La boue rend aimable

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On marchait côte à côte depuis un moment déjà. Nous étions maintenant dos au soleil et marchions sur un chemin tracé pour permettre l'accès du tracteur à son champs. J'étais plutôt mal à l'aise car au début il régnait un silence de mort. J'étais capable d'ouvrir mes pensées les plus personnelles à un ordinateur, à un instrument en faite mais je suis toujours moins inspirée face à une personne.

On pouvait sentir déjà l'humidité que dégageait la forêt. Quand j'étais petite, ma maman me racontait que la forêt emprisonnait nos larmes et qu'elle restait humide pratiquement toute l'année pour cette raison là. C'est alors que je m'imaginais toute sorte d'histoires.

Parce que bon pour casser le truc, je ne croyais pas une seconde à ce que disais ma maman.

Mais je m'imaginais apercevant des petits êtres. J'entendais des bruits curieux. Je me mentais à moi même pour m'affirmer être merveilleuse et que je vivais dans un monde magique.
C'est ça le pouvoir de l'imagination.

Je repris à peine conscience d'où on était lorsque... Je ne connais même pas son nom ! Enfin que.... M'aspergea d'eau
-Ehoh mademoiselle la campagnarde ! On sort de son monde !

J'étais toujours pensive, tout en essuyant le filée d'eau sur ma joue j'ajoutais doucement
- Je connais même pas ton nom

- C'est si important que ça ?

J'éclatai de rire du faible niveau de sa réponse et me contentai de répondre

- Bien sûr que ça l'est !

- Alors devine ! Mon prénom commence par la lettre -D !

Il avançai fier d'avoir trouvé un "jeu" pour ranimer la discussion et je le suivai. Sa pseudo-assurance m'amusait

- Mais des prénoms en -D, je ne vois que de biens vieux prénoms périmés moi

- Ferme la ! j'ai assez honte du mien
Mais il pris ma remarque à la rigolade

En même temps, il n'allait pas pleurer. La fatalité lui avait offert un physique plutôt agréable mais un nom carrément démodé. Je reconnais bien Black et Cyrus là dedans !

- Didier ?

- Sérieusement ?! J'ai une tête à m'appeler Didier ?

- Alors Dimitri ? David ?

- NAN. NAN !

- J'abandonne.

- Do.....

- Dorian ?!

- Dominique ..
J'ai à peine eu le temps de rire de son prénom qu'il renchérit

- Mais reste à Dom, je t'en implore...

- Ok Dom !
Et j'accompagnai ces paroles d'un petit sourire complice.

- Je peux deviner le tien ?

- Essaye, jamais tu trouveras !

- C'est une fleur ?!

- Pourquoi mon prénom serait une fleur ? Pourquoi les prénoms de filles sont presque TOUJOURS associés à des fleurs ?!

Et il marmonna :
- C'est vrai que tu peux pas avoir le prénom d'une fleur, vu ta douceur avec les gens...

J'étais obligée de me venger gentillement après cette remarque. Et sa phrase s'acheva alors que nous entrions doucement dans la forêt. Je repérais les zones marécageuses de boues. Au bon moment je le poussai d'un coup de hanche accompagné de d'un coup de bras qui le fit se retrouver au beau milieu de la gadoue.

Il s'en suit un cri de guerre de sa part. J'éclatai de rire tout en essayant de courir le plus vite possible de peur que le faux Alain Delon demi homme demi monstre de boue se venge lui aussi. Il me rattrapai tandis que je tentai de grimper à un arbre. Le monstre qu'il était me rattrapa, il me tira en m'attrapant par la taille. Il réussit son coup et j'atterrissais dans ses bras, heureusement encore couleur peau.

Là nous étions maintenant face à face. J'examinais ce qu'était devenu l'Homme que j'avais connu à peine trois heures avant, un horrible truc visqueux. Je ne pus alors m'empêcher de me moquer de lui et rigoler de mon exploit.

J'avais l'impression qu'on était davantage sur un pied d'égalité maintenant (il aura fallu que je le ridiculise pour y arriver ! ). Les masques étaient tombés et la méfiance sûrement aussi.

On retrouvait notre chemin, continuions à nous plonger dans la forêt et nous ne nous étions même pas rendus compte que la luminosité baissait.

LucioleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant