tu dors avec un mec, s'emporte la blonde en faisant de grands gestes. Tu ne comprends vraiment pas en quoi cela est un souci ?

Je secoue la tête à la négative, ce qui amplifie la fureur de ma colocataire qui déclare avec répulsion :

— Qui sait les idées dégoûtantes que tu pourrais avoir quand tu regarderas Elio se déshabiller. Je ne veux pas que mon ami dorme avec quelqu'un qui fantasme sur lui.

Je souhaiterais lui hurler que je n'ai pas ce genre de pensées à l'égard du brun, mais je sais que face à la colère, les justifications sont souvent vaines. Je n'ai ni l'envie ni le courage de me défendre pour de telles accusations que je trouve totalement infondées, alors je déclare fébrilement pour fuir le conflit :

— Je n'ai plus faim, merci Kiara pour le repas.

Puis je me lève sous l'œil empli d'inquiétude de mon amie qui me souffle un :

— De rien, alors que je m'élance pour retrouver ma chambre.

Je suis rapidement rejoint par Elio, qui entre après avoir toqué légèrement.

Aussitôt celui-ci s'installe près de moi sur le lit et se met à tapoter sur son téléphone.

Je regarde distraitement vers lui et le vois me jeter quelques œillades furtives. Son comportement m'indique qu'il ne veut pas me contraindre à parlementer sur ce qu'il vient de se passer, mais qu'il me laisse une porte ouverte pour discuter avec lui si je le souhaite.

Désireux de ne pas m'appesantir sur le sujet, je lance tout de même pour me défendre :

— Même si j'étais homosexuel, je ne devrais pas avoir à vous le dire. La sexualité est du domaine privé.

— Je ne t'ai pas posé la question, moi. Tu n'as pas à répondre si tu n'en as pas envie. Je discuterai avec Millie, ne t'en fais pas pour ça. Ça va s'arranger, j'en suis sûr, réplique le brun avec beaucoup d'aplomb.

— Je ne comprends pas pourquoi toutes les femmes de ton entourage sont si préoccupées par le fait que je sois attiré par les hommes ou pas, dis-je d'un ton las.

Un rire grave résonne alors. Je dévisage le latino qui justifie son amusement en me lançant :

— Elles savent que personne ne peut résister à mon charme. Je suis tellement merveilleux et magnifique que je défie quiconque de ne pas tomber follement amoureux de moi.

Je vois très bien que le brun évite ma question en simulant un faux égocentrisme. Je roule des yeux, feignant à mon tour l'exaspération face à ses dires.

Cela amuse beaucoup mon voisin, qui, contre toute attente, déplace son bras derrière moi pour déposer sa main bronzée sur ma tête et la tapoter à plusieurs reprises. Il aplatit au passage mes boucles brunes indomptables, alors que j'ai un réel sursaut de surprise bien perceptible face à ce contact inopiné. Le brun, qui ne s'éloigne pas malgré ma réaction, m'oblige à me soumettre docilement à son rapprochement.

Je trouve cet acte envahissant, pourtant, paradoxalement, j'en apprécie et ressens toute la volonté que mon colocataire essaie de transmettre à travers lui, à savoir me rassurer.

Le Latino finit par m'abandonner pour vaquer à ses occupations, alors que je réalise que nous venons d'avoir une vraie conversation, lui et moi. Certes minimaliste, mais sincère, et qu'en plus, j'en suis l'instigateur. Cela peut paraître tout à fait ordinaire pour le commun des mortels, or pour moi, il s'agit là d'un grand pas en avant que je me serais cru incapable de franchir, hier encore.

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