XX.

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Je regarde le brun, désappointé par cette demande incongrue. Contraint de la décliner, je formule un rejet catégorique par un simple « non », sans ressentir le besoin de fournir une justification, tant il est évident que mon accord est inenvisageable.

— Pour quelle raison ? me demande tout de même le Latino qui ne semble pas saisir mon refus.

Exprimer ouvertement mes opinions n'est pas facile pour moi, mais malgré ma gêne, je fais un effort pour lui donner mes motivations, car je pense que c'est la moindre des choses.

— Je suis un peu mal à l'aise à l'idée de m'incruster comme ça, surtout chez des gens que je ne connais pas. Ce n'est pas contre toi, mais soyons honnêtes, on n'est même pas... vraiment amis. J'apprécie beaucoup que tu m'aies proposé, c'est super gentil de ta part, mais je ne me sens pas prêt à accepter, tu vois.

Mon discours est sincère et reflète la réalité, et je me félicite de les lui avoir confiées avec une aisance que je ne pensais pas avoir en moi.

Un soupçon de déception se lit sur le visage d'Elio à la suite de mes propos, mais il reprend rapidement la parole :

— Pour ma part, je te considère comme un ami, même si visiblement, ce n'est pas un ressenti partagé.

Une légère culpabilité s'immisce en moi de ne pas éprouver le même ressenti et de ne pas pouvoir qualifier notre lien comme lui. Actuellement, il m'est impossible de mettre des mots sur ce que je ressens pour Elio, car c'est une expérience différente de celle avec Kiara, qui est véritablement mon amie. Les deux relations sont incomparables sans que je puisse vraiment l'expliquer.

— Comment peux-tu affirmer que nous sommes amis alors que nous ne nous connaissons à peine ?

Le Latino ne parle pas tout de suite, il semble en quête d'une réponse. Il est manifeste qu'aucun élément ne lui vient à l'esprit pour étayer l'idée que nous sommes plus que des colocataires, mais pourtant il me répond :

— Je pourrais te partager une perspective psychologique qui suggère que les personnes ayant cultivé des modèles d'attachement sécurisants sont plus enclines à tisser des amitiés stables et durables avec des individus plus vulnérables. Certes, j'observe en moi un instinct de protection particulièrement actif en ta présence. Néanmoins, je crois que même si nos échanges ne vont pas jusqu'aux banalités amicales habituelles, cela ne signifie pas que tu n'as pas pris une place importante dans ma vie et que tu n'es pas mon ami.

La sincérité de sa réponse me touche profondément, tandis qu'il poursuit :

— Si tu ne le fais pas pour moi, pourrais-tu le faire pour ma mère ?

Perplexe, je demande :

— Que veux-tu dire par là ?

— Comme je te l'ai dit, ma mère est ravie à l'idée que je passe quelques jours chez elle, mais je refuse catégoriquement de te laisser seul ici. Cela signifie que je vais devoir annuler mon voyage. Mes parents seront extrêmement déçus d'apprendre que je ne viens pas. L'unique option pour moi de ne pas renoncer est que tu m'accompagnes.

Je réalise avec effroi que ses paroles tiennent la route et qu'une concession va devoir être faite d'une part ou de l'autre. Cependant, je suis horrifié à l'idée de devoir être l'instigateur de cette décision. Je comprends, en voyant un léger sourire se dessiner sur les lèvres du Latino, qu'il est entièrement satisfait de son argumentation et lucide d'avoir remporté la partie. Il est indéniable qu'il anticipe mon accord à sa requête, surtout à présent que la pleine mesure de l'enjeu m'est apparue.

Au sein de mon être profond, une parcelle de moi se résigne. Néanmoins, la simple idée de rencontrer une famille fonctionnelle m'effraie, car cela sera une douloureuse reconnaissance que la mienne ne l'est pas. Bien que j'en aie conscience, faire ce constat en personne demeure une épreuve difficile à affronter. Même si je décide de surmonter ma peur, des questions persistent : comment ces gens réagiront-ils en me voyant arriver blessé ? Craindront-ils que je ne sois pas fréquentable pour leur fils ? J'aspire à ce que leur première impression de moi ne soit pas entachée par des préjugés négatifs.

— Je ne peux pas... soufflé-je, prenant Elio au dépourvu, le laissant momentanément figé dans la surprise. Ils ne vont pas m'aimer, chuchoté-je dans un ultime élan de sincérité.

Un émoi saisissant se lit sur le visage du Latino, et dans un murmure immédiat, il me livre :

— Mes parents aiment ceux que j'aime, tu ne feras pas exception.

Je détourne le regard du brun qui vient de me confier des mots que je n'ai jamais entendus. Il ne le réalise pas, mais il vient de gonfler mon cœur d'un sentiment nouveau et incroyablement agréable. Alors, en guise de réponse à ce bien-être apporté, je lui murmure doucement :

— D'accord, je viens avec toi.

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