Chapitre 27 : FACE au NEANT, poursuite de la seconde intrusion (époque : 1989)

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Jack Sallow rencontre Hart Bietez tous les jours d'école. Il redoute le week-end où il se trouve à nouveau seul, caché dans un endroit sombre, afin d'échapper à ses parents. Plus le temps passe, plus Jack Sallow est isolé. Non pas socialement, c'était déjà le cas, mais en lui. La solitude s'habille de nombreux visages, le pire est certainement celui d'un miroir sans reflets.

Les rencontres avec le criminologue ont l'effet pervers et inattendu de le cloisonner davantage de ses camarades. En outre, les parents de Jack Sallow agissent dorénavant comme s'il n'existait pas, lui disant de voir H. Bietez s'il a besoin de quelque chose. Une conséquence positive pour Jack qui a besoin d'une aide compréhensive. L'abîme l'envahit plus que jamais, ce que le criminologue travaille avec lui.

Nouveaux faits.

Son père est parti, sa sœur n'est plus là, sa mère devient absente à la maison, la maladie la guète. Jack vole suffisamment d'argent pour survivre. Pendant deux mois, son seul rêve est d'être un petit garçon normal. Comme son Bill-Andy, qu'il a présenté à H. Bietez, Jack Sallow se sent comme une marionnette portée par les fils du destin. Son avis ne compte pas.

Devenir un vrai garçon, libre de tout et surtout du regard des autres ? Dans « la porte close », durant son entretien hebdomadaire, Jack Sallow hésite : « Je lui raconte ce que père me faisait avant de partir ? ce qu'il faisait à ma sœur avant... »

- Comment tu dis ? demande l'adulte.

- Scott, vous savez mon chien. C'était mon ami. L'enfant s'écrase la main gauche contre la main droite. Les ongles d'une des mains entrent dans la peau de l'autre. Vous y croyez, vous, au paradis des chiens ?

- Non Jack, le paradis est pour les humains.

- Même pour père ?

- Oui, pour Amar aussi.

- Père m'a beaucoup frappé, ma sœur aussi avant, avant, avant ce que vous savez... et il nous a abandonné, je ne sais pas pourquoi. J'ai oublié. Je sais seulement qu'il s'est passé quelque chose de grave.

- Amar de Gama est un homme important. Il respecteun seul et unique « Docteur », il te prend pour un imposteur. Qu'importe...Ton père porte une mission essentielle et le ciel le remerciera de cela. Je me suis chargé de le lui rappeler.

Le corps de l'enfant tremble entièrement sous l'effet de l'angoisse. Mêlées de sang et de sueur, ses mains réagissent par spasmes. Le criminologue prend un mouchoir, qu'il parsème d'huile essentielle de lavande. Il le donne à l'enfant qui se le passe sur les mains.

L'homme aux lunettes épaisses lui explique froidement : « il faut continuer, poursuivons, apprendre à cloisonner. Maintenant, nous y sommes. »

Le jeune Jack Sallow sent la même impression le saisir qu'au moment de la mort, de l'abandon et de la maladie, trois expériences d'adversité qu'il connait hélas déjà si bien. A une époque, ses intestins le brûlaient. La douleur fut telle qu'il souhaita ardemment qu'on lui vide les entrailles. De temps en temps, il essaya. Aujourd'hui, il ne ressent rien. Ses mains sont les seuls indicateurs émotionnels. Derrière cette dissociation s'installe une mort lancinante.

Il a toujours eu une image biaisée du corps. Confondant biologie et psychologie, il associe certains organes à des sentiments, des pensées, dont il se sent totalement privé. Il n'y a plus rien en lui que cette sensation de solitude. Comme à son habitude, l'homme claque dans ses mains pour sortir le jeune de ses pensées.

- Puisque tu n'as jamais vu de psy avant, j'imagine qu'on ne t'a jamais expliqué la théorie du triangle dramatique.

L'enfant plisse les yeux, il apprécie quand H. Bietez lui parle d'égal à égal, comme à un adulte.

L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 1) [vainqueur des WATTYS21... -Edité-]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant