Chapitre quatrième

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        En ce jour de décembre, j'avais rendez-vous chez une nouvelle arrivante du quartier Montorgueil. Le registre spécifiait qu'elle était romancière. Mon esprit s'était éveillé, je ne me souvenais pas avoir investigué quiconque de cette profession.

        A ma surprise, je ne fus pas reçu par une jeune femme, mais par deux. L'une était une anormale légère qui ne quitta pas le canapé où elle se tassait et qui me salua d'un son nasal. L'autre, charmante et vive, me pria d'entrer. Ses manières exquises contrastaient avec l'état des lieux. L'appartement sous les toits ne comportait tout simplement aucun chauffage.

        " - Comment faites-vous pour vivre ici ? lui demandai-je, effaré du froid glacial.

           - Comme vous voyez, dit-elle en montrant son accoutrement et celui de la débile sur son sofa."

        Les deux filles portaient une quinzaine de pulls de laine recouverts d'autant de manteaux, écharpes et bonnets. L'anormale avait l'air d'une version demeurée du yéti. La jolie conservait dans cette tenue une allure gracieuse. L'espace d'un instant, je me demandai si elles formaient un couple. Comme pour répondre à ma question tacite, la créature se mit à faire des bulles avec sa salive. Non, elles ne pouvait pas être ensemble. J'en ressentis du soulagement.

        " - Et vous tenez le coup ? interrogeai-je stupidement.

           - Nous n'avons pas le choix, répondit-elle."

        La débile avait l'absence d'âge des gens de son espèce. La mignonne devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. Sur mon registre, il était inscrit : "A. Malèze".

        A : Agathe ? Anna ? Aurélia ? Audrey ?

        Je n'étais pas censé la questionner là-dessus. J'examinai les quelques pièces et constatai avec étonnement que l'eau ne gelait pas dans les toilettes. Il régnait une température d'une dizaine de degrés dans l'appartement. C'était peu, certes, mais d'où venait l'impression qu'il en faisait dix de moins ? Je regardai le plafond presque entièrement vitré. L'isolation était déplorable, un courant d'air permanent glaçait les os. J'évaluai le coût des travaux à prévoir à plusieurs centaines de milliers d'euros. Le pire, c'est que rien n'était envisageable avant l'été, puisqu'il faudrait éventrer le toit. Je le lui dis. Elle éclata de rire.

        " - Je n'ai pas le premier sou de cette somme. Nous avons mis tout notre argent dans l'achat de cet appartement.

        Nous : elles devaient être soeurs.

          - Mais vous pourriez emprunter et aller loger momentanément chez un parent.

          - Nous n'en avons aucun.

         C'était poignant, ces courageuses orphelines, dont l'une était bonne pour l'asile.

          - Vous n'allez pas pouvoir passer l'hiver comme ça, dis-je.

          - Il faudra bien. Nous n'avons pas de solution de repli.

          - Je peux vous trouver une place dans un foyer social.

          - Il n'en est pas question. De toute façon, nous ne nous plaignons de rien. C'est vous qui avez tenu à nous rendre cette visite d'inspection.

        Ce ton de défensive me crispa le coeur.

          - Et la nuit, comment parvenez-vous à dormir ?

          - Je remplis des bouillottes et nous nous serrons l'une contre l'autre sous la couette."

        Je comprenais mieux la présence de l'idiote : elle tenait chaud. Vertu irremplaçable dont je connaissais, par l'exercice de mon métier, la place capitale dans les conduites humaines.

        La fierté de la demoiselle me plaisait. Je tentai le tout pour le tout :

        " - Il n'est pas possible que je sorte d'ici sans vous proposer une aide, un recours ou une médiation.

            - Que proposez-vous donc ?

            - Je peux vous apporter des chauffages électriques d'appoint. Gratuitement.

            - Nous n'aurons pas les moyens de payer la facture d'électricité qui en résultera.

            - EDF a prévu des aménagements pour ce genre de problèmes.

            - Nous ne sommes pas des nécessiteuses.

            - Votre attitude vous honore. Mais la bronchite chronique, ça existe, qui peut dégénérer en pleurésie. Les cas sont de plus en plus fréquents.

            - Nous jouissons d'une santé excellente."

        Elle devenait hostile. Je compris que j'étais invité à partir. La seule chose que j'obtins, grâce à mon insistance, fut un nouveau rendez-vous afin de bâcher le plafond avec de vastes toiles de plastique.

        " - Ce sera laid, dit-elle.

            - Mais provisoire, répondis-je en tente un sourire de réconciliation."

        Je remis à la prochaine rencontre les questions que je brûlais de lui poser.

        Dès que je fus dehors, je conçai à la Fnac Halles à la recherche des romains d'une A. Malèze. Je tombai sur Balles à blanc d'Aliénor Malèze. Aliénor : c'était si beau que j'en restai interdit.

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Bonjouuur !

Désolée pour ce jour de retard, je suis en petite dépression post-concert (je suis allée voir Tokio Hotel à Bruxelles et disons que je suis dans un sale état depuis haha) et je suis allée au restaurant hier donc je n'ai pas eu le temps de publier le chapitre, mais le voici !

Oh, et je  voulais vous informer que je suis en train d'écrire une nouvelle fanfiction, elle se fait lentement mais sûrement !

Bisous et à samedi !

PS : pour celles qui publient sur WP, vous aussi, vous n'arrivez pas à voir les statistiques de lecture de vos histoires pour le moment ?

Le Voyage d'hiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant