Chapitre 4

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Vide. Mon cœur est vide. J'ai toujours trouvé idiot de comparer un cœur brisé à un trou, mais à présent je comprends cette métaphore. Une peine lancinante ne me quitte pas, et même mes muscles semblent avoir oublié leur fonction première.

Ce sont des rayons de soleil éblouissants qui m'ont fait ouvrir les yeux. Je ne les ai pas refermés depuis. Une douce lumière jaunâtre se diffuse dans notre chambre, me laissant voir les grains de poussière flotter dans l'air. Prostrée dans mon lit je ne trouve pas le courage de me lever. Et entendre la respiration régulière de Léo est bien plus apaisant. Je dois aussi avouer que j'ai peur. Comme je l'ai dit à Léo cette nuit, j'appréhende l'avenir. Rien que l'idée de parler à Mamie me donne des frissons d'épouvante. Quant à l'idée de voir un cheval... c'est une torture.

Je ne saurai comment expliquer quel sentiment me prend quand j'y pense. J'étais attachée à Mau, bien sûr. Mais cela ne devrait pas m'empêcher de voir d'autres chevaux ou de ne pas monter à cheval à nouveau. Cette peur irrépressible n'est pas fondée, je ne comprends pas pour quelle raison je suis si anxieuse. Il est normal que la perte de mon cheval m'affecte, mais de là à me dégoûter des chevaux... Je suis perdue.

Enfin, j'entends mon frère remuer dans son lit. J'attends encore quelques minutes pour le voir sortir de son lit et me jeter un coup d'œil.

— Tu ne dors pas ? me demande-il avec un léger froncement de sourcils.

— J'ai l'air de dormir ? je grogne.

Il soupire avant de se détourner et enfile un pantalon.

—Tu pourrais surtout être plus gentille. Je n'ai pas besoin de voir un troll bougon dès le réveil.

— Mmhh.

— Tu descends ? me demande Léo avec un ton incertain, comme s'il ne voulait pas savoir la réponse.

J'attends quelques instants avant de me lever à mon tour.

— Uniquement pour que tu ne manges pas tout ce qu'il y a à manger au petit déjeuner, je réponds en détournant le regard.

— C'est ça.

Je revêt un t-shirt ample, par dessus mon débardeur, et ne prend pas la peine de mettre un coup de brosse dans mes cheveux.

Léo m'a attendu avant de descendre, et pianote quelque chose sur son téléphone.

— Qu'est ce que tu fais ? je lui demande intriguée.

— Ça y est ? Tu as fini ta période bougonne ? me lance Léo en rangeant son téléphone. Je note qu'un léger rouge colore ses joues.

— Non.

Je le bouscule pour passer dans le couloir.
Je suis tellement peinée de me comporter ainsi, mais ma meilleure défense est l'attaque. J'aimerai tellement me comporter différemment, mais j'en suis incapable. Je préfère agir comme si j'étais assez forte. Je ne le suis pas, malheureusement.

Une fois arrivée en bas des escaliers en bois, une boule de poil me saute dessus.

- Poppy! Tu m'as manqué choupette, je rigole tandis qu'elle me lèche la joue.

—Tu ne devrais pas la laisser te lécher le visage, me dit Léo en lui faisant la fête à son tour.

— Les enfants ! Venez donc ! lance la voix de notre aïeule vers ce qui semble être la porte d'entrée.

Je me demande ce que fais notre grand-mère hors de la maison, mais obéis tout de même. Nous la retrouvons sur le porche, avec notre grand père.

— Salut l'ancien, lâche Léo en souriant. Le genre de sourire qui illumine une pièce entière et me rend heureuse d'être en vie.

— Coucou papi, je rigole et croise son regard. Il a des larmes plein les yeux, et nous contemple comme si c'était le plus beau jour de sa vie. Il ouvre la bouche mais ne dit rien. Nous nous approchons pour l'étreindre.

Une émotion me prend à la gorge, je suis tellement heureuse de le revoir, et si étonnée de le voir dans cet état. Il m'avait manqué, mais je ne m'étais pas rendu compte qu'il était si touché de nous revoir. Nos grands parents ont énormément changé en deux ans, leur visage semble plus ridé, leurs yeux plus emplis de sagesse. De soucis aussi, de douleurs et de choses qu'ils n'admettront jamais. Sans m'en rendre compte, je crois que je pleure aussi, puisque je sens une humidité chaude dévaler mes joues.

— Ça fait du bien de vous revoir les jeunes, dit enfin notre grand-père, Jack, d'une voix rendue rauque par l'émotion.

Nous rions tous les trois, sous le regard bienveillant de notre grand mère. Finalement, je suis contente de ne pas être restée dans mon lit.

Nous embrassons ensuite Mamie, et parlons de choses et d'autres. Cela fait du bien.

La vue de la maison est toujours aussi magnifique. Des milliers de gens donneraient chers pour l'avoir. Orientée sud, elle donne une vue plongeante sur la mer. La maison se trouve sur un plateau au dessus du village de Veules-les-roses, là où ont habité une grande partie de mes ancêtres. En dessous du jardin, il y a un petit escalier qui mène jusqu'au village, mais mes grands parents sont trop âgés pour l'emprunter. Le reste du domaine est plat, couvert de champs et de plaines. C'est là que mes grands parents ont installé les paddocks des chevaux.

— Vous voulez venir au village avec nous cet après-midi ? demande Jack.

Je me tourne vers Léo pour connaître son avis. Lui aussi me regarde. C'est lui qui répond avant que je n'en aie le temps.

— Oui, on aimerait beaucoup venir. Il faut que j'aille m'acheter une pelle.

— Une pelle ? le questionne Mamie de son plus beau sourire.

— Oui. Mia et moi allons faire un château de sable, répond Léo d'un ton assuré. Du haut de ses 16 ans, la phrase sonne étrangement.

— Tu rigoles j'espère ? je m'exclame.

Je suis d'accord qu'il faut que nous sortions du ranch, je ne supporterai pas de rester trop longtemps si près des chevaux, mais je ne suis pas certaine à propos de cette idée de château de sable. Nous n'avons plus 6 ans. Malheureusement.

— Non, je ne rigole pas du tout. Tu verras, tu vas kiffer, et tu auras regretté d'avoir douté de moi.

—Je ne pense pas non, et puis...

Je suis coupée par Mamie qui nous pousse dans la cuisine pour le petit déjeuner.

Pendant quelques minutes, mes pensées se sont calmées, j'ai arrêté de penser à Mau.
J'ai l'impression que mon cœur s'est allégé lors de ces retrouvailles. Peut être qu'au final, cette peine que je ressens finira par partir.

Behind the rainbows [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant