Réflections

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— Quoi ! Stop. Comment ça tu es amoureuse de moi ? Et depuis quand ? Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ?

— Vous avez d'autres questions ? Vous avez l'air bien parti pour transformer tout ça en interrogatoire...

— Ça y est, tu recommence !

— Je recommence quoi au juste ?

— Tu es sur la défensive et parle de manière sarcastique. Et par pitié, arrête ce vouvoiement de merde !

— Bravo Sherlock ! Vous voulez des applaudissements aussi peut-être pour votre perspicacité ? Vous me bombardez de questions sans me laisser le temps de digérer ce que je viens de vous dire et vous de même. Et je reste une humaine. Je ne peux pas répondre à toutes ces questions en même temps.

— Toi, digérer ce que tu viens de dire ? Tu m'as seulement annoncé quelque chose. C'est moi qui prends le coup, pas toi !

— Vous n'avez certainement pas à me dire ce que je dois ressentir ou faire. C'est à moi, et seulement moi de décider et non les autres.

Quelques minutes passèrent dans un silence assourdissant. Les deux femmes étaient à nouveau en conflit, se jetant des regards plus assassin que le précédent. Le défit étant la première qui baissera les yeux. Bien qu'aucune des deux n'aime être dans cette position, ce scénario devenait récurent à présent, voire habituel.

Cependant, Agathe pris la parole en première.

— Je m'en suis rendu compte peu de temps avant que vous ne vous mettiez en couple avec Manolo. Mais je pense que je l'étais déjà avant depuis. Je dirais depuis le collège. Je me voilais la face, tout simplement. À l'époque, je pensais que c'était quelque chose de mal. Même si nos parents ont toujours été très ouvert d'esprit et nous on éduqué avec cette même valeur, la société fait tout de même pression inconsciemment.

Leur regard perdit en intensité. Laissant place peu à peu à la fatigue de leurs querelles.

— Dis-moi, tu fais exprès de ne pas dire son vrai prénom pas vrai ?

Agathe la regarda de son fameux "regard qui fait peur", puis se ravisa quand elle vit le sourire narquois de Laura. Cette dernière, fière de sa pique l'a titilla encore :

— C'est fou quand même. Tu réagis toujours de la même façon quand on te lance des petits pics. J'ai toujours trouvé ça amusant parce que je sais que derrière ce regard noir, il y aura toujours cette Agathe que j'ai connu avant même ma naissance. Celle qui aime jouer avec le feu sans jamais s'y brûler. Et qui, avec ce regard, veut simplement qu'on la laisse tranquille avec le sujet mais veut quand même qu'on reste près d'elle.

Un silence s'installa à nouveau, moins électrique que le dernier, plus confortable. Les deux jeunes femmes continuaient de se regarder, les yeux dans les yeux, sans qu'aucune des deux ne sourcillent. Un échange sans parole, comme autrefois. Ce lien a toujours été présent entre elles. Savoir ce que l'autre ressent, ce que l'autre veut dire sans même avoir besoin de parler ou de faire des gestes. Un seul regard leur suffit.
Auparavant, c'était des regards "tu me couvres ?" ou bien "on s'éclipse en faisant diversion", ou encore "gros lourd en approche".
Mais aujourd'hui, rien de tout ça.
Leur regard étaient animés d'une nouvelle flamme. Un renouveau qui n'attendait que d'être vécu.
Du côté d'Agathe, son regard voulait transmettre sa peur d'être abandonnée une nouvelle fois par cet être si cher à ses yeux. Son regret, également, de ne pas lui avoir fait assez confiance pour lui parler de ses sentiments.
De l'autre côté, les yeux de Laura disaient à quel point elle était désolée de ne pas avoir vu ce qu'il se passait devant elle depuis des années, implorant le pardon à la femme en face d'elle pour tout le malheur causé.

9 m2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant