XIX.

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Mon regard déambule dans la pièce et s'immobilise soudain sur une valise qui trône fièrement près de la porte d'entrée de la chambre. Dans la mesure où notre cohabitation devait rester de l'ordre du provisoire, je lorgne le bagage en anticipant amèrement ce pour quoi l'objet en question ne siège pas à sa place habituelle, mais à cet endroit.

Alors qu'au fond de moi, la perspective de voir Elio déménager me peine de manière inexplicable, je demande, prétendument calme :

— Tu vas quelque part ?

— Mmm, je vais chez mes parents. J'y ai bien réfléchi et je pense qu'après tout, c'est une bonne idée de leur rendre visite.

Soulagé d'entendre cette réponse qui me satisfait plus qu'un potentiel départ définitif, je suis tout de même un peu surpris de cette décision qui a l'air contraire à celle prise il y a quelques jours.

— D'ailleurs, ma mère m'a expressément ordonné de te remercier de sa part, continue le brun qui par cette phrase me plonge en pleine incompréhension.

— Pourquoi ? demandé-je, piqué par la curiosité.

— J'y ai beaucoup pensé depuis le week-end dernier, quand tu m'as confié ce qui est arrivé à ta maman.

Je me crispe à l'évocation de l'aveu de ce décès que j'aurais passé sous silence si je n'avais pas été dans un état second à ce moment-là.

— Je me suis dit que de rester quelques jours en famille n'était en fait pas une corvée. Quand j'ai appelé ma mère pour lui annoncer que je venais pendant les vacances, elle était aux anges. J'imaginais qu'elle se moquait pas mal que je ne revienne pas pendant ce break, mais j'avais tort apparemment. Je lui ai glissé au cours de notre conversation que sans l'intervention de quelqu'un que j'apprécie beaucoup, je ne serais pas rentré. Tu as conquis son cœur au moment même où elle a su que tu as joué un rôle dans mon retour chez eux, m'explique Elio.

Je pourrais trouver fort méritoire d'avoir une légère influence sur le brun ou me sentir heureux pour cette dame que je ne connais pas ; or l'unique chose que je retiens de cet échange, c'est qu'Elio me considère comme quelqu'un qu'il affectionne. Le terme employé pour me qualifier me rend plutôt perplexe. Que peut-il bien y avoir d'appréciable chez moi, que seul mon colocataire a pu déceler ? Je ne lui apporte rien depuis notre rencontre, hormis des tracas.

Pourtant, même si ses dires me paraissent invraisemblables, ils provoquent chez moi une euphorie intérieure. Si j'avais su comment l'exprimer, ou si j'avais été à l'aise avec les mots, je confierais à Elio la réciprocité de ce ressenti, mais comme j'en suis incapable, je me contente de hocher la tête.

La conversation qui avait pris un ton léger redevient soudain sérieuse quand le brun me lance :

— Enfin, je devrais utiliser le conditionnel pour parler de mes projets, car ils viennent de changer. Je ne pars plus.

Surpris de ce brusque revirement de situation, je jette un coup d'œil incrédule vers le Latino.

— Mais pourquoi ? À l'instant, tu as dit que ta maman était ravie que tu passes la voir ?

Le brun semble choqué que je ne comprenne pas la raison pour laquelle il a décidé de modifier ses plans.

— Il est hors de question que j'aille où que ce soit en te sachant potentiellement en danger de mort.

— De mort, ricanai-je faussement. Tu y vas un peu fort. Je ne suis pas en danger de mort non plus. C'est juste...

— C'est juste quoi, Noa ? Je n'exagère pas la réalité. La personne qui s'en prend à toi est capable de tout. Ton dos en est la preuve... Je ne sais même pas comment j'ai pu m'imaginer une seconde m'en aller en te laissant seul ici. S'il t'arrive quelque chose pendant mon absence, je...

— Qu'est-ce que tu racontes ? N'importe quoi. Tu viens de me dire que ta mère était ravie de te voir. Tu ne vas pas lui faire de la peine pour rester avec moi sous prétexte que tu t'inquiètes. Et puis quoi ? Tu as l'intention de jouer les gardes du corps en me suivant partout où je vais ? Tu comptes m'accompagner au boulot ? Sois réaliste, Elio, tu ne peux pas faire ça ! m'enflammé-je.

— Parce que tu penses à aller bosser dans cet état. Je ne suis pas certain que ton patron apprécie que son employé soit défiguré de la sorte. Pour servir les clients, c'est loin d'être idéal.

Pour le coup, il n'a sans doute pas tort, le responsable de la supérette me renverra chez moi dès demain si j'arrive avec la moindre blessure visible aux yeux de tous au travail.

— Je me ferais porter pâle dans ce cas. Comme ça, le problème est résolu, je ne sortirai pas d'ici pendant quelques jours, tu peux donc t'en aller l'esprit tranquille, tenté-je.

Sur le visage sérieux du brun n'exprimant plus aucune émotion positive depuis l'évocation de son inquiétude de me laisser seul pendant son absence, se dessine soudain un sourire enjôleur, tandis qu'il me souffle alors innocemment :

— Si tu n'as plus aucun projet, tu pars avec moi.

— Si tu n'as plus aucun projet, tu pars avec moi

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