3 - "Essaie plutôt un siècle et demi plus tôt."

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Le chant des oiseaux, et le rayon de soleil qui entre dans la pièce sortent Clarke du profond sommeil dans lequel elle est plongée. Elle ouvre les yeux et la première chose qu'elle remarque, c'est qu'elle a chaud et qu'elle se sent bien. C'est-à-dire l'opposé de ce qu'elle devrait éprouver après une nuit à la belle étoile sur le sol humide, froid et dur de la forêt.

Ce n'est que lorsque ses yeux se posent sur la silhouette assoupie de Bellamy que les événements de la veille lui reviennent par bribes incomplètes.

La nuit, la forêt, la douleur lancinante dans ses membres et sous son crâne. Puis, les bras de Bellamy autour d'elle et ses chuchotements incompréhensibles et paniqués à son oreille.

Pour finir, un visage inconnu et une chaleur bienfaitrice qui avait apaisé la souffrance qui la ravageait...

Sybel...

À présent, Bellamy est endormi. Sa tête dodeline dans le vide dans une position qui paraît loin d'être confortable. Il a posé ses pieds sur une petite table et gît, mi-assis, mi-allongé, sur l'un des deux fauteuils qui font face au canapé sur lequel elle est allongée. À ses côtés se trouve un récipient empli d'eau sale et d'un linge taché de sang noir.

Finalement, au fur et à mesure que la mémoire lui revient, Clarke n'est plus sûre de distinguer le rêve de la réalité. Sûrement, le Bellamy qui s'était si bien occupé d'elle hier soir, qui avait tendrement essuyé le sang séché sur son visage et posé sur elle un regard si doux qu'elle avait cru fondre... Ce Bellamy devait être le fruit de son imagination. Il ne ressemblait en rien à celui, renfrogné, fermé et placide, qu'elle côtoyait depuis maintenant plus de deux mois.

Ce Bellamy-là, le Bellamy froid et détaché, n'aurait pas risqué sa vie à courir de nuit dans une forêt emplie de pièges mortels. Il la détestait tellement qu'il n'aurait pas supplié qu'on la sauve avec autant de ferveur, puis n'aurait pas lavé sa peau et veillé son chevet avec patience malgré sa fatigue.

Non, ce Bellamy-là était tout juste bon à l'accompagner à contrecœur dans une aventure où personne d'autre n'avait voulu se lancer. Ce Bellamy lui en voulait tellement qu'il ne s'était porté volontaire que par pur sens du devoir. Pour tenir une promesse qui n'avait plus lieu d'être depuis le moment où Clarke avait appuyé sur cette détente.

Clarke soupire longuement et détache son regard de l'homme endormi à ses côtés. Dans sa tête, elle s'empêche de compter les raisons pour lesquelles Bellamy devrait rester en colère contre elle. Cependant, elle ignore sur quoi d'autre concentrer ses pensées. Elle tente de les focaliser sur des souvenirs positifs, mais ne peut échapper à l'angoisse et la tristesse latente qui teint chacun d'entre eux. Finalement, sa poitrine se serre, son estomac se noue et elle finit par sentir des larmes de fatigue et d'émotion brûler ses yeux.

C'est au moment où elle tente de les empêcher de couler en les fermant ses paupières avec force, concentrée sur chacune de ses respirations, qu'une voix étrangère résonne dans le salon.

"Parfait, vous êtes tous les deux réveillés."

Clarke ouvre ses paupières pour surprendre les yeux bruns de Bellamy rivés sur elle. Et cette fois, elle en est sûre, la lueur tendre et inquiète qui anime son regard le temps d'une fraction de seconde n'est que le fruit de son imagination. Comment expliquer l'expression dure et froide qui peint ses traits une fois qu'elle a cligné les yeux, autrement ?

La voix de Sybel interrompt ses sombres pensées.

"Allez, debout. Nous avons du travail."

La femme disparaît dans ce qui doit certainement être sa cuisine, à en croire par les bruits de vaisselle et de portes qui claquent. Bellamy et Clarke échangent un regard avant de se lever à l'unisson.

Les raisons pour lesquelles je te haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant