Journal - Avril 2010

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J’ai une belle poitrine. Elle a bien évolué, comme les infirmières et médecins me l’avaient dit.

Rien de comparable avec une « vraie poitrine » forcément, mais je ne me considère plus comme un monstre…

En maillot ou en sous vêtements je fais tout à fait illusion et même si j’ai parfois l’impression qu’on ne voit que ça, les gens n’y voient que du feu, tout au plus pensent-ils que je me suis fais refaire la poitrine d’un point de vue purement esthétique…

J’ai encore du mal à me regarder dans une glace mais même s’il m’arrive encore d’éviter de le faire il m’arrive aussi de me regarder en face.  La cicatrice est toujours là, mais fine et blanche, un sein est légèrement plus bas et légèrement plus volumineux que l’autre mais bon les progrès ces dernières années sont incroyables, cela n’a rien de comparable à ce que c’était.

Et puis je me suis fais une raison, je me dis que ce n’est pas grave, l’essentiel est de pouvoir vivre tout à fait normalement, de pouvoir faire les activités et de m’habiller comme je veux, ma poitrine ne m’entrave en rien. Je peux mettre des décolletés, être sexy et féminine, jouer avec mes vêtements comme avant.

Plus que 6 mois de traitement antihormone Nolvadex !

Les effets secondaires sont toujours présents mais je les supporte mieux, je suppose que le corps s’adapte à tout…

Et puis, somme toute, ce n’est finalement pas grand-chose quand on considère les effets secondaires d’une chimio…

Les difficultés au niveau du sommeil sont un effet secondaire, au même titre que la tendance à broyer du noir, les coups de barre, les petits soucis digestifs, la petite bouée au niveau de l’abdomen…

La prise de magnésium conseillée par mon homéopathe semble aider de façon assez marquée au niveau du bien être, de la fatigue et du sommeil, dommage de n’avoir pas compris cela plus vite…

Il est vrai qu’on ne fait pas forcément le lien des problèmes avec la prise de médicaments, c’est seulement en parlant à d’autres dans le même cas qu’on se rend compte que nous partageons tous les mêmes problèmes et qu’il s’agit donc bel et bien de conséquences du traitement. Celles-ci ne sont pas stipulées sur la notice du médicament, on y voit « seulement » que cela peut causer…

D’autres cancers !… Sûrement parce que les autres effets secondaires sont somme toute assez « légers » en comparaison, et tellement variés que la notice serait bien longue….

Lors de ma dernière visite chez mon oncologue, je suis partie confiante lui disant que je voulais arrêter le traitement, qu’elle différence pouvait-il de toute façon y avoir de faire le traitement  4 ans et demi ou 5 ans ? Est-ce que cela faisait réellement une différence ?!

Il m’a répondu de façon à me remettre les idées en place:

« Tu as eu un cancer qui comporte un risque de récidive élevé, le Nolvadex est une protection, il me semblerait logique de le continuer le plus longtemps possible »

Que peut-on répondre à ça ?

Rien, évidemment, juste:

« Vu sous cette angle je continue bien sûr les 6 derniers mois »

En voyant ma tête il m’a dit:

«  Attention, te stresse pas avec ce que je viens de te dire non plus, on se base sur des études se rapportant à des personnes ayant été traités il y a un certain nombre d’années car c’est la seule façon de voir s’il y a des récidives ou non après tel ou tel traitement et de quel pourcentage il s’agit.

« Tu as pris un traitement nouveau pendant un an (l’Herceptine) et cela change donc complètement la donne par rapport à d’autres avant toi qui ne l’ont pas eu. En ce qui concerne ton groupe nous ne pourrons mesurer réellement les conséquences qu’au fur et à mesure des années. Il faut donc se baser sur des faits qui sont déjà anciens, ce qui malheureusement veut dire qu‘il n‘est pas sûr que les traitements actuels soient absolument nécessaires dans ton cas. Cependant étant donné qu’il n’existe pas de preuve du contraire il est plus sage de continuer autant que cela est possible»

Il m’a ensuite aussi laissé entendre qu’il y avait des recherches en cours et qu’un nouveau traitement prendrait peut-être la suite du Nolvadex. Je pensais que ce n’était qu’une probabilité, rien de sérieux, donc je n’ai pas prêté énormément d’attention mais Valérie m’a dit que c’était quelque chose de presque sûr…

A priori au vu du fait que je voulais déjà arrêter le traitement en cours il n’a sûrement pas eu envie d’enfoncer le clou

« NON !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

J’étais tellement contente d’en avoir bientôt terminé. J’avais fais tout ce qui était possible et imaginable au niveau des traitements ces 5/6 dernières années

« STOP !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

Bon….. on verrait bien…..

Sinon quoi de neuf ?

Mon appartement est toujours rouge !!!! Mais la couleur ne m’embête plus, même si j’ai toujours envie de changer la déco !

Et n’ai toujours pas remangé de flétan !…

Certaines personnes continuent de me considérer comme la fille qui a eu un cancer, et d’autres ont carrément oublié.

C’est bizarre ces différences, enfin dans un sens comme dans l’autre ça ne me préoccupe pas.

J’assume mon passé, qui est encore dans le présent !

Oui je me comprends !!!

Dans le présent puisque je suis encore sous traitement, mais dans le passé puisque je me considère comme guérie…

Léa vient de fêter ses 9 ans

Une conversation récente avec une de ses copines:

La copine:

« Super Nanny est morte d’un cancer »

« Une copine de ma maman a un cancer et elle a perdu tous ses cheveux »

Léa:

« Ma maman aussi elle avait perdu tous ses cheveux quand j’étais petite mais c’est parce qu’elle avait un bobo voyageur pas un cancer »

Et moi:

« Hum, Léa, chérie, je suis désolée mais en fait un bobo voyageur c’est un cancer »

« Un cancer c’est le nom de la maladie quand on a un bobo qui a la capacité de voyager et de se propager dans le corps »

Je me suis dis que si je ne voulais pas qu’elle se ridiculise il fallait que j’adapte l’histoire à son âge…

Et Léa un peu perturbée et inquiète car comprenant que cancer = mort = maman a eu cette maladie …

« Ah bon alors tu as eu un cancer ? »

Et moi:

« Oui chérie, mais je suis guérie »

Donc 5 ans après je me vois dans l’obligation de dire à ma fille que j’ai eu un cancer alors que je croyais que les périodes d’annonce de la maladie étaient loin… très loin… derrière moi

Enfin, je ne pouvais quand même pas la laisser éternellement avec l’histoire du bobo voyageur, ce qui parait raisonnable à 3/4 ans ne l’est plus quand on a 9 ans…

J’ai moi-même 37 ans, je suis vieille !!!!

Non… je sais que ce n’est pas le cas…. mais je n’ai pas l’impression d’avoir bougé des trente, aller vers les 40 ans me semble irréel

Le "Bobo" VoyageurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant