XVIII.

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Elio, dont les yeux restent ancrés de longues secondes dans les miens, semble vouloir sonder mon esprit. Bien que j'aimerais qu'il lise en eux toute la sollicitude que j'éprouve à son égard à cet instant, je suis bien incapable d'arrimer mon regard au sien aussi facilement qu'il le fait. Mes pupilles claires et fuyantes finissent par interrompre son inspection.

Mon colocataire, qui se relève, commence alors à regrouper le matériel de première urgence étalé sur le lit.

Lorsqu'il a entre les doigts la crème cicatrisante, il me la tend en me conseillant :

— Tu devrais en mettre un petit peu au coin de ta lèvre.

D'ordinaire, je ne m'autoriserais pas à effectuer cet acte. J'ai décidé il y a longtemps de subir chacune des blessures faites par mon père, sans jamais tenter de les amenuiser, en signe de rédemption.

Or, cette nuit fait exception, j'accepte de pratiquer ce soin, conscient que le brun ne me laissera pas faire abstraction de cette médication si facilement.

Je me lève péniblement pour me placer devant le seul miroir mural de la chambre.

— Comment te sens-tu ? me questionne mon colocataire, dont je vois l'expression interrogative se refléter dans la glace où je m'observe.

— Bien, ça ne fait pas si mal.

Le clappement qui résonne dans la pièce attire de nouveau mon attention vers Elio.

— Je ne te parle pas de ton corps. En plus, je sais pertinemment que tu es en train de me mentir. Je te parle de là-dedans, déclare-t-il en pointant son index sur le côté gauche de sa cage thoracique.

— Il n'y a rien à dire, je vais bien, dis-je en faisant pénétrer du bout du doigt le baume sur la lésion qui fend ma lèvre inférieure.

— Refouler ses émotions n'est pas la bonne chose à faire lorsqu'on se sent acculé, Noa.

Se réinstallant sur le lit, mon colocataire tapote près de lui avec le plat de sa main pour m'inviter à le rejoindre. Je ne tarde pas à céder à sa sollicitation et me place à ses côtés.

— Je peux te confier quelque chose ? me questionne le brun, qui pivote légèrement et se rapproche comme s'il allait me conter un grand secret.

— Bien sûr, affirmai-je, surpris par sa demande.

— Faisons un deal, je t'avoue quelque chose d'important dans ma vie et en échange tu en fais autant. Chacun devra précieusement garder les dires de l'autre comme un trésor et ne devra jamais divulguer ce que nous allons nous livrer dans le huis clos de cette petite chambre.

Cette proposition est tellement inattendue que je ne sais que répondre. J'ai envie d'apprendre beaucoup plus que je ne connais déjà sur le Latino, mais je ne suis pas certain d'être capable en retour de lui révéler un peu de moi.

— Deal ? me demande-t-il, en me questionnant du regard.

— T... Toi d'abord, murmurai-je, peu sûr de moi.

— Millie a menti quand elle a dit qu'avant Alix, je ne m'étais jamais épris de qui que ce soit. Lors de ma première année de lycée, je suis totalement et éperdument tombé amoureux d'une personne.

Pour une raison incompréhensible, mon cœur se serre face à l'évocation de la fiancée du brun, tandis qu'il poursuit :

— J'étais prêt à décrocher la lune pour elle, mais nous étions jeunes à l'époque et l'investissement moral et physique que j'ai placé dans cette relation l'a effrayée. Tu m'excuseras de sauter un peu de l'anecdote, mais pour en venir aux faits, il s'est passé un événement déplorable qui a eu de graves conséquences dans ma vie. D'ailleurs, j'en paie encore le prix à l'heure d'aujourd'hui.

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