XXVI.

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Bien qu'un sourire éclaire le visage d'Elio tandis qu'il se glisse silencieusement jusqu'à la table, mon cœur s'affole d'être ainsi pris en plein dévoilement de mes sentiments. Rempli de timidité, je m'attelle à regarder la pomme de terre que je tiens entre mes doigts et la triture nerveusement. Soudain, une main se pose doucement sur ma nuque, amorçant un massage affectueux qui capte toute mon attention.

Lorsque je relève les yeux vers Elio, ses prunelles pétillent d'une expression que je ne lui connais pas. D'une voix calme, empreinte d'une tendresse indéniable, il murmure à mon oreille :

— Ma mère a raison, c'est réciproque.

Ces mots, bien que déjà partagés avant notre départ de la colocation, prennent une nouvelle dimension alors que son souffle effleure ma peau. La caresse légère de sa main sur ma nuque fait naître en moi un tumulte de sensations. Mon corps s'échauffe soudain, mon regard dévie à plusieurs reprises vers ses lèvres, à quelques centimètres des miennes.

Lorsque je me ressaisis et que je plonge à nouveau dans ses pupilles claires, le brun semble vraiment déstabilisé. Il a capté l'idée inappropriée qui a traversé fugacement mon esprit. La peur de le dégoûter me pousse à m'éloigner précipitamment, mais c'est sans compter sur cette main toujours présente sur ma nuque, devenue subitement ferme, m'en empêchant. De nouveau, un sourire rassurant se dessine sur ses lèvres.

Sa mère, spectatrice silencieuse de notre échange, interrompt notre interaction d'une toux légère.

— Noa, puis-je t'emprunter mon fils quelques minutes ?

La poigne de l'intéressé m'abandonne et il répond positivement à ma place. Alors qu'ils quittent tous deux la pièce, je reste seul, captivé par la conversation qui s'échappe à l'extérieur. La voix préoccupée de la mère d'Elio résonne soudain :

— Je suis désolée de devoir jouer les mégères, car Noa est adorable et j'ai bien compris que quelque chose se trame entre vous depuis que tu nous parles de lui. Ton père et moi sommes heureux que tu trouves le courage d'enfin tourner la page sur cette terrible tragédie que tu as vécue. Je ne voulais pas te parler de Soan car je sais qu'entendre son prénom te fait du mal, mais j'avoue que cela m'effraie un peu, Elio. Ils se ressemblent à bien des égards. Je ne veux pas que ce qui s'est passé se re...

— Maman, je comprends tes inquiétudes, mais Noa n'est pas Soan. Ce sont des personnes bien différentes, l'interrompt le brun d'un ton ferme.

Ce fameux Soan, dont je n'ai jamais entendu parler, semble avoir un passé douloureux commun avec Elio. Cependant, la discussion, tissée de préoccupations maternelles, reprend de plus belle, ne me laissant guère le temps de méditer plus longuement sur le sujet.

— Et Alix ? intervient-elle, son intonation démontre qu'elle s'interroge sur la situation sans pour autant lui faire le moindre reproche.

Mon cœur se serre à l'évocation de la fiancée d'Elio, tandis qu'il répond avec une nuance de résignation :

— Je dois en discuter avec elle, je sais. Je crois qu'elle a compris elle aussi. Elle m'a fait beaucoup de remarques, surtout sur ma façon de regarder Noa, comme je le faisais avec Soan justement. Je sais ce que ça signifie, mais si je romps avec elle, elle le reprochera immédiatement à Noa et il prendra peur. Je ne veux pas l'effrayer, car il s'éloignera de moi si ça arrive... Je sais que je semble ne pas prendre mes responsabilités, mais ce n'est pas ça, maman... Promis.

— Je veux juste m'assurer que personne ne sortira blessé de cette situation. Tu as toujours eu un cœur généreux, mon fils, mais il faut être vigilant, le conseille la quinquagénaire, qui paraît encore davantage vouloir le tranquilliser que le blâmer.

Une nuée de papillons effarouchés éclot soudainement dans le creux de mon estomac. Je m'efforce de ne pas mal interpréter ce que je n'aurais sans doute pas dû entendre, mais, au risque de me tromper, je ne peux m'empêcher de ressentir une joie immense à la pensée que les sentiments d'Elio pour moi ont dépassé le stade de l'amitié. Car, si c'est le cas, il comblerait enfin ce manque d'amour qui m'habite depuis toujours.

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