Chapitre 19 : Le « Ryan Air » (époque : 2021)

267 69 16
                                    

Veille de la médiation, 21H.


Fiche historique : Ronald Ryer est un homme honnête qui a indubitablement réussi sa vie. Venant d'un milieu modeste et pieu du New Jersey, il étudia le droit pour défendre sa famille et comprendre le monde étrange qui l'entoure. Des études onéreuses, mais seule issue pour s'en sortir dans ce rapport de classe qui frappe les banlieues du 20e siècle. Jamais il ne douta de ses capacités, pas plus aujourd'hui.

Passionné par les écrits théologiques et philosophiques, il s'orienta rapidement vers la théorie du Droit, et enseigna à sa future femme. Mais c'est en tant que Médiateur qu'il se fit un nom dans la profession juridique. N'allant jamais contre leurs consentements, il orienta néanmoins ses enfants vers des études similaires. Si vous lui demandez « à quoi sert un Médiateur judiciaire ? » Il vous répondra certainement une de ses phrases fétiches : « Mon ami, il vaut mieux un mauvais accord qu'un bon procès ». Sa lutte personnelle constante : masquer les origines.

Identité : Ronald Ryer

Naissance : 1957 - Décès : 2031

Cause décès : Embolie pulmonaire.


Travailler est-il nécessaire ?

La flamme du travail en vaut-elle la chandelle ?

Il connaît le milieu et le milieu le connaît. Non personnellement, bien sûr, mais le milieu connaît plus ou moins tous les médiateurs judiciaires. Maître Ronald Ryer est célèbre pour ses dictons, ceux de Socrate sont ses favoris. Aujourd'hui, il propose un exposé oral dont lui seul connaît la saveur. Son préféré : tous les hommes sont innocents, tous les criminels sont des hommes, rechercher donc les criminels parmi les innocents.

Ses amis disent qu'il vit toujours en altitude, l'esprit au-dessus des nuages dirait-il lui-même, et plutôt dedans rectifierait sa famille. Ses collègues l'ont d'ailleurs surnommé « Ryan air ». Est-il vrai qu'il ne vit pas sur la même surface que la nôtre ? En tout cas, il travaille dans ces bureaux ; ces bureaux dont les murs blancs ont la couleur rouge du vin, où la déontologie juridique se mêle à la pratique du code du commerce et où les hommes qui y vivent démontrent la déloyauté d'un Juda.

Il se jurait pourtant de ne pas finir ainsi. A quelques années de la retraite, cela devient une tâche de plus en plus ardue. Beaucoup pensent que le confort financier, le socle familial, ou même le respect de l'ancienneté, protègent de la corruption. Il n'en est rien. Plus on possède, plus la perte effraie. Et plus il y a à perdre... Il quitte alors les lieux avec cette impression d'avoir tout perdu. Son dernier client n'est pas de ce que d'aucuns nommeraient d'honnête... Sa proposition non plus, il va de soi.

La négociation de demain tourne déjà dans sa tête depuis des semaines : l'affaire Newton. Presses, courriers, rencontres, mais aussi restaurants, virements, menaces. Tout se met en place comme à l'habitude dans le cadre d'une affaire de grande ampleur, bien que l'ampleur lui échappe. Une société de recherches scientifiques face à une société promouvant l'énergie nucléaire... que se passe-t-il ?

Hormis un débat écologique ou une question d'alignement de zéros, d'apparence cela ne semble pas si complexe. Il quitte le bureau l'esprit tracassé, loin de l'apaisement habituel. En passant le panneau « Welcome Whyte Houses » de son quartier résidentiel de villas chiques, il parvient un court moment à oublier sa petite mallette cuire et ce qu'elle contient. C'est son repère, son bouton off personnel.

Le pays du travail ne franchit pas la frontière physique de la demeure familiale. Pendant qu'il gare son monospace, il se surprend de l'absence de lumière. « Le détecteur déconne encore ! » s'agace-t-il. Mais les interrupteurs éteints de la maison vide lui donnent tort.

Dr J. Stevens FACE au NEANT [WATTYS21, 2 Watt'Cheers... -Edité-] (Partie 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant