Des étoiles dans les yeux

Chapitre 9: Quand tout explose

Jeudi 26 novembre:

Mon cher petit journal (je voulais tester ce que ça faisait de commencer mon récit comme les petites princesses sans aucune vie mais ça ne passe pas trop je pense. Idée à oublier.) Je ne pensais jamais écrire ça un jour dans ma vie. Heureusement que ce carnet m'a pour seule lectrice. D'ailleurs, sais - tu où je t'ai caché ? En principe personne ne devrait te trouver sinon je me poserai de sérieuses questions. Fini le suspens, tu es... au fond de mon panier de culottes! Propres cela va de soi hein! Ça va, pas trop dégoûté mon vieux? Inutile de répondre, ça ne me fera pas changer de cachette, celle-ci est parfaite. En admettant que quelqu'un le trouve, - déjà il faudra m'expliquer en quoi ça l'intéresse de lire le récit d'une adolescente parmi tant d'autres parce que ce n'est pas comme si je menais la vie de Rihanna ou de Greta Thunberg!- ça m'amuserais bien de savoir comment la personne s'est retrouvée le nez dans mes culottes !

Je suis actuellement dans le bus m'amenant au lycée - cette fois j'ai réussi à ne pas le rater, je pense que ça mérite des applaudissements-. Aujourd'hui Alison et son frère, Rafaël, n'ont pas pu m'emmener au lycée car Alison a un rendez- vous chez le dentiste ce matin et Rafaël commence ses cours plus tard exceptionnellement car il a un professeur absent en tout début de matinée. Je t'avoue que je les envie. Ce n'est pas ma mère qui me prendrait rendez- vous chez le dentiste ou autre part alors que j'ai cours. Ma petite maman me prendrai rendez- vous en fin de journée une fois tous mes cours terminés ou bien en weekend. Pauvre de moi... Mais bon, je ne vais pas me plaindre (pour une fois) car j'ai beaucoup de chance d'avoir accès à l'éducation tandis que d'autres n'ont cette chance là même s'ils la méritent tout autant que moi ou même plus. Et bla bla bla et bla bla bla. Je pense que le rôle d'enfant modèle ne me correspond pas trop!

Donc, je disais, je suis dans cet affreux bus scolaire à l'apparence douteuse parce que ma soi disant meilleure amie m'a abandonnée seule face à mon destin et que je pense que c'est l'occasion de te raconter ma fin de journée d'hier qui a été plutôt riche en émotions.

Une fois Alison sortie du lycée (qu'est-ce que je l'enviais!), je me suis dirigée vers la salle de permanence pour mon heure de colle en traînant des pieds, redoutant de passer une heure dans la même salle que Jayson le diable après ce que mon amie venait de me raconter.

J'arrivais pile à l'heure devant la salle de permanence où j'observais qui d'autre était collé. A ton avis? Suspens... J'étais toute seule! Personne d'autre que moi devant cette maudite salle, aucun lycéen et encore moins de Jayson à l'horizon. Mon premier sentiment après avoir remarqué son absence, ce fût le soulagement. En effet, je ne sais pas si j'aurais réussi à tenir une heure avec lui sans lui sauter dessus et l'étrangler pour la manière dont il traite la gente féminine. Mais ce sentiment de soulagement fût très vite remplacé par de la colère. Comment Jayson pouvait- il se permettre de ne pas venir en heure de colle?! Je ne sais pas pour qui il se prend mais il va falloir que quelqu'un lui dise que ce n'est pas le roi du monde (très très loin du là) et qu'il redescende de son piédestal. Surtout que c'est entièrement de sa faute si je suis collée aujourd'hui! Bon, peut-être pas entièrement mais n'empêche que s'il m'avait ignoré dans ce stupide cours de mathématiques, comme il a si bien pris l'habitude de le faire depuis tant d'années, rien de tout cela ne se serait passé et à l'heure qu'il est je serai en train de soutenir Alison dans son chagrin et de faire la folasse pour lui changer les idées. Au lieu de ça, je suis devant cette stupide porte bleue crasseuse en train d'attendre qu'un pion vienne et m'autorise à entrer en salle de permanence. 

Un quart d'heure plus tard -temps que j'ai passé à compter les chewing-gums crachés et collés au sol du lycée (le nombre est impressionnant, ça ne m'étonnerait même pas que toute l'industrie du chewing-gum soit entre nos mains de petits lycéens rebelles qui décident de manger cette pâte à mastiquer au goût de menthe  alors que c'est contraire au règlement. Histoire de bien se la jouer cool, nos chers petits lycéens les crachent par terre au lieu de les jeter dans la poubelle la plus proche afin de montrer à notre hiérarchie que nous nous fichons de leurs règles. Pour résumer, cracher nos chewing-gums est une métaphore d'un doigt d'honneur à nos supérieurs. L'espèce humaine est tout de même fascinante.), un pion se décide enfin de finir sa pause-café et d'ouvrir la porte de la permanence pour les collés. En l'occurrence, pour moi. Quel honneur, je représente à moi seule toute la population des élèves collés ! Ne serait-ce pas l'ombre du stress qui approche à grands pas ? J'entre alors dans la salle redoutée par tant d'élèves (mais également dans la deuxième maison de certains) et m'assoies sur la première chaise décrépies que je croise, ce n'est pas comme si nous étions cinquante à être collés. Ou plutôt, à être venu en heure de colle. Personnellement, être collée ne m'a jamais effrayée ou quoi que ce soit d'autre. D'ailleurs, j'ai déjà été collée à plusieurs reprises. Surprise, je ne suis pas une sainte nitouche ! Pour ceux qui croyaient que j'étais là petite-fille parfaite qui ne fait pas de vagues et accumule les vingts sur vingts pour la plus grande joie de ses géniteurs, vous vous trompiez grandement. En réalité, en tant qu'élève je suis plutôt l'élève discrète. Celle qui a de bonnes notes sans exceller dans toutes les matières, qui a son groupe d'amies et qui aime sortir avec elles le weekend où après les cours, qui ne fume pas et qui fait pas chier les profs. Une élève des plus normales quoi. J'ai déjà fait des conneries comme tout le monde et ce n'est pas demain la veille que j'arrêterai dans faire. Si j'ai déjà été collée par le passé, c'est surtout pour motifs de bavardages à répétitions. Rien de très grave.