Ils étaient à présent tous silencieux, rassemblés dans une vaste pièce, et rien ne semblait avoir changé. A l'exception du nouvel arrivant qui, un peu en retrait, dominait les autres de plusieurs têtes. Les bras croisés devant la poitrine, exposant sa forte musculature, il se dégageait de lui une sensation de puissance indescriptible, force à la fois tranquille et terrifiante. Les traits nobles de son visage portaient arboraient fièrement de profondes cicatrices, forçant le respect de ceux qui l'entouraient. Ses iris, dorés et étincelants, témoignaient d'une nature aussi éloignée de l'humanité que l'infini séparant l'individualité du cosmos. Et pourtant, bien que sa présence suffise à charger l'air d'une insondable puissance, cette dernière semblait entravée par des liens invisibles. Lorsqu'il prit la parole, sa voix résonna dans les coursives du domaine, semblable à un grondement :
« - Alors Yraamu, explique pour quelle raison tu as jugé bon de m'invoquer précisément maintenant ? J'ai senti une certaine... Urgence dans ton appel, je me trompe ?
-Il est vrai que ta présence et ton aide nous seraient fort utiles. Cette montagne aurait besoin d'un gardien le temps de notre absence. Et tu sais bien que je ne te demanderais pas un tel service simplement pour réaliser mes lubies. Je pense que tu es capable de sentir les changements qui s'opèrent, petit à petit, dans les courants d'énergie fondamentale.
-En effet, mes pouvoirs s'en sont trouvés légèrement modifiés. J'ignore cependant l'ampleur du phénomène. Je serais probablement incapable de sculpter un mont actuellement. Le temps durant lequel je pouvais encore plier la nature à ma volonté est derrière moi. Te souviens-tu de tout ce que nous avons accompli par le passé mon ami ? »
Son ton était pour le moins mélancolique, d'une profondeur et d'une richesse évoquant création et grandeur. Il était évident que l'être qui daignait partager la compagnie des originels en ce moment même dépassait la compréhension.
« -Bien entendu Drakiel. Et j'en d'autant plus attristé de devoir faire appel à toi en ces temps troublés alors même que bientôt les dernières forces qu'il te reste seront épuisées...
-J'ai toujours vécu en esclave. Etre le dépositaire des droits de création est une bénédiction douce-amère, et parmi tous mes maîtres qui se sont succédé, tu as été le seul à me considérer en tant qu'ami. Demande-moi ce que tu veux, ta volonté sera un ordre.
-Je te remercie pour ta loyauté. »
A ces mots, Yraamu s'inclina, et lorsqu'il se redressa, ses paroles s'adressaient aux autres originels, leur demandant de s'atteler à la préparation de l'expédition pendant qu'il entretenait Drakiel des détails dont il avait connaissance concernant les récents événements. Pour une quelconque raison, il fut établi que Pomf quant à lui devait participer à cet entretien. Lorsqu'ils eurent terminé, plusieurs heures plus tard, l'équipement était prêt, et Pomf arborait une expression grave, contrastant avec son naturel plutôt jovial et insouciant. Une heure plus tard, Hugo Pomf et Yraamu s'éloignaient du domaine, en laissant la charge à Mélanie et Drakiel, qui échangèrent un regard lourd de sens.
« - Penses-tu que ça ira ? Demanda Mélanie, faiblement.
-A vrai dire je n'en sais rien, tout dépendra du petit. Il n'a encore conscience de rien, juste une faible intuition, mais je suis certain qu'Yraamu le gardera à l'œil.
-Donc ses parents l'ont vraiment fait ?
-Hélas oui, mais à présent il est à la fois un risque que nous ne devrions pas prendre et notre espoir à tous... Il ne nous reste qu'à prier le maître que sa volonté s'accomplisse, et qu'elle n'implique pas la réalisation du désastre qui nous guette. »
Le soleil, haut dans le ciel, brûlait la terre, et la compagnie menée par Yraamu progressait péniblement à travers les étendues dévastées. A perte de vue, tout ce qu'ils pouvaient distinguer se limitait à un sol rocailleux, stérile et impropice à abriter la vie. Seules les violentes bourrasques venant leur siffler dans les oreilles brisaient le silence de ce désert. En dehors des villes, le même paysage se répétait peu importe le lieu. Aucune terre fertile, aucune implantation humaine, animale ou végétale. Quelquefois il était possible de rencontrer un cortège minier, venant exploiter les seules ressources disponibles hors les murs. Les sols étaient en effet très riches en minerais de toutes sortes, mais du fait de la présence des Khaz'Kiz organisés en campements nomades et à l'affut des moindres marchandises à piller, rares étaient ceux assez braves pour tenter ce genre d'expéditions.
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L'héritier des Abysses
FantezieDans un monde ravagé par une catastrophe d'origine inconnue, seules subsistent des cités états, séparées des étendues dévastées et refermées sur elles mêmes. Les nobles, vivant dans l'opulence au sein des quartiers riches, ne se montrent jamais aux...