Dimanche : jour du vélo

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Je me réveille de meilleure humeur que d'habitude ce matin. Après être rentrée hier, la journée n'avait pas été particulièrement riche en événements. J'en avais donc profité pour me cloîtrer chez moi et écrire.
Mais aujourd'hui allait être une journée également vide malheureusement...
Mot-clé : DIMANCHE.
Le dimanche c'est la journée apparemment prévue pour que les cathos aillent à la messe et que les athées méditent sur l'existence humaine (faut bien qu'ils servent à quelque chose eux aussi). Mais j'accentue le "apparemment".
La routine au village le dimanche, c'est la même pour presque tout le monde ; soit environ 70% des habitants. Les ptites vieilles comères et les ptits vieux conscierges-bossus font leur petit rassemblement hebdomadaire à l'église poussiéreuse du patelin voisin, à l'occasion de la messe. Le village est donc désert de 10h à 12h30
(je rajoute une bonne heure durant laquelles ils se racontent leur derniers ragots locaux
"Et puis jt'ai pas dit Mireille ! *Petite tape sur l'épaule de Mireille* Le ptits merdeux et leurs quads, je les ai vus qui trainaient vers la forêt mercredi dernier ! J'étais en train d'arroser mes pétunias. On a eu beau débourser de nos impôts dans ce foutu panneau, ça a rien changé du comportements de ces ptits hors-la-loi ! Vraiment hein ! Les jeunes de nos jours sont de vrais ptits voyous ! Le pays va mal Mireille !")

Le village est pendant quelque temps réellement tranquille ! Plus de mamies qui rouspètent et plus de papis qui observent les gens derrière leurs fenêtres à rideaux transparents.
Alors, à 10 heures tappantes, je prends toujours mon vélo et me balade dans le village et sur les routes campagnardes. Je profite aussi de ce ptit tour pour passer à "Chez Black & Cyrus" pour acheter ce qui manque à la maison.

Le plus souvent ensuite, je passe par la colline. Enfin sur le petit mont du village. Ou la bosse, peut être. Enfin c'est pas difficile à monter. La colline est à côté de la forêt. Elle permet de rejoindre le village voisin. C'est là où tout mes anciens amis habitaient.

Aujourd'hui, contrairement aux autres jours, je prend davantage mon temps que d'habitude. Je souris intérieurement, et même extérieurement à la vue des rayons du soleil qui traversent les volets de ma chambre. Je reste dans mon lit et je ne fais que de les regarder. J'ai l'impression d'émerger d'un rêve agréable. Je décide finalement de me lever. Je me sens bien alors j'ai envie de tout faire bien, soigneusement.

Ça passe même par le brossage des dents. C'est de la pure folie.
Bizarrement, je me brosse rigoureusement et je prend mon temps. Je me regarde en même temps dans le miroir, je m'examine. Je conclus mon brossage en m'essuyant la bouche, j'inspecte mon sourire dans le miroir puis je me regarde à nouveau.
Ta bonne humeur fait peur Nila, t'es obligée d'être bizarre pour montrer au monde que t'es heureuse ?!
Je fuis de suite le miroir, je vais finir par développer du narcissisme ça se trouve !

Je m'empresse de m'habiller : jean/débardeur. La tenue la plus confortable pour trainer un dimanche.
J'enfile un sac à dos et m'apprête à partir. Seulement, un détail heurte mon regard lorsque je jette un oeil dehors avant de sortir. Je fixe un instant la chose, peut être ne sachant pas quoi en faire.

Il y avait là une feuille qui ne semblait pas s'être échouée là par hasard. Elle était coincée sous un caillou.
Je voyais déjà le coup du mot "Dom - 06gnagna-gnagnagna" alors que je le ramassais. J'ai soupiré en dépliant la feuille

[ J'ai pas osé frapper.
Mais pas de peur de te réveiller, plutôt pour ne pas réveiller tes parents.
Parce que toi tu m'as ABANDONNÉ, dans le FROID dans la forêt, couvert de GADOUE. Espèce de sauvageonne !!!
Mais comme on est de vieux amis maintenant, je te laisse passer chez moi. Tu sais où ça se trouve, tant pis pour toi sinon ;)
Dom (Le Gadoueux) ]

J'ai encore soupiré, mais cette fois çi je souriais en même temps en réalisant ce que j'avais entre les mains. Je me suis assise sur une marche et j'ai relu la lettre encore une fois. Je réfléchissais à ce que j'avais à faire aujourd'hui. Sauf que je ne pouvais pas me permettre de fuir encore une fois.
Je suis rentrée à l'intérieur alors que mes parents venaient à peine de se lever. Ils étaient assez surpris de me trouver là mais n'ont rien dit, heureusement.

Je m'assis sur une chaise de la cuisine, une main posée sur la table et l'autre dans le vide tenant la lettre. Je répétais mentalement ce mot qui ne me sortait pas de la tête
"Amis".. Amis... "Vieux amis"

Ma mère se tourna vers moi. Je me rappelais que je devais cacher ce que j'avais ramassé. J'enfonçai discrètement le mot tout en regardant ma mère d'un petit air innocent puis je filai dans ma chambre.

J'étais fière de cette lettre. Je sortis une boite pour la ranger. J'avais baptisé cette boite ma "boite aux lettres". J'y empilai les lettres que j'avais reçu. La boite était plutôt grande. J'avais l'espoir que j'y rangerais une longue et passionnante correspondance avec quelqu'un. J'ai d'ailleurs toujours rêvé que ce soit quelqu'un de mon âge qui comme moi adorait écrire.
Enfin pour l'instant, il n'en était RIEN. Il n'y avait que quelques lettres de ma grand-mère et une ou deux autres cartes postales.

Ouais. Je l'attend toujours ma correspondance.

Je déposai la lettre de Dom au dessus des autres et refermai le couvercle. Seulement, à peine le couvercle refermé, je le réouvrai. Je voulais voir son écriture, encore.

Je sortis de ma chambre. J'avais l'impression d'empester la bonne humeur à des kilomètres. Je revins d'instinct dans la cuisine auprès de ma maman. Je voulais comme la partager avec elle, même si je ne voulais absolument pas lui parler du mot. Je préfère garder ça secret. À peine arrivée qu'elle me balance :

- Tu ne profites pas du beau temps pour aller faire du vélo ce matin Nila ?

Je fus coupée court à l'entente de sa question. Je bafouillai avant de répondre :

- J'irai cette après-midi exceptionellement.

LucioleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant