1. Espoir

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Contemplant un vase de Jacinthe violette, un homme était assis près d'une fenêtre. Il semblait être fait de marbre tel une statue, ne bougeant pas d'un pouce et clignant de temps à autres des yeux. Sa poitrine se soulevait dans une respiration silencieuse à un rythme lent et régulier. Il était vêtu d'une tenue sobre contrastant avec sa longue chevelure immaculée qui tombait en une cascade lisse sur ses épaules et son dos. Puis brusquement le son des pas cadencés de chevaux pénétrant sa demeure résonna aux creux de ses oreilles suivit de la tachycardie d'un cœur qu'il ne connaissait que trop bien. Il abandonna alors l'observation de ses fleurs et ordonna à ce qu'on ouvre les portes et qu'on accueille chaleureusement l'invité qui venait d'arriver. Toutefois, dans la précipitation l'homme à la chevelure pure ne remarqua pas le son d'un second cœur battant beaucoup plus lentement. Lorsqu'il fut arrivé dans le hall, il accueillit à bras ouverts le nouvel arrivant dans une étreinte chaleureuse.

-Lancelot ! Je suis heureux de te voir, tes visites à Hasphemir se font de plus en plus rares ! Fit l'hôte de la demeure.

L'homme face à lui se nommait Lancelot de Lambel et était un de ses amis de longue date. Il possédait une chevelure courte tout aussi pure et des yeux mercure transperçant. Son visage rayonnait de bonté et de bienveillance. Il était vêtu d'une armure faite d'obsidienne d'un noir d'une intensité presque infernale. Son armature était aussi surmonté d'une cape blanche cousus en soie magique et décoré d'arabesque dorée que le jeune homme ne quittait jamais. Cet accoutrement bien spécifique était signe qu'il faisait partie de la garde royale de la principauté d'Artemias.

-Le plaisir est partagé Alefsen, je ne voudrais pas m'imposer mais serait-il possible de discuter de choses plus discrète dans ta chambre ? Demanda le jeune chevalier en se décalant légèrement pour laisser à son ami voir un jeune garçon brun l'accompagner.

Surpris de voir de la compagnie auprès de Lancelot, Alefsen hocha la tête et demanda à ce qu'on prépare des collations d'ici une heure. Il monta ainsi dans sa chambre suivit des deux hommes puis referma la porte derrière eux. En soi, le plus surprenant n'était pas de voir son ami chevalier accompagner de quelqu'un... Non, le plus surprenant était de voir un jeune homme nu et par conséquent, un esclave à ses côtés.

-Qui est-ce ? J'ai le souvenir que tu ne souhaitais pas d'esclave. Questionna Alefsen en s'approchant du garçon qui fixait le sol.

-C'est exact. Je n'en souhaitais pas. Mais je l'ai recueilli sur un marché à Xynéris, il était l'esclave d'un mage démiurge. Il souhaitait s'en débarrassé après s'être rendu compte qu'il l'avait brisé... Par conséquent il l'a donné gratuitement au plus rapide.

-Et tu as été le plus rapide ?

-Malheureusement non, mais ça ne m'a pas empêché de donné une raclé à l'enflure qui voulait s'en servir comme cobaye. Répondit Lancelot avec un léger sourire victorieux sur ses lèvres.

Il s'approcha du jeune homme et caressa délicatement sa chevelure légèrement crasseuse puis jeta un regard à son ami. Ce n'était pas dans les habitudes du chevalier de demander des choses ou des services à quelqu'un et encore moins à ses amis. Mais la vérité était qu'il ne connaissait personne d'autre de plus compétent qu'Alefsen pour aider ce jeune esclave brisé.

-Pourrais-tu... T'occuper de le ravauder Alefsen ?

Bien qu'il s'attende à cette demande après avoir appris l'histoire de ce garçon, Alefsen resta perplexe. A quand remontait la dernière fois qu'il s'était occupé d'un esclave ainsi ? Quinze ? Peut-être même vingt ans ? Il n'était plus certains d'avoir les capacités nécessaires ni les méthodes requises pour le faire... Un esclave brisé était comme une étoffe précieuse qu'on devait ravauder avec la plus grande des précautions...

Voyant son ami hésiter, Lancelot posa sa main dans le bas du dos de l'esclave et fit des mouvements circulaires avec son pouce pour le rassurer. Il esquissa un sourire tendre et invita l'esclave à s'avancer jusqu'à Alefsen.

-J'ai confiance en toi. Tu es le célèbre « Ravaudeur » Alefsen Kersauson après tout, un mage originelle et par conséquent un elfe. Bien que je me voie navré de te demander cela après ta retraite, je souhaiterais vraiment que tu puisses ravauder Edgar de Tison d'Argence.

L'évocation de son passé et le rappel de son ethnie eut raison de lui. Le célèbre mage passa la main dans sa chevelure blanche et posa ses yeux aussi clairs que de l'eau de roche sur son ami. Si Lancelot insistait autant c'était que ce service était important pour lui, comment pouvait-il refuser la demande d'un de ses amis les plus proches ? Et puis, la perspective de s'occuper d'un esclave de nouveau pouvait s'annoncer réjouissante après tout.

-Bien, c'est d'accord. Céda Alefsen en soupirant.

Le chevalier eut un immense sourire sur les lèvres et hocha la tête en intimant à l'esclave d'avancer jusqu'à l'elfe. Il le fit calmement, ne montrant ni peur, ni protestation, ni émotion sur sa figure. Lorsqu'il fut assez proche, le mage posa avec précaution sa main sur son visage puis lui ordonna de lever la tête et de le regarder. Ses gestes n'étaient pas brusques et reflétaient une douceur inégalée. On y reconnaissait bien là, le célèbre Ravaudeur.

-Edgar de Tison d'Argence, est-ce là ce que tu souhaites ? Être ravauder entre mes mains ?

Demanda le mage d'une voix claire et modulée. L'esclave supposé être briser sembla dans un très léger et faible hochement de tête approuver à la question. Mais ce qui permit à Alefsen d'affirmer ses soupçons furent le rythme du cœur du jeune garçon face à lui qui s'étaient accéléré pendant une demi-seconde. Lancelot ne remarqua pas ce changement et eut un sourire triste en croisant les bras sur son torse, cet esclave lui faisait tant de peine... Par combien de douloureuse épreuve était-il passé pour en arriver à là ?

-Bien... Je ne voudrais pas être impoli mais Arwen m'a demandé d'aller à la frontière d'Hasphemir pour surveiller les tensions entre le Saint Pays d'Arkeha et la Souveraineté d'Elytrée. Je vais devoir te laisser Edgar et partir maintenant pour espérer y parvenir avant le crépuscule.

-Je ne vais pas te retenir plus longtemps, je vais prendre le temps qu'il faut pour ravauder Edgar. Je te souhaite une bonne route.

Sur ces mots, Lancelot quitta la pièce après un dernier au revoir et souhaita un agréable séjour au jeune garçon auprès du mage. Lorsque le chevalier fut parti, Alefsen ordonna à ce qu'on fasse couler un bain puis manipula l'esclave pour l'emmener jusqu'au lit. Le pauvre garçon ne disait rien, ses yeux qu'il imaginait autrefois vivant ne reflétaient aujourd'hui que le néant. Pourtant, il le sentait bien là, quelque part, caché au fin fond de lui... Edgar n'était pas brisé et il y avait encore de l'espoir.

Le RavaudeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant