7 - Avant et Après

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Bellamy ne retourne pas au chalet de Sybel ce soir-là. 

Après leur baiser, Clarke avait essayé de l'appeler, de l'empêcher de s'enfuir, mais elle était trop ébranlée, trop bouleversée par ce qui venait de se passer. Ainsi, il lui avait fallu plusieurs minutes pour calmer le battement de son cœur et ralentir sa respiration. Un des deux soleils de Sanctum était déjà couché au moment où elle était sortie de l'ombre protectrice du saule pour retourner à l'intérieur.

À la manière dont Sybel la dévisage lorsqu'elle entre dans la cuisine, Clarke n'a aucun doute : la sorcière sait. Peut-être qu'elle ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Peut-être qu'elle ne l'a pas vu de ses propres yeux : comment Bellamy s'était accrochée à elle et l'avait embrassée si ardemment qu'elle s'est demandée s'il pourrait jamais lâcher prise. Contrairement à Clarke, elle ne sait pas quel goût ont ses lèvres, ni la chaleur de son corps contre elle, ni la sensation de sa paume sur sa peau. Mais Clarke sait que la sorcière peut deviner que quelque chose s'est passé.

Elle se demande si Sybel peut voir à quel point ce baiser unique a changé toute son âme et son cœur et quelles différences elle remarque entre la Clarke "d'avant le baiser" et la Clarke "d'après le baiser".

Parce qu'il y aura un avant et un après, c'est irrévocable. Comme s'il y eu une Clarke "d'avant et d'après la mort de son père". Une Clarke "d'avant et d'après la mort de Finn". Un Clarke "d'avant et d'après le Mont Weather". Une Clarke "d'avant et d'après le meurtre de Lexa". Une Clarke "d'avant et d'après Praimfaya". Une Clarke "d'avant et d'après Joséphine". Une Clarke "d'avant et d'après l'Anomalie".

Elle se demande quelle partie d'elle est morte et est née de nouveau lorsque Bellamy l'a embrassée ce soir et si, au lieu de mourir, ces parties d'elle sont juste avec lui maintenant, nichées contre son cœur.

Elle se demande si elle porte des morceaux de lui maintenant aussi.

"Arrêtez de trop réfléchir, tu es en train de gâcher tout le dur travail que tu as fait aujourd'hui", l'interrompt Sybel, la surprenant par ses mots. "Assieds-toi. Mange ta soupe."

"Mais..."

"Il ne reviendra pas ce soir."

"Comment le sais-tu ? Est-ce que tu l'as vu ? Où est-il allé ?"

"Je le sais de la même manière que je sais tout le reste. Maintenant, arrête de parler et de penser, et mange ta soupe. Tu dois aller te coucher et te reposer. Cela va être une longue nuit."

Poser plus de questions est inutile, Clarke le sait maintenant. Elle essaie donc de respirer et de faire disparaître le nœud dans son estomac pendant qu'elle avale son dîner. Mais elle ne peut pas. Elle observe le deuxième soleil se coucher par la fenêtre de la cuisine ainsi que l'obscurité envahir les alentours et elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour lui.

Elle se demande, entre les souvenirs de ses lèvres sur les siennes, s'il a trouvé un abri pour la nuit ou s'il a l'intention de dormir dehors.

Elle essaie de deviner, entre les réminescences de ses mains qui s'emmêlent dans ses cheveux, s'il a pensé à prendre un sac de couchage pour se tenir chaud et une arme pour se protéger.

Elle craint, se remémorant tous les progrès qu'ils ont réalisés dans leur relation, des paroles de plus en plus aimables qu'ils ont échangées chaque jour, des promesses de rédemption, que Bellamy soit parti pour ne finalement jamais revenir.

C'est la pensée même qui la brise, en fin de compte.

Sa cuillère échappe à sa main et claque sur son bol, éclaboussant la table de soupe couleur orange, mais Clarke ne peut pas voir les dommages sur la nappe blanche à travers ses larmes. Elle ne peut pas entendre Sybel quitter sa chaise et poser ses mains sur elle, ni entendre ses paroles de réconfort à travers les sons de son cœur qui se brise dans sa poitrine et les sanglots qui lui interdisent de respirer. Elle ne peut s'empêcher de penser, de s'inquiéter et de pleurer parce que c'est Bellamy et la simple idée qu'il ne revienne jamais est insupportable, même pour elle. Même quand tout ce qu'elle a fait, c'est de porter le poids de plusieurs mondes sur ses épaules pendant des années, elle ne peut pas porter ce poids. Elle ne peut pas...

Les raisons pour lesquelles je te haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant