Journal: 02 au 26 Mai 2005

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Lundi 2 Mai

« Pourquoi ? » est la première question idiote qu'on se pose. Il n'y a pas de pourquoi ni de comment, s'il y en avait il n'y aurait pas de cancer car connaissant la cause on aurait sûrement la solution…

La deuxième question étant encore plus idiote :

 "Pourquoi moi" ? Et par cette question l'on ne peut répondre que par une autre : « pourquoi pas moi ? ». Le « pourquoi moi » n'ayant aucun sens, les statistiques étant ce qu'elles sont il faut bien que cela arrive à quelqu'un…

Après on peut tenter de trouver d'autres réponses car ces questions tout en étant idiotes nous trottent et continuent de nous trotter dans la tête.

- Il y a alors la version négative:

« Pauvre de moi, c'est terrible ce qui m'arrive, je vais souffrir puis je vais mourir »

(Oui je vous l’accorde ULTRA négative !!)

- Et la version positive: « Je ne peux rien y changer donc autant faire avec »

(Oui en effet… je vous entends penser tout haut ! On dirait bien que la personne qui dit ça est complètement déconnectée de la réalité)

Une personne dont l'annonce de la maladie est récente penserait sans doute:

 "Elle est folle cette fille (oui à 32 ans j'ai encore tendance à me considérer comme une fille...), peut-être qu'elle est maso" et je répondrais en disant:

 « Ce n'est pas le cas (enfin je crois !), pour moi la première étape en vue de guérir étant d'accepter »

J'ai appris la nouvelle très récemment, j'ai subis une mastectomie avec curage ganglionnaire il y a une semaine.

On m’a enlevé un sein ainsi qu’un certain nombre de glandes lymphatiques sous l’aisselle pour le cas où des cellules cancéreuses du sein se seraient propagées dans le corps.

Une indication est de trouver des cellules cancéreuses dans les glandes lymphatiques car cela indique qu’elles ont commencé à « voyager » car elles utilisent notre système de circulation sanguine pour aller s’installer dans d‘autres organes…

Oui… je suis d’accord… elles sont très fourbes ces méchantes petites bêtes !…

Bon… revenons à nos moutons !

Ce n'est donc pas avec le recul que je parle, mais là, maintenant, avec mon bras douloureux: en enlevant des glandes lymphatiques on perturbe la circulation sanguine et il faut du temps pour que des circuits alternatifs se mettent en place, il se forme des poches de lymphe car une partie des glandes par lesquelles passait la lymphe n‘existent plus.

Ma cicatrice est  longue et boursouflée, mon aisselle ne sent pas particulièrement bon parce que je ne peux pas y mettre de déodorant et… poilue !…parce que je ne peux évidemment pas l’épiler ou la raser !… j’ai encore les points…

Mais je me dis qu’il y a des gens qui souffrent beaucoup plus de moi, j’ai de la chance, on me soigne et puis…

Je suis en vie ! Et finalement il n’y a que ça qui compte vraiment

Oui, bien sûr je déprime parfois, je remarque que cela se produit d'ailleurs le plus souvent quand je suis fatiguée, rien qu'une bonne nuit ne puisse arranger et au pire j'ai recours à Mme C, mon arme magique.

Mme C est une personne qui masse les pieds (non je ne suis toujours pas folle !) et bizarrement cela libère les émotions refoulées qui vous engloutissent et vous empêche d'affronter convenablement les épreuves. Comme si la « réserve » étant pleine nous ne pouvions plus encaisser autre chose à moins d’en vider une partie.

Le "Bobo" VoyageurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant